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dimanche 28 août 2016

Les mauvaises justifications - 4ème partie

Les mauvaises justifications de l'exploitation animale


4ème justification
Il est plus important et urgent de s'occuper des êtres humains que des animaux.



     Nous vivons dans une société où le débat fait rage de savoir quel traitement nous devons accorder aux animaux. Ceux qui ont l'habitude de lire ce blog savent qu'en tant que végane, je désapprouve toute souffrance inutile exercée contre les animaux et contre toute exploitation cruelle à leur encontre. À partir du moment où l'on se rend compte que les animaux sont des êtres doués de sensibilité et de conscience, la seule attitude morale logique est de tout faire pour minimiser la violence et la cruauté dont les êtres humains sont capables à leur encontre. Cela implique au niveau individuel, le véganisme, le fait de ne pas consommer de produits animaux, et au niveau sociétal, le combat pour le bien-être et contre l'exploitation cruelle des animaux. Mais on entend toutes sortes de justifications qui minimisent l'intérêt de ce combat en faveur des animaux ou qui justifient carrément que l'humanité exploite les animaux. Ces justifications reviennent de manière cyclique et je voudrais les traiter une par une. A chaque article, j'essayerai de démonter les arguments de ces mauvaises excuses du statu quo par rapport aux animaux.






4ème justification : il est prioritaire de s'occuper d'abord des problèmes de l'humanité avant de s'occuper des souffrances des animaux.




Il est prioritaire de s'occuper d'abord des problèmes de l'humanité avant de s'occuper des souffrances des animaux.



     On entend souvent : s'occuper des animaux, c'est bien joli, mais on ferait mieux de s'occuper du sort des enfants, des hommes et des femmes qui meurent chaque jour, un peu partout sur la planète. La misère est tellement grande dans l'humanité qu'il serait presque indécent de s'intéresser au sort tragique des animaux. Commençons tout de suite par dire que l'un n'empêche pas l'autre : ce n'est pas parce que Jean-René milite chez L214 ou pour PETA qu'il ne peut aussi agir en faveur d'Amnesty International ou d'OXFAM. En fait, l'argument de la priorité à l'humain est souvent un argument de mauvaise foi : ceux qui amènent agressivement cet argument dans le débat ne font souvent eux-mêmes rien pour soutenir l'humanitaire ou le combat pour les droits de l'Homme...

    Envisageons néanmoins cette question selon deux angles liées à l'éthique antispéciste : les animaux étant doués de sensibilité, leur faire du mal en les blessant, en les torturant, en les privant de liberté, en les privant d'un environnement sensoriel varié, en les exploitant ou en les tuant est quelque chose de mal. Peut-être est-ce moins mal que de blesser, torturer, emprisonner sans raison, exploiter ou tuer un être humain, mais cela reste quelque chose de mal d'un point de vue moral. Si l'on veut se comporter de manière bonne et juste quand on a pris en compte cette sensibilité des animaux, on peut faire deux choses :

  • 1°) S'abstenir de faire du mal aux animaux
  • 2°) Avoir une action positive en faveur des animaux : militer pour les droits des animaux, sensibiliser le grand public, créer des refuges pour les animaux, les soigner, etc...


     1°) Concrètement, la meilleure façon de s'abstenir de faire du mal aux animaux est de devenir végane. En réalité, un végane ne fait rien pour les animaux. Il s'abstient juste de les tuer ou des les exploiter par son mode d'alimentation et de consommation (pas de vêtement en cuir ou en laine, il n'achète pas de ticket pour une corrida ou pour le cirque s'il y a des spectacles avec des animaux). Certes, cela peut prendre un certain temps pour s'habituer à cette nouvelle habitude alimentaire : il faut apprendre de nouvelles recettes de cuisine, découvrir de nouveaux ingrédients comme le tofu, le tempeh, le seitan ou les algues. Mais une fois que c'est fait, cela ne prend pas plus de temps que de vivre sur un mode alimentaire carniste.

     Donc, je dirais à celui ou celle qui m'oppose l'argument que les humains sont plus importants que les animaux, qu'il peut au moins devenir végane. S'il n'en est pas capable, qu'il essaye de tendre vers le véganisme (avoir une alimentation de plus en plus végétale). Il minimisera ainsi son impact sur les animaux tout en consacrant son temps pour des actions humanitaires ou pour aider son aider son prochain, ses frères humains en déshérence ! N'oublions pas aussi que le véganisme n'est pas seulement profitable aux animaux. Il profite largement aux humains sur le plan de la santé, au niveau écologique et aussi au niveau humanitaire. Pour élever des animaux dont on mangera le cadavre, il faut les nourrir tout leur vie durant avec des surfaces de pâturage ainsi que des surfaces agricoles importantes qui pourraient servir à nourrir les êtres humains qui, chaque jour, meurent de faim par millier dans différents coins du monde. Cette production agricole destinée uniquement aux animaux met aussi une pression sur le prix des aliments et favorise la spéculation boursière sur la production agro-alimentaire, ce qui fragilise une partie importante de la population qui se voit contrainte de payer des prix exorbitants pour pouvoir se nourrir au jour le jour. Donc, pour ceux qui préfèrent les humains aux animaux, qu'ils se prennent bien conscience que devenir végane est aussi un acte humanitaire !

    2°) Pour ce qui est de l'action positive en faveur des animaux, il peut y avoir deux attitudes possibles :

  • a) Ceux qui disent qu'ils préfèrent s'occuper d'abord des êtres humains (préférence subjective)
  • b) Ceux qui disent qu'il faut s'occuper en priorité des êtres humains (injonction morale qui tend à s'imposer à tous).


     En ce qui concerne la première option, chacun est libre de ses préférences. Si quelqu'un estime qu'il a plus envie de manifester ou de militer en faveur des droits de l'homme, d'une cause sociale ou politique, libre à lui ! Chacun se tournera vers le combat qui lui tient le plus à cœur selon sa personnalité, son parcours de vie ou ses rencontres personnelles. Cela peut une grande cause (défendre les réfugiés, combattre la faim dans le monde, faire libérer des prisonniers politiques, manifester pour la paix...) ou des petites causes (créer des jardins publics dans la cité, créer un terrain de pétanque pour le club du troisième âge du quartier,...). Au fond, ce qui compte, c'est notre élan de solidarité et de fraternité. Et évidemment, libre à ceux qui veulent défendre les animaux et militer pour les eux de le faire également.

     La proposition b est plus gênante parce qu'elle impose de ne soucier que des êtres humains. Or c'est là faire une division qui n'a pas de sens. Lamartine disait : « On n'a pas deux cœurs, l'un pour l'homme, l'autre pour l'animal… On a du cœur ou on n'en a pas ». On voit mal une organisation humanitaire qui combattrait la torture, les viols, la cruauté contres d'autres êtres humains, et qui militerait en même temps pour la liberté de torture et de maltraiter des animaux. La disposition à la bienveillance ne s'arrête pas aux limites de l'espèce humaines. Un enfant qui fera preuve d'empathie envers un chat ou un lapin fera aussi preuve d'empathie envers d'autres êtres humains. Comme je l'ai dit plus, manger de la viande n'est pas seulement négatif pour les animaux, mais aussi pour les êtres humains. Il n'y a donc pas de sens à incriminer les organisations de libération animale sous prétexte qu'elles ne viennent pas directement en aide à d'autres êtres humains.

      Comme le dit Matthieu Ricard avec beaucoup de finesse et de justesse dans son Plaidoyer pour les Animaux : « Ce livre a pour but de mettre en évidence les raisons et l'impératif moral d'étendre l'altruisme à tous les êtres sensibles, sans limitation d'ordre quantitatif ni qualitatif. Nul doute qu'il y a tant de souffrances parmi les êtres humains de par le monde que l'on pourrait passer une vie entière à n'en soulager qu'une partie infime. Toutefois, se préoccuper du sort de quelque 1,6 million d'autres espèces qui peuplent la planète n'est ni irréaliste, ni déplacé, car, la plupart du temps, il n'est pas nécessaire de choisir entre le bien-être des humains et celui des animaux. Nous vivons dans un monde essentiellement interdépendant, où le sort de chaque être, quel qu'il soit, est intimement lié à celui des autres. Il ne s'agit donc pas de ne s'occuper que des animaux, mais de s'occuper aussi des animaux 1 ».

      Dans la plupart des cas, le souci pour les humains n'est pas antagoniste du souci pour les animaux. Défendre l'un ne nuira pas à l'autre. On pourrait trouver cependant certaines expériences de pensée où il faut prendre parti pour l'un pour l'autre : supposez que vous marchiez le long d'une rivière et que vous vous voyiez un homme et un chien en train de se noyer. Vous ne pouvez sauver qu'un seul des deux. Lequel allez-vous sauver ? L'homme ou le chien ? À part quelques misanthropes qui choisiront le chien, la grande majorité des humains s'accorderont pour dire qu'il faut sauver en priorité l'humain. Cela ne contredit pas l'antispécisme qui affirme le fait que l'idée d'une égalité de considération des intérêts ne signifie pas pour autant que toutes les vies se valent pour autant. Concrètement, cela signifie que l'on doit être sensible à la souffrance de tous les êtres qui sont capables d'éprouver la souffrance, tant les hommes que les chiens. Pour autant, il est fort possible que la vie d'un humain aient plus de valeur que celle d'un chien. Dans cette expérience de pensée, je sauverai sans hésiter l'humain. Mais admettons tout de même que cette expérience de pensée se rencontre rarement dans la vie réelle. Je parie que la plupart de mes lecteurs n'ont jamais été confrontés à ce dilemme éthique de devoir choisir entre la vie d'un humain et d'un animal.

      On pourrait me rétorquer qu'il faut consacrer son temps à sauver ou améliorer des vies humaines plutôt qu’œuvrer en faveur des animaux.Mais comme le disent la philosophe Florence Burgat et le juriste Jean-Pierre Marguénaud dans une tribune parue dans le Monde du 15 juillet 2010 2 : « A ceux qui considèrent que les avancées législatives en matière de protection des animaux, et plus encore l'idée de leur reconnaître des droits, comme une insulte à la misère humaine, il faut répondre que la misère humaine résulte de l'exploitation ou de l'indifférence à la souffrance des plus faibles et que c'est au contraire l'insulter, sinon la légitimer, que de prôner l'indifférence farouche à l'égard de la souffrance d'autres êtres plus faibles encore et qui ne peuvent jamais consentir. Il faut leur répondre que, dans la mesure où il ne suffit pas de rester indifférent à la souffrance des animaux pour soulager la misère humaine, la protection des animaux et celle des plus faibles des hommes relève du même et noble combat du Droit pour aider ceux à qui il peut être fait du mal, beaucoup de mal ».

       Effectivement : 1°) l'idée de se concentrer uniquement sur les misères endurées par les êtres humains est très loin d'avoir porté ces fruits jusqu'à présent, 2°) la dynamique qui nous pousse à vouloir aider un autre être humain est la même que celle qui nous pousse à soulager les souffrances des animaux. Donc vouloir couper notre compassion et notre volonté d'aider des animaux au prétexte qu'il y a mieux à faire risque en fait d'affaiblir notre compassion et notre volonté d'aider les êtres humains.

      Enfin, l'argument, je le répète, est souvent de mauvaise foi. On ne reproche pas aux amateurs de football de ne pas se soucier des souffrances endurées par leurs congénères humains. Il est vrai pourtant que les supporters d'un club de football passent beaucoup de temps à soutenir leur équipe favorite dans les stades, à se déplacer jusqu'à l'autre bout du pays pour aller encourager leur équipe en déplacement dans le stade d'une équipe adverse. Ils passent aussi beaucoup de temps à parler de l'état de leur équipe de cœur, des transferts de joueurs, de l'arbitre qui est un vendu parce qu'il n'a pas sifflé un penalty en faveur de son équipe, et ainsi de suite (pendant des heures).... Et tout ce temps n'est pas consacré à réfléchir et à agir pour remédier aux tourments qui frappent l'humanité. Et on pourrait en dire autant des collectionneurs de timbre, des amateurs de billard ou de jazz, des émissions de divertissement et de télé-réalité qui passent à longueur de temps à la télévision.... Pourquoi reprocher dès lors à ceux qui défendent la cause animale de passer du temps à cela ?

      Mais toujours est-il que l'on peut certainement dire à ceux qui ne veulent pas du tout aider les animaux et qui veulent se consacrer intégralement à l'humanitaire qu'ils peuvent au moins faire le choix d'arrêter de faire massacrer inutilement les animaux par un simple choix alimentaire, le véganisme. Cela soulagera énormément de souffrances animales et humaines sans que cela n'enlève un temps précieux pour les engagements en faveur de telle ou telle cause.





1Matthieu Ricard, « Plaidoyer pour les animaux », éd. Allary, Paris, 2014, p. 13.


2Florence Burgat et Jean-Pierre Marguénaud, « Les animaux ont-ils des droits ? », Le Monde, 15-7-2010 : http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/15/les-animaux-ont-ils-des-droits_1387965_3232.html

















Voir les textes qui abordent les autres mauvaises justifications :

1ère justification : les humains sont plus intelligents que les animaux.

2ème justification : les animaux ne ressentent pas la douleur.

- 3ème justification : la conscience des plantes.

 5ème justification : Hitler était végétarien (sic!).







Vincent Bozzolan - Marche contre les abattoirs - Paris, juin 2016.









Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la libération animale ici.




Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici




Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.





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