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mercredi 21 février 2018

La drague de rue - 2ème partie



La drague de rue


(2ème partie)


Voir la 1ère partie de ce texte.


Ce texte est une réflexion critique à partir d'une vidéo de Marion Seclin où celle-ci assimile la drague de rue à du harcèlement.









Argument n°6 :

     « Ce n'est pas à toi de décider où et quand tu fais un compliment à une inconnue ». Peut-être que les femmes devraient porter des pancartes dans la rue : « Je suis disposée à recevoir des compliments ce jour. Je ne poursuivrai pas en justice les hommes qui se risqueront à faire des avances ».... Ce serait plus clair. Rappelons quand même que la distribution des rôles dans la société donne aux hommes le rôle d'être celui qui passe à l'action, qui est un conquérant et un séducteur, qui est en chasse. Or un homme, un vrai est celui qui n'attend votre approbation pour dire ce qui lui passe par la tête. C'est à cela qu'on reconnaît le « mâle alpha »... Je veux bien admettre que ce sont là des stéréotypes de gens complètement foireux et qui mériteraient sérieusement d'être dépoussiérés. Mais ces stéréotypes continuent à formater l'esprit de la plupart des gens, y compris des femmes et y compris des femmes féministes. Cela m'a toujours impressionné de voir des féministes radicales être séduites par des hommes répondant à tous les codes de la virilité machiste. Donc voilà, il est communément admis que c'est à l'homme de faire le premier pas. Franchement, c'est discutable. Les femmes devraient pouvoir aussi franchir ce premier pas et importuner les hommes dans la rue. Je trouverais cela génial. Mais en attendant, ce sont les hommes qui feront ce premier pas, parfois très gauche, parfois complètement hors-propos, souvent en se prenant des râteaux. Mais bon, c'est la vie....


Argument n°7 :

       « L'ébriété n'est pas une excuse ». Alors de fait, ce n'est pas une excuse. Mais en même temps, la plupart du temps, les paroles de quelqu'un de complètement ivre ne doivent pas être prises au sérieux. Pas la peine de faire tout un plat des divagations d'un mec bourré. Cela ne justifie en rien par contre les mains baladeuses, les insultes ou les menaces. « Dans la vie, il faut se tenir à tout instant, et personne n'a à faire les frais de tes soucis » nous dit Marion Seclin. À la fois, c'est vrai, mais c'est aussi une conception intransigeante de la morale. On admet généralement que, dans un contexte de fête, certains comportements seront plus acceptables ou moins condamnés que d'autres. Sans avoir de tolérance pour de véritables comportements de harcèlement ou d'agression.


Argument n°8 :

        « L'habillement n'est pas une autorisation ou un prétexte à harceler. Je mets ce qui me plaît ». Je suis d'accord avec cela. Être habillé d'une mini-jupe ne confère pas aux hommes un droit de cuissage. On devrait avoir le même respect pour une femme habillé des pieds à la tête et pour une femme habillée de manière plus sexy. Néanmoins, il est toujours étrange de voir des femmes qui portent un décolleté très plongeant s'offusquer soudainement de ce que les hommes, ces porcs, jettent des regards admiratifs en direction de leur poitrine...


Argument n°9 :

      « Tu as été harcelée, mais tu n'avais pas qu'à sortir si tard... » Sur ce point, je suis aussi d'accord avec Marion Seclin et les idées féministes : il ne devrait pas y avoir de couvre-feu pour les femmes. Une femme a tout autant le droit de marcher dans une rue obscure à deux heures du matin qu'un homme, et s'y sentir en sécurité. Dans sa vidéo, Marion Seclin démontre l'absurdité de cette position : imaginons que quelqu'un vienne déposer plainte pour un cambriolage et que le policier lui dise : « Oui, mais vous aviez une porte d'entrée aussi ». Le fait d'avoir une porte d'entrée ne justifie pas que le cambrioleur entre par effraction chez vous. Donc dans les cas de harcèlement ou d'agression sexuelle, ce n'est pas la femme qu'il faut blâmer, mais bien l'agresseur.

Argument n°10 :

       « J'ai le droit de me plaindre d'un harcèlement à partir du moment où je me suis sentie vulnérable dans la rue. Moi, je me suis sentie harcelée, et mes sentiments sont tout à fait valides ». C'est là une position problématique parce qu'elle fait appel à la subjectivité de la personne harcelée : je suis harcelée quand je me sens harcelée. C'est compliqué parce que d'une femme à l'autre les réactions peuvent varier du tout au tout. Un ami me disait : « Le porc de l'une sera le prince charmant d'une autre ». Un homme tiendra des propos à une première qui vont l'offusquer, la choquer, l'importuner, créer un malaise profond dans sa subjectivité, tandis que les mêmes paroles séduiront une seconde femme, la feront rire et la charmeront. Dans un premier cas, on a avec les mêmes paroles quelque chose de condamnable, et dans le second, quelque chose d'acceptable. Je pense que les hommes doivent avoir le tact de comprendre que les femmes peuvent réagir de manière très différente selon leur personnalité, leur sensibilité, leur vécu, leurs blessures, etc... Approcher une femme dans la rue peut être ressenti comme une intrusion ou une menace alors qu'on n'avait pas d'intention négative. Ceci étant dit, si on avait peur systématiquement de choquer les autres, personne ne se risquerait à entamer une conversation envers qui que ce soit.


        Un cas emblématique de cet appel à la subjectivité est celui de la femme qui a lancé le hashtag #balancetonporc, Sandra Muller. Sandra Muller a été traumatisée par des propos que lui ont tenu il y a quelques années un homme de télévision lors d'une soirée bien arrosée : « Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit ». L'homme en question, Eric Brion, n'a pas réitéré ses propos, a présenté ses excuses et a admis sa goujaterie. J'avoue que la première fois que j'ai entendu ces propos, cela m'a fait sourire. Est-ce que cela valait vraiment la peine d'en faire toute une histoire et de garder une rancune tenace des années durant ? C'était certes un manque total d'élégance dans l'expression de son désir, mais est-ce que ça valait la peine de ranger le gars dans la même catégorie que Harvey Weinstein pour la cause et de alncer une campagne de calomnie contre lui ? D'un autre côté, on peut peut-être essayer de comprendre la subjectivité de Sandra Muller, d'essayer de comprendre en quoi elle a pu se sentir rabaissée par ces paroles. Mais je en pense pas que la seule subjectivité, la seule appréciation puisse justifier une condamnation morale et encore moins une condamnation légale.


Argument n°11 :

      « Chaque fois que tu veux parler à une fille ou à un groupe de filles dans la rue dans un rapport de séduction, tu risques très fort de les importuner. Même si tu es gentil, que tu aimes ta maman et que tu es respectueux, même si tu récites du Baudelaire, même si tu es désolé de les déranger, tu les déranges ! Peut-être que tu as eu un coup de foudre, mais peut-être que tu es le septième de la journée ». Encore là, la question est : a-t-on le droit d'importuner ou non des demoiselles ? L'autre point, c'est d'être le septième de la journée. Est-ce que la drague de rue est si fréquente ? Beaucoup d'hommes voudraient bien draguer des inconnues, mais ont beaucoup trop peur de le faire. Ce n'est pas du tout aisé de vaincre sa timidité et d'aborder une femme sans la connaître préalablement.


       Il y a quelques années, il y a eu la vidéo « Femmes de la rue » de Sofie Peeters tournée dans les rues de Bruxelles en 2012 où elle se fait filmer en train de se faire draguer lourdement, de se faire traiter de « salope » ou de « pute », de subir des commentaires désobligeants, d'être intimidées par des bandes de petits caïds des rues. La plupart des agresseurs sont issus de cultures particulièrement patriarcales, d'origine maghrébine et de religion islamique en l'occurrence, qui ne prédisposent pas systématiquement au respect de la femme, même s'il faut tempérer ce genre de jugements en prenant en compte la situation sociale extrêmement précarisée de certains quartiers de Bruxelles, notamment le quartier Anneessens où a été tournée la vidéo. C'est un sujet sur lequel il faut être prudent : tout musulman n'est certainement pas un harceleur en puissance, mais il ne faut pas non plus se voiler la face et refuser de voir la vision patriarcale présente de cette religion. Ces éléments patriarcaux se retrouvent aussi dans le christianisme ; mais justement, l'Occident a produit une critique des éléments de la foi et en particulier de l'héritage misogyne que nous a laissé la religion. Cela n'a pas supprimé le machisme de la tête des gens, loin s'en faut. Mais cela l'amoindrit, d'où le fait que nous sommes choqués de l'attitude de personnes venant de cultures patriarcales et évoluant dans des classes sociales défavorisées. Cela pose beaucoup de questions dans lesquelles il faut rester prudent pour éviter les dérives et les manipulations politiques où l'on jette l'opprobre sur une partie de la population afin de mieux cacher sa propre misogynie.


      Néanmoins, cela explique que dans certains quartiers, si vous draguez une jolie demoiselle, peut-être qu'effectivement vous êtes le septième et certainement que, dans ce cas, la tolérance de la demoiselle en question touchera à sa limite, d'autant plus que les interactions précédentes manquaient singulièrement de cordialité... Mais je pense que, de manière générale, la drague de rue, galante, respectueuse, sans volonté de mettre mal à l'aise la personne abordée, reste rare. Les scènes où l'on voit Sofie Peeters se faire aborder relève plus du harcèlement, de l'intimidation, de l'injure. Mourade Zeguendi, acteur du film « Les Barons » (se déroulant dans les quartiers populaire de Molenbeek-Saint-Jean) qui est interviewé dans le reportage « Femmes de la rue » de Sofie Peeters et qui reconnaît avoir abordé agressivement des jeunes femmes dans la rue avec sa bande de potes de l'époque, y explique que c'était plus des comportements basés sur la frustration sexuelle et affective, et sur les tabous qui pèsent sur la sexualité dans les familles d'origine maghrébine, contrastant radicalement avec l’hyper-sexualisation de la société avec des affiches partout dans les rues de femmes nues et lascives pour vendre des yoghourts ou des voitures.


       On ne peut pas minimiser le fait que la drague de rue courtoise et ce type de harcèlement ne soit pas toujours facile à discerner du premier coup d’œil par la personne qui la subit au moment où elle se fait accoster. Néanmoins, les deux phénomènes me semblent complètement différents. Et ce que j'appelle la drague courtoise reste quelque chose de finalement assez rare. Tout le monde n'est pas un « pick-up artist » pour qui aborder de charmantes personnes est un art de vivre. Il faut dès lors se poser la question de pourquoi la vidéo a suscité autant de réactions aussi émotionnelles, autant de critiques violentes pour un phénomène qui reste tout de même marginal (je parle de la drague courtoise). Je pense pour ma part que Marion Seclin vient par ses propos briser un mythe tenace dans la psyché des gens : le mythe du coup de foudre. L'idée que, même si l'horizon de notre vie semble terne, même si aucune perspective ne semble présager une échappée à la solitude, il y a toujours la possibilité de faire une rencontre fortuite avec l'amour de notre vie au coin d'une rue. On sait bien que cela a très peu de chances de se réaliser, tout comme on a très peu de chance de tirer le gros lot au loto, mais c'est le genre d'espoir qui nous donne du courage pour affronter la grisaille du quotidien. En ramenant la rue à un simple trajet entre un point A et un point B qui ne doit pour rien au monde être interrompu, Marion Seclin brise en mille morceaux ce rêve, cet espoir. C'est pourquoi, même si on est étranger au phénomène de la drague de rue, on se sent mis en cause par Marion Seclin et remis en question dans sa masculinité.

Argument n°12 :

        « Si on ne peut pas draguer dans la rue, on peut draguer où ? Partout sauf dans la rue, les transports publics et les espaces publics. (...) Il y a des lieux pour faire certaines choses », nous dit Marion Seclin. D'accord, mais cela ne fait que déplacer le problème. Parce que si vous avez draguer une demoiselle dans une boîte de nuit, il y a un risque que cette demoiselle se sente sérieusement importunée aussi. Pourtant, la boîte de nuit semble être un endroit homologué « lieu adéquat à la drague et à la séduction ». Mais combien de femmes ne se plaignent pas d'être constamment interpellées par des mecs lourds alors qu'elles veulent seulement passer un moment agréable avec leurs copines sur le dance floor ? Dans les cafés et les bistrots qui sont par définition des lieux de rencontre et de passage ? Combien de femmes ne trouvent-elles pas refuser les avances des dragueurs éventuels ?


Argument n°13 :


        « Parfois, il arrive qu'on fasse des rencontres dans la rue. Mais cela vient d'un consentement mutuel. Mais dans aucun cas, c'est à toi de décider qu'unilatéralement, c'est le bon moment pour rentrer dans un rapport de séduction ». Là, c'est un curieux argument. Comment peut-on arriver à un consentement mutuel si on ne se parle pas ? Il faut bien à un moment ou à un autre pouvoir se parler. Le dragueur fait une proposition à laquelle la personne draguée a le pouvoir de consentir ou de ne pas consentir. Il y a bien un moment où il fait briser la glace, et quelqu'un qui prend l'initiative de la briser. On peut regretter, et je le regrette, que le modèle accorde au garçon la responsabilité d'aborder une fille pour lui faire cette proposition à laquelle elle peut consentir ou non. Pourquoi de temps en temps ne pas inverser le modèle ? Pourquoi pas la fille qui propose et le garçon qui dispose ?




*****




       Voilà donc mon avis sur les arguments avancés dans cette vidéo de Marion Seclin. On aura compris que je ne partage pas l'idée d'une assimilation de la drague de rue à du harcèlement sexuel pratiqué dans l'espace public qu'est la rue. En fait, je ne suis moi-même pas un dragueur de rue, pas même un dragueur tout court, les quelques dois où je me suis hasardé à entamer un brin de conversation dans la rue se sont toujours soldés par des fiascos complets. Mais en fait, derrière l'attaque contre la drague de rue, il me semble qu'il y a une attaque plus systématique à l'encontre de la sexualité masculine. J'ai l'impression que le féminisme radical reprend un héritage de la tradition judéo-chrétienne qui est de chercher à culpabiliser les hommes non pas pour ce qu'ils font de mal, mais pour ce qu'ils sont. On devrait s'excuser d'être un homme. Je vois dans cette culpabilisation une technique de contrôle et une recherche avide de pouvoir, dont les conséquences ne seront heureuses ni pour les hommes, ni pour les femmes.


     Je pense que la drague ou la séduction ne sont pas assimilables au harcèlement. Il me semble que dans la séduction, il y a au minimum une recherche de réciprocité : l'autre me plaît, et je cherche à lui plaire. La subjectivité de l'autre est prise en compte et respectée, même si je suis peut-être intéressé de manière égoïste par l'autre. Tandis que dans le harcèlement, il n'y a qu'une recherche d'emprise sur l'autre, de vouloir assouvir son bon plaisir aux dépens de l'autre, un dénigrement de l'autre et une négation de l'autre.








Le street-artist Seth en Chine








Relire la première partie de ce texte




Concernant le féminisme, la drague de rue et le hashtag #metoo ou #balancetonporc : 


















Tom Bob







26 commentaires:

  1. J'ai un ami qui me racontait qu'un jour dans un magasin de fringue, il a souri à une jeune femme qui aussitôt s'est presque enfuie en courant mais qu'à l'inverse quand il se promène en Asie (Cambodge, thailande...) les femmes lui renvoyaient son sourire... A tel point qu'il vient de se marier avec une Cambodgienne.
    Pour ma part j'ai été un dragueur de rue quand j'étais ado non sans succès mais j'étais soucieux de ne pas importuner l'autre. J'ai quand même le sentiment qu'on n'a pas tous ce souci là et que la vidéo de M. Seclin est là pour rappeler que ce serait bien que les homme se soucie un peu plus des femmes en question.
    Avant même d'aborder une femme dans la rue je savais déjà si elle était ouverte ou pas à la discussion. Évidemment aujourd'hui où elles ont toutes leur nez collé à leur portable et parfois avec des écouteurs sur les oreilles c'est plus difficile.

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  2. "En fait, je ne suis moi-même pas un dragueur de rue, pas même un dragueur tout court, les quelques dois où je me suis hasardé à entamer un brin de conversation dans la rue se sont toujours soldés par des fiascos complets. "

    Mais du coup tu passe à côté du point essentiel c'est que le vrai dragueur de rue qui lui parvient souvent à ses fins ne passe pas pour un dragueur de rue. Le mec qui interpelles une fille dans la rue en lui faisant remarquer qu'elle a de jolies jambes ne parviendra jamais à séduire le jeune femme en question parce que c'est lourd ce genre de compliment. Pour séduire une femme dans une rue ou ailleurs, il faut pouvoir se mettre à sa place. Si tu commences par lui demander son 06, c'est mort.

    Une fois j'ai abordé une femme à la sortie d'un cinéma et comme j'avais vu le film qu'elle venait de voir nous avons parlé du film comme si nous nous connaissions depuis toujours. A la fin, elle m'a donné son numéro de téléphone sans que je lui demande.

    Et puis ça arrive aussi l'inverse que ce ne soit pas moi qui fasse le premier pas dans la rue. Je croise une femme dans la rue que je ne connais pas et qui me sourit, je lui renvoie son sourire et me dit bonjour et je réponds simplement bonjour. Si j'avais été célibataire j'aurais fait demi-tour et aurais continué la conversation. Toujours est-il que c'est elle qui a fait le premier pas et qui m'a adressé la parole en premier.
    Je ne dirais pas que ça m'arrive souvent mais quand même au moins 5 ou 6 fois dans ma vie ce sont les demoiselles qui ont fait le premier pas.

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  3. Oui, effectivement le dragueur de rue efficace ne passe pas pour un dragueur de rue. Mais ici, je me positionne pas en tant que coach en séduction. Je me pose pas la question morale de savoir si c'est quelque chose de mal, d'une part. Tu as l'air de dire que c'est mal si on est maladroit, et donc quand on est repéré et catégorisé comme "dragueur de rue lourdaud". Pour moi, la question vaut autant pour le dragueur habile que pour le maladroit. D'autre part, je me demandais pourquoi cette vidéo de Marion Seclin a suscité autant de passions alors que les dragueurs de rue ne sont en fait pas légions. Moi-même je ne suis pas un dragueur de rue, et je me suis senti concerné par sa vidéo. Il me semble que les implications de son discours vont au-delà du simple problème de la drague de rue.

    Bien sûr, il est aussi important de se soucier de l'autre, de faire preuve d'un minimum d'empathie et de ne pas se ruer sur l'autre comme on cherche à ravir un diamant. Mais c'est pourquoi je distinguais à la fin de l'article la séduction où on cherche une réciprocité, du harcèlement qui n'est qu'un rapport de domination et où la subjectivité de l'autre est complètement niée. Pour paraphraser Kant, l'autre ne doit jamais être simplement un moyen, mais toujours une fin.

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  4. Je trouve ta réponse naïve.
    Mets en concurrence un amoureux transi mais maladroit avec un séducteur efficace mais pervers narcissique. Je suis sûr que même Marion Seclin préférerait le premier séducteur venu qui lui proposera de porter ses courses et qui la fera rire à l'amoureux maladroit.
    La séduction se situe au delà du bien et du mal. Relis le journal du séducteur de Kierkegaard.
    Le pervers narcissique, parce qu'il n'est pas dénué d'empathie est un susceptible d'être un séducteur redoutable.
    L"amoureux s'il est trop égocentré, risque de manquer d'efficacité même si son positionnement est plus moral.

    Je distingue l'efficacité de la morale.

    Idéalement l'amoureux doit se faire un peu séducteur.

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    1. Pour en revenir à Marion Seclin.
      Elle fait le buzz parce qu'elle pose de fausses évidences de manière clivante.
      Oui, presque toutes les femmes se font importuner dans l'espace publique.
      Oui la plupart des hommes sont des lourdauds sans considération pour les femmes.
      Les hommes sont renvoyés à leur frustration.
      C'est clivant parce qu'elle ne propose aucune alternative.
      Elle ne veut pas être dragué. Point.

      Je dis seulement que si les mecs étaient plus fins, plus attentifs, Mario Seclin n'aurait pas le même positionnement mais ce ne serait pas plus moral pour autant puisqu'on laisse la finalité du jeu de séduction indéterminé.
      Il est vrai que dans ce jeu, une femme a toujours plus à perdre qu'un homme.

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  5. Revenons à mon propos de base : est-ce que la drague de rue est assimilable à du harcèlement ? Marion Seclin répond catégoriquement oui. Personnellement, j'aurais tendance à répondre « non » et à faire une distinction, même s'il existe une zone grise où il n'est pas toujours facile de les distinguer et où la subjectivité des uns ne s'accordera pas avec la subjectivité des autres sur certains cas précis.

    Je ne suis pas en train de dire que la séduction est toujours quelque chose de génial. Bien sûr que certains séducteurs peuvent être des manipulateurs ou des pervers narcissiques. Dans les religions, on parle de la séduction exercée par le Malin, le Diable. « Délivre-nous du mal et ne nous livre pas à la tentation » prient les chrétiens... Donc oui, la séduction est neutre moralement. Elle dépend de ce qu'on en fait. Mais ce n'est pas mon propos. Je voulais juste faire une distinction entre la drague de rue et le harcèlement de rue.

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  6. Quant à la nécessité d'être efficace, ce n'est pas mon propos. Pour moi, il n'y a pas de différence sur un plan moral entre le gars qui emballe les gonzesses et le bonhomme qui se prend une succession de râteaux. Quand tu me dis que tu dragues une demoiselle en discutant du film qu'elle vient de voir au cinéma, j'ai envie de te dire : « Well done ! Bien joué ! », mais ne t'attends pas non plus à ce que je te décerne des lauriers pour ton action morale. Du point de vue personnel, quel que soit le domaine, c'est toujours mieux de réussir. Mais du point de vue moral, la réussite ne justifie rien du tout.

    Tu me dis qu'il faut draguer sans que la fille ait la sensation d'être draguée. C'est certainement un bon conseil ; mais ma réflexion ne se place pas au niveau de celle d'un coach en séduction ou d'un « pick-up artist » (artiste de la drague qui montre ses exploits sur YouTube). Et je pense aussi que tu prends les femmes pour des cruches si tu penses qu'elles sont dupes de tes manœuvres de séduction même habiles, même pleines de douceur et de compréhension envers elles. Quand elles se font draguer, les femmes savent qu'elles se font draguer. Quand je regarde les séducteurs dans mon entourage, ce qui me frappe, c'est que toutes les femmes autour de lui savent que c'est un dragueur et un séducteur. Très souvent, ce sont les mêmes hommes que les femmes cataloguent « séducteurs » ou « dragueurs » au début d'une relation, et puis qu'elles taxent de « salauds » à la fin de cette relation ! Par ailleurs, j'ai parlé récemment à une femme qui trouvait « mignons » les dragueurs maladroits.

    Donc, je défends l'idée qu'il faut juger moralement de la drague de rue indépendamment de la réussite ou non de cette drague. Je n'ai ni ressentiment, ni admiration envers le séducteur. Je n'ai ni mépris, ni sollicitude particulière envers le gars qui se mange un râteau.

    Je pense d'ailleurs que c'est une mentalité franchement machiste de toujours célébrer le Don Juan. Parce que ça s'accompagne toujours de son éternel corollaire qui est la condamnation de la salope. Quand tu dis que la femme a plus à perdre dans les relations de drague, c'est vrai socialement, mais c'est quelque chose qui ne devrait pas être.

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  7. Oui quand la drague de rue est maladroite c'est du harcélement. Toutes les femmes le disent. En revanche quand c'est bien fait ça ne passe même pas pour de la drague de rue.

    La réussite implique le consentement de l'autre. C'est donc moralement acceptable. Il y a quand même une zone grise qui relève de la ruse mais la ruse fait partie de la parade amoureuse.

    Mais les femmes ne sont pas contre la drague quand c'est sympa et agréable.

    "Très souvent, ce sont les mêmes hommes que les femmes cataloguent « séducteurs » ou « dragueurs » au début d'une relation, et puis qu'elles taxent de « salauds » à la fin de cette relation !"
    Mais la drague ne préjuge en rien de la fin de la relation. Je suis un contre-exemple vivant de cela puisque j'ai rencontré ma femme dans un supermarché puis dans la rue et nous avons désormais plus de 20 ans de vie commune.

    "Par ailleurs, j'ai parlé récemment à une femme qui trouvait « mignons » les dragueurs maladroits. "
    Parce que la drague est avant tout une histoire de feeling. Avant d'avoir été adroit j'ai été maladroit.


    "je défends l'idée qu'il faut juger moralement de la drague de rue indépendamment de la réussite ou non de cette drague. '

    Non car ce que trouve M. Seclin insupportable c'est la manière dont ces dragueurs de rue s'y prennent. Si un beau jeune homme demande à marion Seclin son chemin, elle ne considérera pas ça comme du harcèlement ni même comme de la drague de rue.

    J'ai dix milles anecdotes qui commencent par :je demande mon chemin et qui se termine par je suis hébergé par la fille en question tout en douceur. Dès le premier froncement de sourcil je n'insiste pas.

    "Quand tu dis que la femme a plus à perdre dans les relations de drague, c'est vrai socialement, mais c'est quelque chose qui ne devrait pas être."

    Si la femme a plus à perdre c'est parce que si la relation se passe mal ou si elle tombe enceinte c'est probablement elle qui en souffrira le plus. C'est pourquoi les femmes méritent davantage de considération et d'attention que les hommes.

    J'arrête là car Je pars en sesshin une semaine dans la montagne salut!

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  8. Non, la drague maladroite n'est pas pas du harcèlement. La drague maladroite est toute forme de drague qui échoue et qui se termine par un refus. Tant qu'on respecte ce refus, il n'y a pas harcèlement. Il peut y avoir toutes sortes de raisons de cet échec : une personne trop timide qui bégaie, quelqu'un qui ne sait plus quoi dire et qui sort une phrase toute faite désolante, la fille qui a un copain, qui n'est pas attiré par vous, qui est trop surprise pour accepter, mais à qui cette tentative fait quand même plaisir... On peut imaginer un très grand nombre de cas. Les réactions à ces tentatives maladroites peuvent être très différentes d'une femme à l'autre : ennui, agacement, mépris, mais aussi certaines peuvent trouver ça "mignon" aussi.

    Le harcèlement commence quand il y a une insistance lourde, un manque de respect ou encore des insultes après que le refus ait été prononcé.


    Ceci étant dit, bonne sesshin donc!

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  9. Quelle hypocrisie cette société des humains ! Nous subissons tout-es des injonctions que nous avons d'une certaine manière construites nous-mêmes car même si nous ne sommes pas, chacun-e, à l'origine des codes sociaux en vogue en ce moment, nous les suivons peu ou prou et nous y conformons néanmoins. Suivre d'un côté les injonctions publicitaires (je pense aux pubs hypersexualisées pour femmes par exemple) et les codes sociaux genrés en usage et récuser de l'autre les comportements sociaux ordinaires, comme la drague maladroite, dont je conçois qu'ils puissent être gênants certes mais pas nuisibles à prorement parler, c'est dans une large mesure hypocrite. Je suis donc relativement d'accord avec ce que tu écris en somme, on finit par confondre certains comportements maladroits humains avec du harcèlement, bien que je craigne que, malgré tout, la société doive passer par une période de rééquilibrage exagérément antihommes assortie d'une certaine violence dans les rapports hommes-femmes (mais après tout ce sera un revers de manche peut-être juste) pour devenir plus égalaitaire. A vrai dire, je trouve que les humains se comportent comme s'ils étaient étrangers aux codes sociaux, ou alors se présentent essentiellement comme victimes de ces codes, comme s'ils les subissaient passivement alors qu'ils s'y conforment largement, qu'ils y participent même. (suite ci-dessous)

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  10. Bref, condamner le harcèlement, avéré, je suis à l'évidence pour, mais rajouter des injonctions en matière de séduction aux hommes, qui ne sont ni anges ni démons (bien que je trouve souvent mes congénères hommes rustres mais bon...), dont on exige déjà habituellement qu'ils soient virils, entreprenants, rassurants et tutti quanti (comportements qui ne seront d'ailleurs pas sans séduire certaines féministes quand ils les touchent, comme tu l'expliques bien), bref, rajouter des injonctions à des hommes qui sont loin d'être tous des tombeurs avec l'art et la manière, c'est foncièrement ajouter de la confusion entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Je doute franchement que la drague de rue soit si fréquente qu'on nous la présente en ce moment. Sans aucun doute, si vous êtes une belle femme qui se promène dans certains endroits où la culture patriarcale est des plus fortes ou d'autres endroits encore où le fric et le pouvoir donnent prétendûment des droits aux puissants, il y a toutes les chances que vous tombiez sur de la drague maladroite et soyez même victime de harcèlement, qui n'est bien entendu en aucun cas justifiable, mais si vous êtes franchement moins bien dotée, je doute grandement que vous subissiez autant de tentatives de dragues.
    En fait, je regarde tout ça de loin, je ne me sens pas vraiment concerné tellement la société humaine me fait de plus en plus horreur, je suis tranquille avec ma compagne que j'ai rencontrée plutôt jeune et, pour mon bonheur, je me garde d'entrer dans les jeux de séduction dont je ne ressens pas le besoin (paradoxe, ça attirerait plus facilement les femmes !!!!, les hommes aussi d'ailleurs).
    Alors, voilà, de manière pragmatique, je suis circonspect, je soutiens très largement le féminisme depuis longtemps mais je ne crois en définitive pas que l'égalité passera par des campagnes de dénonciation où l'on mélange allègrement comportements lourdingues et harcèlement (même si "metoo" a permis l'émergence d'une parole et surtout que cette parole soit entendue, mais alors, noyée au milieu de milliers d'autres dénonciations nettement moins pertinentes). En fait, je ne crois pas fondamentalement en la société, on s'efforce de faire société mais je doute qu'une société humaine quelle qu'elle soit soit un jour capable d'égalité entre ses membres, on peut peut-être y tendre mais il ne faut jamais oublier que la société, chacun y participe, chacun la fait, et comme on trouve absolument tous les comportements dans la psyché humaine, des plus altruistes et bienveillants aux plus égoïstes et malveillants, la société sera toujours imparfaite, ou pour le dire autrement, à des années-lumières d'être parfaite.
    (suite ci-dessous)

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  11. Excuse mon pessimisme ou mon cynisme mais je ne crois vraiment pas en l'humain de manière générale, je ne crois que dans les quelques rares humains que je connais personnellement et en qui j'ai plutôt confiance (et c'est ceux-là d'ailleurs qui arrivent encore à me réconcilier avec les humains), mais dès qu'on met des humains ensemble pour former un groupe, il faut s'attendre au pire. Fondamentalement, je citerais Halévy, un philosophe libéral (que je ne suis pas sur bien des points mais qui pour le coup me parle), au sujet du sage taoïste : "le sage taoïste ne croit nullement en une quelconque sagesse du peuple, en un quelconque bon sens populaire, en une quelconque intelligence des masses. Il ne croit donc pas à la démocratie et certainement pas au suffrage universel. Mais il ne croit pas non plus à l'autoritarisme hiérarchique qui sera la colonne vertébrale du confucianisme. Très profondément, il ne croit pas en la société, il n'y voit que le champ de bataille des intérêts personnels, souvent mesquins et médiocres. Il préfère en tout la solitude, loin des hommes et de leurs miasmes."
    Ça se pose comme une sorte d'idéal finalement pour moi, voilà pourquoi je refuse largement de prendre part active dans la société hormis en matière animaliste (mais le sujet est à vrai dire tellement à la marge de la société). Quant à mon prochain, je m'efforce de l'aider par d'autres moyens que l'action sociale à laquelle je ne crois plus.

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    1. Là encore, il suffit de lire Mathieu Ricard pour reprendre confiance en l'humanité. Le point clef pour Mathieu Ricard c'est l'éducation. Au moyen age, les hommes et les femmes recevaient une éducation différente et les femmes paraissaient superficielles et peu intelligentes... Que de chemin parcouru... les sociétés évoluent lentement et imperceptiblement. Mathieu Ricard parle de progrès.

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  12. Deux remarques :

    - 1°) En effet, la drague maladroite doit nécessairement être distinguée du harcèlement ou de l'agression. J'encourage à jeter un œil sur le documentaire de Sofie Peeters dans les rues de Bruxelles (http://www.dailymotion.com/video/x3fb4sp). Quand des hommes l'insultent, l'intimident, lui font du rentre-dedans agressivement en proposant d'emblée une relation sexuelle, quand des hommes attablés à une terrasse de café crient en bande « petit cul ! » au passage de la jeune femme, il est invraisemblable de dire ou de penser que c'est là de la maladresse. Il y a clairement la volonté de dominer, d'apeurer, d'intimider, de nuire et de réduire les jeunes femmes au statut d'objet sexuel. Ce n'est pas une approche maladroite, c'est une approche clairement agressive.

    - 2°) Assimiler la drague maladroite à du harcèlement me paraît très problématique dans la mesure où cela ne peut que renforcer le harcèlement. Imaginons qui drague une femme. Ce n'est déjà pas drôle d'échouer et d'essuyer un refus, mais si, en plus de la sanction de l'échec et de la frustration du désir, on ajoute le poids d'une condamnation morale : « tu es un harceleur parce que ta technique de drague est défaillante », cela ne peut qu'encourager cet individu à mettre d'autant plus la pression sur la jeune femme pour parvenir à tout prix à son but de séduction, et donc à tomber dans un véritable harcèlement cette fois.

    Il me paraît plus sain de disjoindre les choses : d'un côté la tentative de séduction qui peut réussir ou non, mais qui reste de la drague ou de la séduction tant qu'on reste courtois, bienveillant et qu'on accepte le refus, et de l'autre, le harcèlement qui se fonde sur la négation de la subjectivité de l'autre, sur le mépris à son égard et sur la recherche d'une domination.

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    1. "Assimiler la drague maladroite à du harcèlement me paraît très problématique dans la mesure où cela ne peut que renforcer le harcèlement."

      C'est souvent comme cela qu'on à légitimé la prostitution et les maisons closes puis la pornographie. On légitime toujours le mal au nom d'un plus grand bien.
      Je défends une position straight edge. Je trouve plus facile de ne pas fumer que de fumer raisonnablement. Je suis pour l'interdiction du tabac et de toutes les drogues ainsi que pour un contrôle accru et plus restrictif des anti-douleurs.
      C'est une position que je défends mais je ne m'attends pas à ce que tout le monde soit d'accord avec moi comme les vegans ne s'attendent pas à ce que tout le monde deviennent vegan du jour au lendemain.

      Lors d'un repas dans le centre zen dans lequel j'étais il y a une femme qui est arrivé en cours de sesshin et elle s'est installé à table en face d'un moine belge exubérant et très drôle qui n'a pas arrêté de me faire rire. Or il s'est mis à dragué cette jeune femme ouvertement comme il a coutume de la faire un peu avec tout le monde. Quand il le faisait avec des femmes d'un certain age c'était drôle et on sentait la bienveillance dérrière et ça passait bien. Mais là à table il est allé un peu loin avec cette jeune femme et plusieurs personnes à table sont intervenu pour dire attention qu'aujourd'hui on pouvait considéré que ce qu'il faisait était du harcèlement. El la jeune femme est intervenu en disant en rigolant de faire attention. Le moine a aussitôt dit que ce qu'il faisait n'était pas interdit en belgique. Mais il a aussitôt arrêté de taquiner cette jeune femme en face de lui.

      Le regard sur la drague a changé et je pense que ce n'est pas un mal. J'en ai ensuite discuté avec plusieurs femmes dans ce centre zen et toutes m'ont dit qu'elle ont toujours trouvé la drague pénible.

      Ne pas tenir compte de ce que les femmes nous disent me semble moralement condamnable.

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    2. Est-ce que j'ai dit qu'il fallait ne pas tenir compte de ce que nous disent les femmes ?

      Ce que je dis par contre, c'est que ce que disent les femmes n'est pas univoque. Il n'y a pas une entité qu'on pourrait appeler "les femmes". Chaque femme a sa sensibilité propre, qu'il faut pouvoir respecter. Cela veut dire que chaque femme réagira différemment à la drague. J'ai déjà cité cette réflexion d'un ami que je trouve intéressante : "Le porc de l'une sera le prince charmant de l'autre". Un homme draguera une première femme et il sera perçu comme pénible, lourd, encombrant, et le même homme draguera une autre femme avec les mêmes mots, les mêmes attitudes, les mêmes blagues, et elle sera enchantée et séduite.

      Je pense en conséquence qu'il faut écouter ce que les autres ont à nous dire. Si on dit ou on fait quelque chose qui nous semble anodin ou bénin à nous, mais que l'autre perçoit comme néfaste ou désagréable, on doit s'arrêter. Ceci étant dit, invoquer la sensibilité comme Marion Seclin le fait dans l'argument n°10 pour poser un jugement à l'encontre de quelqu'un me semble problématique tant du point de vue philosophique que juridique. Dire notamment : "si je me sens harcelée, c'est que je suis harcelée", c'est passer un peu vite, me semble-t-il, d'un sentiment subjectif à une norme objective.

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    3. PS : je ne suis pas certain qu'il y ait beaucoup de différences entre la loi belge et la loi française sur ce qu'est ou n'est pas le harcèlement, mais je ne suis pas juriste. En tous cas, sur ce point précis, je ne pense pas qu'il y ait de différences culturelles entre les Français et les Belges. Alors qu'il y a des différences sensibles sur d'autres sujets ayant trait à sexualité, par exemple la prostitution : illégale en France, légale en Belgique et pas du tout cachée.

      Je dis cela parce que l'argument du moine belge me semble bizarre à moi qui suis Belge aussi.

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    4. Pour moi le ressenti prime sur l'objectivité. Si à chaque fois je raconte une anecdote c'est que pour moi il n'y a que des situations concrètes et que ces situations dépendent des personnes concrètes.
      Dans le cas du moine zen qui drague la personne en face de lui, personnellement je ne l'ai pas trouvé lourd. C'est quand il a dit "viens dans ma chambre, je vais t'expliquer le bouddhisme zen" que les autres personnes ont réagi.
      A mon sens il a juste été trop rapide et puis c'était de l'humour... mais la personne en face ne savait pas trop sur quel pied danser. Et puis tous les regards étaient tournés vers elle. C'était certainement inconfortable pour elle.
      Donc j'irais plus loin que toi quand tu dis "chaque femme réagira différemment à la drague" en disant qu'une même femme peut se sentir harcelé dans une situation et pas dans une autre situation pourtant très proche en fonction de nombreux paramètres comme l'age des personnes impliqués et l'état d'esprit de la personne dans l'instant. Une même femme ne réagira pas à la drague de la même façon si elle a une migraine ou si elle n'en a pas. C'est pourquoi c'est d'abord une affaire de ressenti avant d'être une histoire de norme.

      Et si on en fait une histoire de norme et bien comme pour la cigarette je suis pour la sévérité maximale parce que la fumée passive je trouve ça dégueulasse même dans la rue ou dans la sphère privée.

      Dans le doute, quand on ne sait pas à qui on a affaire et dans quel état émotionnel se trouve la personne, mieux vaut y aller très doucement sur la drague.

      "Si on dit ou on fait quelque chose qui nous semble anodin ou bénin à nous, mais que l'autre perçoit comme néfaste ou désagréable, on doit s'arrêter."

      Avant même de faire quelque chose d'anodin, il faut tâter le terrain. Il se trouve que j'ai bien accroché avec cette femme... et curieusement elle est venu faire zazen à côté de moi puis à tous les repas elle était en face de moi. Et en allant à trois reprises discuter avec elle, j'ai eu le sentiment d'être un peu lourd mais c'était mon ressenti pas le sien. Elle a fini par me dire qu'elle reviendrait l'année prochaine dans ce centre zen aux mêmes dates... et moi aussi. Pour moi ce fut une belle rencontre sans qu'on puisse parler de drague.

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    5. "Je dis cela parce que l'argument du moine belge me semble bizarre à moi qui suis Belge aussi."

      Il était le seul Belge à cette table et la réprobation de son comportement semblait partagé par toute la tablée. Il fallait bien qu'il s'en sorte par une pirouette. Je ne connais pas bien la belgique mais son humour m'a semblé typiquement belge. Il m'a beaucoup fait penser à Benoît Poelvoorde dans c'est arrivé près de chez vous notamment pour le côté "sans gène". Je pense que le côté exubérant est mieux toléré en Belgique qu'en France. Benoît Poelvoorde dans ses interview a souvent thématisé la différence entre la France et la Belgique lors des tournages (moins de hiérarchie en belgique qu'en France)
      D'ailleurs, peut-être que notre différence d'appréciation du sujet tient à une différence culturelle.

      Le fait que la prostitution soit légale en Belgique est très révélateur.

      L'illégalité de la prostitution rend le travail des prostitués encore plus précaire, à court terme mais à long terme la suppression de la prostitution est une bonne chose.

      On a longtemps cru que si on interdisait la prostitution le nombre de viol augmenterait or toutes les études scientifiques ou sociologiques tendent à prouver le contraire.

      Il semblerait même que la notion de catharsis en art soit un leurre.

      Plus nous sommes exposés à la violence plus nous devenons violent ou plutôt moins la violence nous choque comme quelque chose d'anormal.

      Je renvoie au Plaidoyer pour l'altruisme de Mathieu Ricard pour les études en question.

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  13. Degun,

    tu écris : « Je suis donc relativement d'accord avec ce que tu écris en somme, on finit par confondre certains comportements maladroits humains avec du harcèlement, bien que je craigne que, malgré tout, la société doive passer par une période de rééquilibrage exagérément anti-hommes assortie d'une certaine violence dans les rapports hommes-femmes (mais après tout ce sera un revers de manche peut-être juste) pour devenir plus égalitaire. ».

    Sur ce point, je ne suis pas du tout d'accord avec toi. Je pense que ce rééquilibrage anti-hommes ne peut qu'avoir que des conséquences funestes, à savoir un conséquence funeste qui est déjà en train de se produire : le succès grandissant des discours virulents anti-féministes. Je pense à des gens comme Alain Soral ou Eric Zemmour en France. Un discours féministe extrémiste ne peut que susciter un rejet violent d'acquis sociétaux. Il y a un risque réel de donner du pouvoir à des fascistes, à des réactionnaires et à des fondamentalistes religieux si trop d'hommes se sentent déstabilisés et menacés par certains changements sociétaux. L'année passée, il y a eu cette série horrible « Handmaid's tales » (Les servantes écarlates). Ce qui est effrayant dans cette série qui se passe dans un monde futuriste où les femmes sont à nouveau complètement asservies, où elles n'ont plus le droit de travailler et de gagner de l'argent par elles-mêmes, c'est que ce monde a l'air possible, surtout dans une Amérique qui trouve normal de voter pour Donald Trump.

    Il faut comprendre que les changements que demandent les féministes doivent se faire lentement. On ne change pas les mentalités du jour au lendemain. Il suffit de voir combien de temps il faut pour se transformer soi-même dans la méditation. A plus fortes raisons, quand il s'agit de transformer toute la société. Vouloir trop brusquer les choses, c'est prendre le risque de réveiller une colère profonde qui leur rendrait beaucoup plus acceptable et envisageable un discours fasciste ou jihadiste. C'est pourquoi je pense que les féministes radicales jouent avec le feu.

    Les hommes aussi doivent comprendre qu'ils ont intérêt à abandonner les réflexes machistes de domination et d'asservissement.

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  14. Je réponds brièvement en bloc. A Sb, oui je reconnais volontiers des progrès variés dans la société humaine, des progrès au pluriel, mais pas un progrès univoque entre hier (ou avant-hier) et aujourd'hui, mais je reconnais aussi des horreurs, le 20ème siècle ayant été des plus meurtriers (je vais pas détailler quand même), à mon sens l'espèce humaine s'annihilera, peu importe tout du moins si elle ne dévaste pas tout sur son passage. J'apprécie bien entendu les écrits de Matthieu Ricard, toujours réconfortants, mais je n'ai pas cette vision "optimiste", qui relève d'une forme de foi un peu aveugle à mon sens, qui le caractérise concernant les humains en général, peu importe, cela ne m'empêche en rien de reconnaître bien des qualités à certains de mes congénères en particulier et à manifester une bienveillance à l'égard de tous les êtres sensibles.
    A Bai, pour le féminisme radical, relativement à ce que j'ai écrit au sujet d'un éventuel "juste" revers de manche, ce avec quoi tu me dis être en désaccord, à vrai dire, je ne sais pas si c'est souhaitable, je dis juste que c'est ce qui me semble se profiler et qu'après tout, vu les horreurs qu'ont enduré les femmes (et qu'elles endurent encore, je pense à l'acide en Inde par exemple), c'est peut-être quelque chose de nécessaire, je ne suis pas forcément pour, je ne sais pas et surtout, je n'ai aucun pouvoir en la matière. Je pencherais plutôt en faveur d'une prise de conscience progressive aussi afin que ce soit plus durable notamment, bref une évolution plutôt qu'une révolution, mais en même temps, je comprends que les femmes s'impatientent (néanmoins, quand cela verse dans les discours hyper radicaux, je dois dire que je prends de la distance car j'ai du mal avec ce que j'appellerais l'exaltation militante), bref, on verra bien ce qui arrivera.

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  15. A Sb : au sujet du Straight Edge, bien que je ne sois pas contre quand c'est "pratiqué" non comme un code social mais comme une conviction personnelle, je sais que cela peut rapidement verser vers l'intolérance la plus absolue et dégénérer en une forme de réaction qui ne tolère plus rien de la part de l'autre qui nous "contrarie" (y a des Straight Edges chez les fachos, c'est clair). Je crois qu'en société, pour pouvoir vivre ensemble, on se doit d'accepter dans une certaine mesure d'être dérangé, d'ailleurs, qui dit qu'on ne peut pas soi-même être celle ou celui qui dérange l'autre ? Je ne parlerai pas des drogues. Quant à la drague, je conçois sans problème qu'elle puisse être une certaine nuisance mais enfin, quant à être pénalisable, il y a une marge, mieux vaut une évolution par l'éducation, sinon chacun va finir par rester dans sa bulle individualiste par peur du gendarme plutôt que par respect véritable à l'égard d'autrui.
    Quant à se fier aux impressions pour fonder du droit ou des attitudes moralement acceptables, aïe, là, c'est carrément la dérive vers le totalitarisme, si chacun prend pour vrai ses propres impressions, c'est la fin de toute société, ce n'est pas tant un problème d'objectivité vs subjectivité que de neutralité vs intéressement, heureusement que les multinationales de l'agroalimentaire par exemple ne fixent pas elles-mêmes ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas (déjà que), mieux vaut tendre vers quelque chose le moins partial possible tout de même. La drague tant qu'elle ne verse pas dans le harcèlement est sûrement le prix à payer pour garder un espace de liberté. On peut certes à l'inverse vouloir assurer un maximum de sécurité mais là, on y perdrait grandement en liberté, une société absolument sécuritaire ne me semble pas souhaitable et puis, franchement, vouloir abolir tout rapport de séduction, non seulement je ne crois pas que ce soit possible mais je ne vois surtout pas comment (en sanctionnant tout comportement de séduction non autorisé légalement ?), et de toutes façons je ne condamne pas la séduction absolument, il peut y avoir beaucoup de poésie dans la séduction quand elle est sincère envers la personne désirée (et ne consiste pas un jeu égotique vicié comme j'en ai déjà fait les frais il y a bien longtemps en tant qu'ado).

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    1. Symboliquement quand quelque chose est interdit cela signifie que c'est néfaste et à contrario ce qui n'est pas interdit légalement peut sembler autorisé moralement.

      "Quant à se fier aux impressions pour fonder du droit ou des attitudes moralement acceptables, aïe, là, c'est carrément la dérive vers le totalitarisme"

      Et si ces impressions sont fondées scientifiquement? Les neurosciences ont fait énormément de progrès... On sait aujourd'hui que battre un enfant (claque, féssée, humiliation...) n'est que néfaste et n'a aucune positivité d'aucune sorte.

      "La fessée est interdite dans 51 pays... mais pas en France"
      http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/07/13/la-fessee-bientot-interdite-en-france-elle-l-est-deja-dans-49-pays_4968864_4355770.html#9EHQJ9fwjWbY4YwY.99

      On voit bien ici qu'interdire la fessée n'impliquerait nullement que nous vivions dans un pays totalitaire et que cela restreindrais nos libertés.

      Quand au straight edge je suis le premier à en dénoncer les excès et les dérives que je vois d'autant mieux par contraste en fréquentant des communautés bouddhistes qui sont beaucoup plus tolérantes et inclusives ce qui ne m'empêche pas de défendre des positions straight edge à l'intérieur de ces communautés.

      Rien qu'au Dojo, depuis que j'ai tenu des propos un peu intolérant à l'égard de l'alcool, après le zazen, il n'y a plus ni cidre, ni vin, ni bière mais plus que jus de fruit et sirop de grenadine. Personne ne semble s'en plaindre.

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    2. J'entends bien ton raisonnement se tient mais quid du cannabis par exemple dont on sait qu'il a par ailleurs des vertus thérapeutiques ? L'interdiction ne marche pas. Certains états ont légalisé et c'est pas plus mal à mon sens. Je ne fume pas pour ma part mais je ne vois pas pourquoi interdire à d'autres de le faire. Et il y a d'autres formes d'absorption du cannabis d'ailleurs. Interdire a ses limites. En disant qu'interdire signifie symboliquement que quelque chose est néfaste, on peut tout légitimer de cette manière, droit vers un monde d'interdictions pour le bien de tous hum. Je ne suis pas sûr que tout doive venir systématiquement d'une autorité supérieure, en mode vertical, je préfère l'éducation.

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    3. Au risque de manquer de cohérence je suis plutôt pour la légalisation du cannabis car il y a trop de produit frelaté en circulation.

      Il me semble que Mathieu Ricard est plutôt pour une interdiction du tabac au regard du coût sociétal.

      J'ai un ami qui a perdu ses deux parents, gros fumeur, atteints du cancer du poumon lorsqu'il était jeune et ses parents devaient avoir autour de 40 ans. Il n' a pas pu avoir d'enfant (pb de stérilité) et en a adopté un.
      Hélas le choix de fumer n'engage pas seulement la vie de ceux qui font ce choix mais aussi celui de l'entourage et de la descendance.

      L'éducation oui, j'ai le sentiment que ça marche avec mes enfants mais ma fille me disait que tous ses camarades fument et qu'ils en sont fiers.

      J'ai l'impression que l'éducation a peu de poids face à la pornographie qui est trop facilement accessible et qui véhicule une image de la femme peu compatible avec l'éducation que je souhaite donner à mes enfants.

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  16. Un autre truc au sujet de The Handmaid's tale, je l'ai lu en VO il y a 20 ans environ quand j'étais étudiant en Erasmus en Angleterre, une œuvre remarquable, et son adaptation en série l'est aussi (incomparable avec le film médiocre sorti dans les années 2000). Le pire, c'est que cela paraît presque possible ce genre de société. L'ouvrage sert de manifeste anti-Trump aux Etats-Unis. L'auteure de l'ouvrage, la canadienne Margaret Atwood, trouve la série un peu trop effrayante par rapport à son livre. Récemment, elle a été jugée plus ou moins comme une mauvaise féministe, malgré son œuvre, suite à ses propos par rapport à la campagne #metoo cf. http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1078046/ecrivaine-margaret-atwood-defend-propos-sur-mouvement-metoo

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