Vers
un monde végane – lentement, mais sûrement
1ère partie
Le
chemin vers un monde végane passe-t-il par la promotion du
flexitarisme ? Faut-il encourager les gens à réduire
progressivement leur consommation de viande et de produits animaux et
à végétaliser de plus en plus leur alimentation ? C'est
l'approche que défend depuis longtemps l'association végétarienne
belge EVA et celui qui a été son président pendant plus de dix
ans, Tobias Leenaert. EVA a notamment mis en place la campagne
« Donderdag Veggiedag » (le Jeudi Veggie) dans la ville
de Gand où on encourage tout le monde à consacrer une journée par
semaine à végétaliser ses repas. L'idée de cette campagne est
qu'il ne sert à rien de vouloir à tout prix imposer le véganisme
qu'il faudrait adopter du jour au lendemain, mais encourager à
changer leurs habitudes par petites touches où ils vont pouvoir
s'accoutumer à l'alimentation végétarienne, puis végane. Selon
Tobias Leenaert, cette stratégie s'avère plus efficace à long
terme que la volonté de convertir les gens au véganisme d'un seul
coup en leur présentant des images d'abattoir et des exemples de la
maltraitance des hommes à l'égard des animaux. Il défend sa vision
stratégique sur son site « Vegan
Strategist » et je voudrais évoquer ici ses articles de
ces derniers jours car ils m'ont interpellé.
Tobias Leenaert |
Tobias
Leenaert explique que le groupe de gens qui sont le plus à même de
réduire la souffrance animale ne sont ni les véganes, ni les
végétariens, mais bien les « flexitariens ». Pour
rappel, un flexitarien (reducetarian en anglais, celui qui
réduit) est quelqu'un qui s'autorise encore à manger de la viande
ou du poisson, au contraire d'un végétarien ou a fortiori
d'un végane, mais il en limite le plus possible la consommation. Du
point de la lutte contre la souffrance animale et de l'exploitation
honteuse des animaux, ce n'est évidemment pas aussi bien que
l'attitude du végane. Mais le flexitarien est pourvu d'une qualité
puissante qui joue en sa faveur : le nombre. Il y a beaucoup
plus de flexitariens dans notre société que de végétariens ou de
véganes. Donc, si même les flexitariens ne réduisent que de moitié
leur consommation animale, cela a beaucoup plus d'impact que la
réduction de 100% de consommation animale par un nombre très réduit
de véganes. En Belgique, les végétariens représentent à peu près
2% de la population et les véganes ne sont qu'un fraction de ces 2%.
D'où il est justifié de faire des campagnes pour une progression
douce vers une alimentation complètement végétalisée.
Je
me permets ici de reprendre le schéma que Tobias Leenaert reprend
son article « Tipping
the system toward a vegan world » (Faire pencher le
système en faveur d'une monde végane).
Le
but est donc que toutes cette population non-végane en rouge se
tourne vers une alimentation plus respectueuse des animaux. Comment
allons-nous y prendre ?
Une
manière de s'y prendre serait de tenter de convaincre les gens au
véganisme un par un ; mais cela prend du temps et cela engendre
beaucoup de résistance : on a l'impression de bousculer les
habitudes et les coutumes communément admises, on ne sait pas
comment on va s'y prendre et se cuisiner quelque chose sans devoir
souffrir de carences et de malnutritions.... On subit aussi la
pression des autres et des lobbys de la viande. Donc celui qui veut
se convertir au véganisme est considérablement freiné dans sa
démarche.
Par
contre, si on combine cette approche de conversion au véganisme avec
l'approche beaucoup plus souple au flexitarisme en encourageant les
gens à se passer au début de viande ou de poisson une fois par
semaine. Beaucoup plus de gens vont pouvoir s'y retrouver : ils
n'auront pas la société, les amis, la famille contre eux et se
sentiront beaucoup plus à l'aise dans cette démarche. Ce qui fait
que beaucoup de gens vont pouvoir se retrouver dans cette démarche.
Une fois qu'on a touché une masse critique de flexitarien qui auront
eu le temps de s'accoutumer à l'alimentation 100% végétale et qui
auront beaucoup moins d'a priori négatifs à envisager le véganisme,
il sera beaucoup plus facile de faire passer l'ensemble de la société
vers l'alimentation végétale. Le véganisme aura cessé d'être vu
comme une bizarrerie ou un truc impossible tellement cela demande un
effort ascétique. En fait, quand j'ai découvert les campagnes
« Donderdag Veggiedag » (le Jeudi Veggie) d'EVA, je
n'étais que végétarien. Je savais par une amie qui travaillait
dans une ferme bio que l'on écartait les veaux de leur mère pour
que celle-ci puisse produire du lait en abondance. Cela avait produit
chez moi un malaise certain, mais cela n'avait pas été suffisant
que je passe au véganisme. Et puis en lisant le rapport de la FAO
« Livestock's Long Shadow » (L'ombre portée de
l'élevage) qui démontre l'impact écologique catastrophique de
l'élevage et de la production de la viande, je me suis dit que je
devais passer au véganisme, mais j'avais l'impression que je n'y
arriverai jamais. Je me suis dit alors que je devais faire mon
« Donderdag Vegandag » (Jeudi Vegan) où je m'engagerai à manger 100% végan un seul par semaine. En deux semaines, je suis passé à
deux, puis trois jours par semaine, puis je suis devenu très vite
végan. Pour moi, il ne faut pas sous-estimer la peur de ne pas y
parvenir si l'on veut passer à un véganisme strict d'un seul coup.
Le
maître zen américain Philip Kapleau disait : « N'abandonnez
pas la viande, laissez la viande vous abandonner ». Et
c'est très vrai : l'appétence pour la viande, les produits
carnés, le poisson ainsi que les autres produits animaux comme le
lait ou les œufs perd en puissance après un certain temps. Les
choses doivent se faire progressivement : on se rend compte du
problème qu'il y a à consommer de tels produits qui alimentent la
souffrance et l'exploitation des animaux, le réchauffement
climatique et la déforestation dans le monde, et qui, en plus, sont
mauvais pour la santé des humains ! Le malaise grandit, mais on
reste attaché à ces produits pour toutes sortes de raison qui
peuvent être sociales, culturelles, psychologiques, familiales tout
autant que gastronomique ou de simple gourmandise. La nourriture est
quelque chose de profond. C'est un phénomène qui a toutes sortes de
facettes ; et notre relation à la nourriture va trouver ses
racines dans notre inconscient. Il faut un certain temps pour que ces
liens se détendent et que nous transformions notre relation à la
nourriture dans le sens d'une végétalisation complète.
Le site de Tobias Leenaert (en anglais) : http://veganstrategist.org/
Le site de l'association EVA (en néerlandais) : http://www.evavzw.be/
Le site de la campagne Jeudi Veggie (en français) : http://www.jeudiveggie.be/
Sur l'approche zen de Philip Kapleau (N'abandonnez pas la viande, laissez la viande vous abandonner), voir : L'abandon de la viande selon la tradition zen
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici.
Excellent ton article.
RépondreSupprimerOups pardon, je constate que je tutoie facilement c'est pas par manque de respect bien au contraire.
RépondreSupprimer