Un
autre monde est possible, mais il est dans celui-ci.
Paul
Éluard
Un jour, une photo |
Voilà
une citation intéressante du poète Paul Éluard : cela sonne
comme un slogan altermondialiste, l'espoir toujours renouvelé d'un
monde meilleur, mais il indique que cet autre monde possible est
comme à l'état de graine dans ce monde-ci. On ne fait pas la
révolution, on la plante ! C'est à partir de ce monde-ci que
se produira un autre monde avec moins d'injustice et plus de
fraternité.
L'attitude
de beaucoup de penseurs de la politique, à commencer par Platon dans
sa République, a été de penser un monde parfait dans le
ciel des Idées. Ce monde-ci est trop imparfait pour qu'on puisse le
reformer à partir de cette situation par trop défectueuse, alors on
pense un autre monde, et puis on essaye de conformer ce monde présent
aux exigences de l'idée du monde parfait. On veut le faire rentrer à
tout prix comme un bébé qui essaye de faire rentrer le cube par le
trou rond. Plus tard, Augustin inventera la Cité de Dieu et Karl
Marx parlera du Grand Soir où la lutte des classes arrivera à son
terme et son achèvement dans une société communiste parfaite où
la justice régnera sans partage pour toute l'humanité. L'idée de
la dialectique de la lutte des classes ne vient certes pas du ciel de
Idées comme chez Platon, mais il vient d'une instance supérieure
qui n'est autre que le Parti unique, le Parti communiste. Et ce
projet communiste a été mené au mépris des conséquences dans la
vie réelle, souvent au mépris même des intérêts du peuple.
« C'est
la lutte finale. Du passé, faisons table rase »
chante l'Internationale. Concrètement, l'idéal louable en
tant que tel du communisme s'est mué en une suite d'horreurs et de
massacres, que ce soit en Russie, dans les républiques de l'URSS, en
Chine, au Cambodge et ailleurs. Partout, la violence s'est déchaînée
contre ceux qui incarnaient aux yeux des révolutionnaires
communistes ce passé dont il fallait à tout prix faire table rase,
ces réactionnaires qui allaient à rebours de la révolution. « Nous
ne sommes rien, soyons tout » chante aussi
l'Internationale. Mais même si nous sommes oppressés et que nous
souffrons dans notre chair de l'injustice, nous ne sommes peut-être
pas grand-chose aux yeux des puissants ; mais de toutes façons,
nous ne sommes pas rien pour autant. Nous sommes des graines qui
s'enracinent, qui poussent doucement, silencieusement certes, mais
qui poussent comme une force impérieuse dans l'ici et maintenant,
qui vont éclore dans le futur. C'est comme ce proverbe mexicain qui
dit : « Ils voulu nous enterrer, ils ne savaient que
nous étions des graines ».
Un
monde meilleur est à venir ; mais il est déjà en train de
venir. Car il est en nous d'abord, si on veut bien planter les
graines de l'amour, de la bienveillance, du sens de la justice, de la
joie, de l'envie de contribuer au bien du plus grand nombre,
d'élaborer une société plus juste et plus fraternelle. Un autre
monde est en germe, et il passera en nous et par nous, car notre rôle
est de faire passer ce monde pour qu'il suive son chemin et s'échappe
à travers monts et vallées pour qu'il touche d'autre cœurs,
d'autres volontés de changement, d'autres instants de fraternité.
Voir aussi :
- Liberté
Xavier Mata |
Disons que le monde pourrait être moins pire, assurément même, au lieu de rajouter sans cesse de la souffrance à la souffrance, mais il y a bien quelque chose de vain en son sein.
RépondreSupprimerIl est pourtant là, le monde, et on n'a d'autre tâche que de le rendre meilleur. Non pas en essayant de le calquer sur une utopie comme la République de Platon, mais en allant puiser ce que le monde peut avoir de meilleur. Effectivement, soyons humbles, peut-être que le résultat sera de le rendre "moins pire" comme tu dis. Mais d'autres générations auront la tâche de l'améliorer encore et encore.
RépondreSupprimerBien sûr, même dans le "meilleur des mondes", on ne vaincra pas complètement la mort ou la souffrance, c'est pourquoi il faut cultiver le détachement envers ce monde toujours entaché d'imperfections.