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jeudi 31 juillet 2014

Que la gourmandise a d'affreux préjugés !

Extrait du « Dialogue du chapon et de la poularde » de Voltaire (1763)

Dans ce dialogue, Voltaire met un scène un chapon (un coq castré) et une poularde qui discutent de cette espèce animale monstrueuse qu'est l'espèce humaine, de de sa cruauté, y compris envers leurs congénères, et des contradictions qui les habitent constamment. 

    



LE CHAPON
   - Aussi les plus grands philosophes de l’antiquité ne nous mettaient jamais à la broche. Ils s’occupaient à tâcher d’apprendre notre langage, et de découvrir nos propriétés si supérieures à celles de l’espèce humaine. Nous étions en sûreté avec eux comme dans l’âge d’or. Les sages ne tuent point les animaux, dit Porphyre; il n’y a que les barbares et les prêtres qui les tuent et les mangent. Il fit cet admirable livre pour convertir un de ses disciples qui s’était fait chrétien par gourmandise.

    LA POULARDE.
   - Eh bien! dressa-t-on des autels à ce grand homme qui enseignait la vertu au genre humain, et qui sauvait la vie au genre animal?

   LE CHAPON.
  - Non, il fut en horreur aux chrétiens qui nous mangent, et qui détestent encore aujourd’hui sa mémoire; ils disent qu’il était impie, et que ses vertus étaient fausses, attendu qu’il était païen.

   LA POULARDE.
    - Que la gourmandise a d’affreux préjugés!

dimanche 27 juillet 2014

samedi 26 juillet 2014

Soutra du Cœur : la forme est vide

La forme est vide.
Le vide est forme.
La forme n'est autre que le vide.
Le vide n'est autre que la forme.

Soutra du Cœur de la Perfection de Sagesse.
Prajñāpāramitā Hṛdaya Sūtra



vendredi 25 juillet 2014

Vivre, la plus illustre de vos occupations

- Je n'ay rien fait d'aujourd'huy.
- Quoi ? N'avez-vous pas vescu ? C'est non seulement la plus fondamentale mais la plus illustre de vos occupations. 

Michel Eyquem de Montaigne, Les Essais, III, 13.

mercredi 23 juillet 2014

Montaigne: la vie, un éclair dans le cours d'une nuit éternelle


      Pourquoi prenons-nous titre d'être, de cet instant qui n'est qu'une éloise dans le cours infini d'une nuit éternelle : et une interruption si brève de notre perpétuelle et naturelle condition: la mort occupant tout le devant et tout le derrière de ce moment, et une bonne partie encore de ce moment.

     Michel Eyquem de Montaigne


       NB : éloise en vieux français = éclair


vendredi 4 juillet 2014

Moine en contemplation au bord de la mer

Caspar David Friedrich, Moine en contemplation au bord de la mer, 1808.




Montaigne : nonchalant de la mort et de son jardin

Je veux qu’on agisse, et qu’on allonge les offices de la vie tant qu’on peut, et que la mort me trouve plantant mes choux, mais nonchalant d’elle, et encore plus de mon jardin imparfait. 

Michel de Montaigne, Les Essais, I, 20. 






Joie et non-sens

Je viens je ne sais d'où, 
Je suis je ne sais qui,
Je meurs je ne sais quand, 
Je vais je ne sais où, 
Je m'étonne d'être aussi joyeux.

épitaphe sur la tombe de Martinus von Biberach (mort en 1498)

jeudi 3 juillet 2014

Lucrèce : le veau que la mère reconnait entre tous

    « Souvent, au seuil d'un temple magnifiquement décoré, au pied d'un autel où brûle l'encens, un jeune veau tombe immolé et de sa poitrine jaillit une source chaude de sang ; sa mère cependant, restée seule, parcourt les vastes bois cherchant à reconnaître sur le sol l'empreinte de ses sabots fendus ; elle jette des regards en tous lieux, elle espère y découvrir le petit qu'elle a perdu ; elle emplit de sa plainte le bocage feuillu, à l'orée duquel elle s'arrête, puis à tout instant revient visiter l'étable, son cœur de mère percé de regrets. 
        Ni les tendres pousses des saules, ni les herbes que vivifie la rosée, ni les fleuves coulant à pleins bords, ne sont capables d'attacher son esprit, ni de détourner le souci qui l'occupe ; les autres veaux qu'elle voit dans les gras pâturages n'ont pas le pouvoir de la distraire et d'alléger sa peine : tant il est vrai qu'elle recherche un bien qui lui est propre et qu'elle connaît entre tous. Les chevreaux aussi, dont la voix tremble, savent reconnaître leurs mères cornues ; les agneaux bondissants distinguent le bêlement des brebis : ainsi le veut la nature, chacun accourt à la mamelle qui lui donne son lait ».

Lucrèce, De rerum natura (De la nature des choses), II, 352.







  

mardi 1 juillet 2014

Ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ?

JULIETTE : Ô Roméo ! Roméo ! pourquoi es-tu Roméo ? Renie ton père et abdique ton nom ; ou si tu ne le veux pas, jure de m'aimer, et je ne serai plus une Capulet.

ROMEO (à part) : Dois-je l'écouter encore ou lui répondre ?

JULIETTE : Ton nom seul est mon ennemi. Tu n'es pas un Montague, tu es toi-même. Qu'est-ce qu'un Montague ? Ce n'est ni une main, ni un pied, ni un bras, ni un visage, ni rien qui fasse partie d'un homme... Oh ! sois un autre nom ! Qu'y a-t-il dans un nom ? Ce que nous appelons rose embaumerait autant sous un autre nom. Ainsi, quand Roméo ne s'appellerait plus Roméo, il conserverait encore les chères perfections qu'il possède... Roméo, renonce à ton nom ; et, à la place de ce nom qui ne fait pas partie de toi, prends-moi toute entière.

William Shakespeare, Roméo & Juliette, acte II, scène II.


Galilée : l'Univers est écrit en langage mathématique

La philosophie est écrite dans cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l’Univers, mais on ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit. Il est écrit dans la langue mathématique et ses caractères sont des triangles, des cercles et autres figures géométriques, sans le moyen desquels il est humainement impossible d’en comprendre un mot. Sans eux, c’est une errance vaine dans un labyrinthe obscur.

Galilée, L'Essayeur, 1623.