J'ai
regardé cette semaine la série Narcos réalisée par José
Padhilha. La série se propose de montrer la vie du plus célèbre
des narco-trafiquants colombiens, Pablo Escobar, le chef du Cartel de
Medellin. La série met donc en scène des personnages réels et
recèle ainsi un aspect de film documentaire : plusieurs scènes
sont entrecoupées de photos et de vidéos d'époque. De manière
plus large, la série montre la guerre à mort que les Américains
ont livré contre les cartels de la drogue en Colombie, the War on
Drugs. J'ai trouvé la série bien faite, plaisante à regarder
et addictive (sans mauvais jeu de mot). L'acteur principal, Wagner
Moura, qui incarne Pablo Escobar, est très impressionnant dans sa
façon de jouer la multiplicité du baron de la drogue, dévoilant un
père aimant et sensible doublé d'un tueur implacable prêt à tout
pour parvenir à ses fins, un narco-terroriste sanguinaire sans foi,
ni loi, mais aussi un stratège qui joue avec le système en place et
un homme proche du peuple qui a investi dans des logements et des
installations pour les pauvres et les démunis.
vendredi 16 septembre 2016
Narcos
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dimanche 11 septembre 2016
Simplement s'asseoir
J'ai
eu récemment une conversation avec un ami qui pratique zazen dans un
dojo de l'école Zen Sōtō. Il m'a
dit aimer les rituels qui entourent la pratique de la pratique de la
méditation proprement dite. Avant d'entrer dans le dojo, on revêt
de manière cérémonieuse le kimono noir et le kesa. On entre avec
le pied droit (à moins que ce soit le gauche). On s'incline devant
le Bouddha au centre de la pièce, on s'incline devant le mur et puis
on se retourne pour saluer l'ensemble de la pièce. On fait zazen
ensemble. Et puis on fait « kin-hin », une méditation
marchée réglée au millimètre près. On refait zazen non sans
avoir préalablement saluer les autres pratiquants. Ensuite on récite
le Hannya Shingyo en version sino-japonaise, le tout en rythme au son
du mokugyo et du tambour.
Cela
contraste absolument avec ma propre pratique. Pour reprendre un terme
appartenant à l'univers du zen, ma pratique consiste à simplement
s'asseoir (shikantaza en japonais, 只管打坐).
Je m'assieds dans un pièce de méditation dans laquelle rien
n'évoque la méditation ou le bouddhisme, si ce n'est un coussin de
méditation. Et je médite. Quand j'en ai assez de méditer, je me
relève et je fais autre chose. Tout au plus, il m'arrive avant de
commencer de réciter trois la prise de refuge et les vœux de
bodhisattvas :
« Dans
le Bouddha, je prends refuge jusqu'à l’Éveil.
Dans
le Dharma, je prends refuge jusqu'à l’Éveil.
Dans
la Sangha, je prends refuge jusqu'à l’Éveil. (3 fois)
Par
les mérites engendrés par ma pratique du don et des autres
perfections, puissé-je atteindre le Nirvâna pour le bien de tous
les êtres. (3 fois) ».
Mais
encore, ce n'est pas systématique. Pour moi, les rituels ne sont que
du décorum. Je comprends néanmoins qu'ils participent d'une
esthétique et d'un style comme dans le Zen où tout est fait pour
pointer du doigt une conduite de vie épurée. Pour Confucius, les
rituels sont là pour indiquer tout un univers de relations sociales
et faire en sorte que ces relations sociales soient harmonieuses. Je
comprends très bien que l'on apprécie ces rituels, même si
personnellement je n'en ai pas besoin. Les rituels permettent de
sentir qu'on sort de la vie profane et qu'on entre dans l'univers
sacré de la méditation. En même temps, pour moi, il ne devrait pas
y avoir de dualité entre le sacré et le profane, entre le moment de
la méditation et la vie de tous les jours. La méditation est là
pour apaiser les tensions qui surgissent dans la vie quotidienne.
Pour moi, la frontière entre méditation et non-méditation est
floue. Il m'arrive d'être assis sur le banc d'un quai de gare et
d'entrer en méditation. Il m'arrive de marcher dans une rue et de
ralentir le rythme pour prendre conscience de chacun de mes pas dans
l'instant présent.
Je
n'ai rien contre à ce qu'on récite le Hannya
Shingyo,
le Soûtra du Cœur de la Perfection de Sagesse. Mais pourquoi ne pas
le réciter en langue française ? Il y a là dans ce texte un
message profond, mais si vous le récitez ce texte dans sa version
sino-japonaise qui est difficilement accessible même pour un
personne dont le japonais est la langue maternelle, vous allez passer
à côté du sens. J'imagine que les pratiquants du Zen me diront que
l'essentiel n'est pas là, qu'il s'agit de scander en rythme ce
texte, tous ensemble, comme des générations de moines Zen ont pu le
faire depuis des siècles, se relier à l'antique tradition de
l’Éveil qui a parcouru les siècles et les pays. Mon ami me disait
justement que la récitation du Hannya
Shingyo lui
permettait de comprendre tout le sens de faire communauté dans la
pratique du Dharma.
Dans
zazen, on est seul face au mur, me disait-il ; et quand on
récite le Hannya
Shingyo,
on est vraiment en commun, sur la même longueur d'onde que le reste
de la communauté. Cela me laisse un peu dubitatif. Pour moi, quand
on pratique la méditation en groupe, on est seul face à soi-même
certes, mais on est toujours seul face à soi-même quand on fait les
courses, quand on travaille, quand on conduit sa voiture... C'est
juste que l'on n'a pas tendance à s'en rendre compte. Mais quand on
pratique la méditation en groupe, on est aussi en groupe dans l'acte
de la méditation ! On partage quelque chose de profond, on
partage le silence, on partage l'air ambiant et l'on sent la présence
des autres. Pour moi, on devrait faire plus souvent la méditation
ensemble, de manière informelle. Un peu comme on va boire un verre.
Pas de chichis, pas de cérémonie. On s'assoit simplement et on
médite ensemble.
Dans
sa chanson Richard,
Léo Ferré évoque la camaraderie et la fraternité qui peut exister
autour du fait d'aller boire un verre avec ses potes :
« Les
gens, il conviendrait de ne les connaître que disponibles
A
certaines heures pâles de la nuit
Près
d'une machine à sous, avec des problèmes d'hommes
simplement
Des problèmes de mélancolie ».
Des problèmes de mélancolie ».
Quand
j'écoute cette chanson, cela m'évoque la méditation et je me dis
souvent qu'il conviendrait de ne les connaître les gens pleinement
disponibles à l'instant présent et méditer avec la présence
humaine de l'autre. Partager un moment de silence, un moment de rien.
Partager cette joie de simplement s'asseoir là, n'importe où.
Partager dans ce moment sa condition humaine.
![]() |
Stuart Freedman - Zazen au temple Seiryu-ji - Hikone, Japon |
Voir également :
Beaucoup de gens aiment faire quelques longueurs à la piscine pour se relaxer. C'est effectivement quelque chose de délassant de se baigner dans l'eau et d'activer l’entièreté de son corps. Mais je trouve que la piscine est aussi excellent endroit pour pratiquer la méditation et l'attention.
La sagesse est-elle tempérance, sérénité ou connaissance ? Que veut dire le mot "sagesse" dans un contexte bouddhique ?
On entend beaucoup parler ces temps-ci de méditation dans les entreprises, des bienfaits de la pleine conscience ou mindfulness dans le management. En soi, cela me paraît être une bonne chose : si les entrepreneurs s'enthousiasment pour la méditation et veulent organiser des séances de zazen au milieu de l'open space. Pourquoi pas, en fait ? Néanmoins, quelque chose me laisse sceptique : est-il judicieux de réduire la méditation à une pratique prometteuse en terme d'augmentation de la productivité ? Est-on plus aware des objectifs quantitatifs fixés par l'entreprise quand on s'est livré à une séance de pleine conscience ? Est-ce qu'on est un meilleur employé quand on s'applique sagement à s'asseoir en lotus et à faire le vide dans son entreprise ?
On m'a récemment posé la question : je ne peux pas pratiquer la méditation de l'attention portée à la respiration, puisque je suis asthmatique. Que dois-je faire ? Il se trouve que je suis, moi aussi, asthmatique. En fait, le fait de respirer bien ou mal n'a rien à voir avec la pratique de l'attention telle qu'est enseignée par le Bouddha. Il s'agit de prêter attention à la respiration, pas de la réguler à tout prix. Même pendant une crise d'asthme, on continue à inspirer et expirer. Vous le faites difficilement du fait de la crise, mais vous le faites, sinon vous seriez mort. Il faut seulement prendre conscience de cette conscience de cette respiration et laisser l'esprit se calmer et se libérer de lui-même.
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.
Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.
vendredi 9 septembre 2016
Un autre monde est possible
Un
autre monde est possible, mais il est dans celui-ci.
Paul
Éluard
![]() |
Un jour, une photo |
Voilà
une citation intéressante du poète Paul Éluard : cela sonne
comme un slogan altermondialiste, l'espoir toujours renouvelé d'un
monde meilleur, mais il indique que cet autre monde possible est
comme à l'état de graine dans ce monde-ci. On ne fait pas la
révolution, on la plante ! C'est à partir de ce monde-ci que
se produira un autre monde avec moins d'injustice et plus de
fraternité.
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mardi 6 septembre 2016
Haute fréquence
Les
ordinateurs prennent une place toujours plus importante dans tous les
aspects de la vie quotidienne, et notamment dans les aspects
économiques et financiers. Vous retirez votre argent au
distributeur, quand vous ne faites pas vos paiements directement au
moyen de votre carte bancaire. Vous faites vos virements en ligne ;
il n'y a plus que les vieilles personnes pour remettre un petit
papier à leur banquier. Les agences bancaires ferment les unes après
les autres, puisque tous les services que la banque peut vous offrir
sont à disposition à partir de votre ordinateur. À la bourse, tout
s'est automatisé. Au XXème siècle, on voyait les
traders crier et hurler à la bourse, se faisant les uns aux autres
de signes cabalistiques pour acheter ou vendre des actions à la
corbeille. Les traders travaillent maintenant derrière leur écran
d'ordinateur. Les traders ont tendance à eux-mêmes laisser la place
aux ordinateurs pour donner des ordres d'achat ou de ventes des
actions. C'est ce qu'on appelle le trading à haute fréquence.
Les
opérations boursières se font maintenant au rythme de la
milliseconde, voire de la microseconde. Il se passe tout un
brouillard d'activité boursière totalement inaccessible à l'être
humain, et qui, pourtant, a des conséquences concrètes sur les
humains, sur les gens qui jouent en bourse, sur les consommateurs et
sur les travailleurs qui subissent le contrecoup de cette activité
boursière numérique. La question que pose le trading à haute
fréquence, c'est quel est le sens de posséder une action pour une
milliseconde ou une microseconde (un millionième de seconde) avant
de la revendre. Dans le monde réel, si on possède quelque chose,
c'est pour en jouir d'une manière ou d'une autre. J'achète une
maison pour y habiter. J'achète du vin pour le savourer et
m’enivrer. J'achète une crème à la glace pour la déguster un
jour ensoleillé d'été. Il faut bien sûr plus de temps pour jouir
d'une maison que pour jouir d'une crème glacée. Ma crème glacée
va me procurer un plaisir de une ou deux minutes, cinq minutes tout
au plus. Mais malgré cela n'a aucun sens de jouir d'une crème
glacée durant seulement une milliseconde ou une microseconde.
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lundi 5 septembre 2016
Mr Robot et le Malin Génie
Mr
Robot et le Malin Génie
Attention !
Cet article contient des spoilers. Vous voilà prévenu !
J'ai
récemment rédigé un article intitulé « La
Nef des Fous » qui évoquait notamment la controverse entre
Michel Foucault et Jacques Derrida sur le rôle de René Descartes
dans l'Histoire de la folie à l'âge classique. Pour résumer
très schématiquement l'opposition entre Derrida et Foucault,
Foucault pense que Descartes a exclu la folie du champ de la
philosophie dans ses Méditations. Notamment la formule sans appel
selon Foucault que Descartes emploie pour congédier les fous de la
méthode du doute hyperbolique : « Mais quoi, ce sont
des fous ! Et je serais bien extravagant de me régler sur leur
exemple ». Et cette exclusion de la folie du champ
philosophique correspond à ce phénomène social que Foucault décrit
comme le Grand Enfermement, le fait qu'au XVIIème siècle
la mentalité envers les fous a complètement changé, et ce
changement s'est traduit par la politique d'enfermer et brider le
plus possible les personnes considérées comme folles. Derrida pense
au contraire que la folie n'a pas été exclue du champ philosophique
par Descartes, mais qu'elle s'est manifestée sous sa forme la plus
puissante dans la personne du Malin Génie.
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vendredi 2 septembre 2016
Les quatre demeures de Brahmā
Il
y a dans le bouddhisme cette pratique méditative que l'on appelle
les « quatre demeures de Brahmā » : il s'agit de
l'amour illimité, de la compassion illimitée, de la joie illimitée
et de l'équanimité illimitée. Ce nom fait référence au dieu de
l'hindouisme Brahmā ; et on retrouve cette pratique des quatre
qualités illimitées ou incommensurables dans les textes hindous,
dans le Yoga Sûtra de Patañjali
par exemple. On la retrouve aussi dans les textes jaïns. Le Bouddha
voulait très probablement qu'on admette que les religions et les
courants spirituels et philosophiques partagent une base commune,
même si ils diffèrent, voire s'opposent sur certains points. Mais
il y a une autre raison à ce que l'amour illimité, la compassion
illimitée, la joie illimitée et l'équanimité illimitée soient
appelées « quatre demeures de Brahmā » : selon la
cosmologie bouddhique, le monde divin de Brahmā qui chapeaute tous
les mondes ayant une existence physique est composé d'amour, de
compassion, de joie et d'équanimité. Tout comme notre monde
matériel sur la Terre est faite de terre, d'eau, de bois, de métal,
d'air, de feu et de tous les éléments matériels ont fabriqué à
partir des ressources de la nature comme le verre, la brique, le
plastique, etc..., les éléments constituants de l'univers de Brahmā
sont matériellement faits de cet amour, de cette compassion, de
cette joie et de cette équanimité, et cela à perte de vue, au-delà
de tout ce qu'on peut imaginer. On ne veut pas simplement dire que
l'amour règne dans ce monde, un peu comme dans le monde des
bisounours, mais que l'amour, la compassion, la joie et l'équanimité
sont les briques et les atomes de ce monde. Non pas un univers clos,
mais une vastitude infinie dans laquelle nous nous sentons immergés,
en communion avec tous les êtres.
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jeudi 1 septembre 2016
Les mauvaises justifications - 5ème partie
Les
mauvaises justifications de l'exploitation animale
5ème
justification
« Hitler
était végétarien » (sic).
Nous
vivons dans une société où le débat fait rage de savoir quel
traitement nous devons accorder aux animaux. Ceux qui ont l'habitude
de lire ce blog savent qu'en tant que végane, je désapprouve toute
souffrance inutile exercée contre les animaux et contre toute
exploitation cruelle à leur encontre. À partir du moment où l'on
se rend compte que les animaux sont des êtres doués de sensibilité
et de conscience, la seule attitude morale logique est de tout faire
pour minimiser la violence et la cruauté dont les êtres humains
sont capables à leur encontre. Cela implique au niveau individuel,
le véganisme, le fait de ne pas consommer de produits animaux, et au
niveau sociétal, le combat pour le bien-être et contre
l'exploitation cruelle des animaux. Mais on entend toutes sortes de
justifications qui minimisent l'intérêt de ce combat en faveur des
animaux ou qui justifient carrément que l'humanité exploite les
animaux. Ces justifications reviennent de manière cyclique et je
voudrais les traiter une par une. A chaque article, j'essayerai de
démonter les arguments de ces mauvaises excuses du statu quo par
rapport aux animaux.
1ère
justification : il n'y a pas de mal à exploiter les animaux car
nous, les humains, sommes beaucoup plus intelligents que les
animaux.
2ème
justification : il n'y a pas de mal à exploiter les animaux
car les animaux ne souffrent pas ou tout du moins pas comme nous.
3ème
justification : les plantes et les légumes, eux aussi,
ressentent la douleur, donc manger les animaux ou les produits
animaux est autant un mal que manger des fruits et des légumes.
4ème
justification : il est prioritaire de s'occuper d'abord des
problèmes de l'humanité avant de s'occuper des souffrances des
animaux.
5ème
justification : « Hitler était végétarien » (sic)
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dimanche 28 août 2016
Les mauvaises justifications - 4ème partie
Les
mauvaises justifications de l'exploitation animale
4ème
justification
Il
est plus important et urgent de s'occuper des êtres humains que des
animaux.
Nous
vivons dans une société où le débat fait rage de savoir quel
traitement nous devons accorder aux animaux. Ceux qui ont l'habitude
de lire ce blog savent qu'en tant que végane, je désapprouve toute
souffrance inutile exercée contre les animaux et contre toute
exploitation cruelle à leur encontre. À partir du moment où l'on
se rend compte que les animaux sont des êtres doués de sensibilité
et de conscience, la seule attitude morale logique est de tout faire
pour minimiser la violence et la cruauté dont les êtres humains
sont capables à leur encontre. Cela implique au niveau individuel,
le véganisme, le fait de ne pas consommer de produits animaux, et au
niveau sociétal, le combat pour le bien-être et contre
l'exploitation cruelle des animaux. Mais on entend toutes sortes de
justifications qui minimisent l'intérêt de ce combat en faveur des
animaux ou qui justifient carrément que l'humanité exploite les
animaux. Ces justifications reviennent de manière cyclique et je
voudrais les traiter une par une. A chaque article, j'essayerai de
démonter les arguments de ces mauvaises excuses du statu quo par
rapport aux animaux.
1ère
justification : il n'y a pas de mal à exploiter les animaux car
nous, les humains, sommes beaucoup plus intelligents que les
animaux.
2ème
justification : il n'y a pas de mal à exploiter les animaux
car les animaux ne souffrent pas ou tout du moins pas comme nous.
3ème
justification : les plantes et les légumes, eux aussi,
ressentent la douleur, donc manger les animaux ou les produits
animaux est autant un mal que manger des fruits et des légumes.
4ème
justification : il est prioritaire de s'occuper d'abord des
problèmes de l'humanité avant de s'occuper des souffrances des
animaux.
Il
est prioritaire de s'occuper d'abord des problèmes de l'humanité
avant de s'occuper des souffrances des animaux.
On
entend souvent : s'occuper des animaux, c'est bien joli, mais on
ferait mieux de s'occuper du sort des enfants, des hommes et des
femmes qui meurent chaque jour, un peu partout sur la planète. La
misère est tellement grande dans l'humanité qu'il serait presque
indécent de s'intéresser au sort tragique des animaux. Commençons
tout de suite par dire que l'un n'empêche pas l'autre : ce
n'est pas parce que Jean-René milite chez L214 ou pour PETA qu'il ne
peut aussi agir en faveur d'Amnesty International ou d'OXFAM. En
fait, l'argument de la priorité à l'humain est souvent un argument
de mauvaise foi : ceux qui amènent agressivement cet argument
dans le débat ne font souvent eux-mêmes rien pour soutenir
l'humanitaire ou le combat pour les droits de l'Homme...
Envisageons
néanmoins cette question selon deux angles liées à l'éthique
antispéciste : les animaux étant doués de sensibilité, leur
faire du mal en les blessant, en les torturant, en les privant de
liberté, en les privant d'un environnement sensoriel varié, en les
exploitant ou en les tuant est quelque chose de mal. Peut-être
est-ce moins mal que de blesser, torturer, emprisonner sans raison,
exploiter ou tuer un être humain, mais cela reste quelque chose de
mal d'un point de vue moral. Si l'on veut se comporter de manière
bonne et juste quand on a pris en compte cette sensibilité des
animaux, on peut faire deux choses :
- 1°) S'abstenir de faire du mal aux animaux
- 2°) Avoir une action positive en faveur des animaux : militer pour les droits des animaux, sensibiliser le grand public, créer des refuges pour les animaux, les soigner, etc...
1°)
Concrètement, la meilleure façon de s'abstenir de faire du mal aux
animaux est de devenir végane. En réalité, un végane ne fait rien
pour les animaux. Il s'abstient juste de les tuer ou des les
exploiter par son mode d'alimentation et de consommation (pas de
vêtement en cuir ou en laine, il n'achète pas de ticket pour une
corrida ou pour le cirque s'il y a des spectacles avec des animaux).
Certes, cela peut prendre un certain temps pour s'habituer à cette
nouvelle habitude alimentaire : il faut apprendre de nouvelles
recettes de cuisine, découvrir de nouveaux ingrédients comme le
tofu, le tempeh, le seitan ou les algues. Mais une fois que c'est
fait, cela ne prend pas plus de temps que de vivre sur un mode
alimentaire carniste.
Donc,
je dirais à celui ou celle qui m'oppose l'argument que les humains
sont plus importants que les animaux, qu'il peut au moins devenir
végane. S'il n'en est pas capable, qu'il essaye de tendre vers le
véganisme (avoir une alimentation de plus en plus végétale). Il
minimisera ainsi son impact sur les animaux tout en consacrant son
temps pour des actions humanitaires ou pour aider son aider son
prochain, ses frères humains en déshérence ! N'oublions pas
aussi que le véganisme n'est pas seulement profitable aux animaux.
Il profite largement aux humains sur le plan de la santé, au niveau
écologique et aussi au niveau humanitaire. Pour élever des animaux
dont on mangera le cadavre, il faut les nourrir tout leur vie durant
avec des surfaces de pâturage ainsi que des surfaces agricoles
importantes qui pourraient servir à nourrir les êtres humains qui,
chaque jour, meurent de faim par millier dans différents coins du
monde. Cette production agricole destinée uniquement aux animaux met
aussi une pression sur le prix des aliments et favorise la
spéculation boursière sur la production agro-alimentaire, ce qui
fragilise une partie importante de la population qui se voit
contrainte de payer des prix exorbitants pour pouvoir se nourrir au
jour le jour. Donc, pour ceux qui préfèrent les humains aux
animaux, qu'ils se prennent bien conscience que devenir végane est
aussi un acte humanitaire !
2°)
Pour ce qui est de l'action positive en faveur des animaux, il peut y
avoir deux attitudes possibles :
- a) Ceux qui disent qu'ils préfèrent s'occuper d'abord des êtres humains (préférence subjective)
- b) Ceux qui disent qu'il faut s'occuper en priorité des êtres humains (injonction morale qui tend à s'imposer à tous).
En
ce qui concerne la première option, chacun est libre de ses
préférences. Si quelqu'un estime qu'il a plus envie de manifester
ou de militer en faveur des droits de l'homme, d'une cause sociale ou
politique, libre à lui ! Chacun se tournera vers le combat qui
lui tient le plus à cœur selon sa personnalité, son parcours de
vie ou ses rencontres personnelles. Cela peut une grande cause
(défendre les réfugiés, combattre la faim dans le monde, faire
libérer des prisonniers politiques, manifester pour la paix...) ou
des petites causes (créer des jardins publics dans la cité, créer
un terrain de pétanque pour le club du troisième âge du
quartier,...). Au fond, ce qui compte, c'est notre élan de
solidarité et de fraternité. Et évidemment, libre à ceux qui
veulent défendre les animaux et militer pour les eux de le faire
également.
La
proposition b est plus gênante parce qu'elle impose de ne soucier
que des êtres humains. Or c'est là faire une division qui n'a pas
de sens. Lamartine disait : « On
n'a pas deux cœurs, l'un pour l'homme, l'autre pour l'animal… On a
du cœur ou on n'en a pas ».
On voit mal une organisation humanitaire qui combattrait la torture,
les viols, la cruauté contres d'autres êtres humains, et qui
militerait en même temps pour la liberté de torture et de
maltraiter des animaux. La disposition à la bienveillance ne
s'arrête pas aux limites de l'espèce humaines. Un enfant qui fera
preuve d'empathie envers un chat ou un lapin fera aussi preuve
d'empathie envers d'autres êtres humains. Comme je l'ai dit plus,
manger de la viande n'est pas seulement négatif pour les animaux,
mais aussi pour les êtres humains. Il n'y a donc pas de sens à
incriminer les organisations de libération animale sous prétexte
qu'elles ne viennent pas directement en aide à d'autres êtres
humains.
Comme
le dit Matthieu Ricard avec beaucoup de finesse et de justesse dans
son Plaidoyer
pour les Animaux :
« Ce
livre a pour but de mettre en évidence les raisons et l'impératif
moral d'étendre l'altruisme à tous les êtres sensibles, sans
limitation d'ordre quantitatif ni qualitatif. Nul doute qu'il y a
tant de souffrances parmi les êtres humains de par le monde que l'on
pourrait passer une vie entière à n'en soulager qu'une partie
infime. Toutefois, se préoccuper du sort de quelque 1,6 million
d'autres espèces qui peuplent la planète n'est ni irréaliste, ni
déplacé, car, la plupart du temps, il n'est pas nécessaire de
choisir entre le bien-être des humains et celui des animaux. Nous
vivons dans un monde essentiellement interdépendant, où le sort de
chaque être, quel qu'il soit, est intimement lié à celui des
autres. Il ne s'agit donc pas de ne s'occuper que
des
animaux, mais de s'occuper aussi
des
animaux 1 ».
Dans
la plupart des cas, le souci pour les humains n'est pas antagoniste
du souci pour les animaux. Défendre l'un ne nuira pas à l'autre. On
pourrait trouver cependant certaines expériences de pensée où il
faut prendre parti pour l'un pour l'autre : supposez que vous
marchiez le long d'une rivière et que vous vous voyiez un homme et
un chien en train de se noyer. Vous ne pouvez sauver qu'un seul des
deux. Lequel allez-vous sauver ? L'homme ou le chien ? À
part quelques misanthropes qui choisiront le chien, la grande
majorité des humains s'accorderont pour dire qu'il faut sauver en
priorité l'humain. Cela ne contredit pas l'antispécisme qui affirme
le fait que l'idée d'une égalité de considération des intérêts
ne signifie pas pour autant que toutes les vies se valent pour
autant. Concrètement, cela signifie que l'on doit être sensible à
la souffrance de tous les êtres qui sont capables d'éprouver la
souffrance, tant les hommes que les chiens. Pour autant, il est fort
possible que la vie d'un humain aient plus de valeur que celle d'un
chien. Dans cette expérience de pensée, je sauverai sans hésiter
l'humain. Mais admettons tout de même que cette expérience de
pensée se rencontre rarement dans la vie réelle. Je parie que la
plupart de mes lecteurs n'ont jamais été confrontés à ce dilemme
éthique de devoir choisir entre la vie d'un humain et d'un animal.
On
pourrait me rétorquer qu'il faut consacrer son temps à sauver ou
améliorer des vies humaines plutôt qu’œuvrer en faveur des
animaux.Mais comme le disent la philosophe Florence Burgat et le
juriste Jean-Pierre Marguénaud dans une tribune parue dans le Monde
du 15 juillet 2010 2 :
« A
ceux qui considèrent que les avancées législatives en matière de
protection des animaux, et plus encore l'idée de leur reconnaître
des droits, comme une insulte à la misère humaine, il faut répondre
que la misère humaine résulte de l'exploitation ou de
l'indifférence à la souffrance des plus faibles et que c'est au
contraire l'insulter, sinon la légitimer, que de prôner
l'indifférence farouche à l'égard de la souffrance d'autres êtres
plus faibles encore et qui ne peuvent jamais consentir. Il faut leur
répondre que, dans la mesure où il ne suffit pas de rester
indifférent à la souffrance des animaux pour soulager la misère
humaine, la protection des animaux et celle des plus faibles des
hommes relève du même et noble combat du Droit pour aider ceux à
qui il peut être fait du mal, beaucoup de mal ».
Effectivement :
1°) l'idée de se concentrer uniquement sur les misères endurées
par les êtres humains est très loin d'avoir porté ces fruits
jusqu'à présent, 2°) la dynamique qui nous pousse à vouloir aider
un autre être humain est la même que celle qui nous pousse à
soulager les souffrances des animaux. Donc vouloir couper notre
compassion et notre volonté d'aider des animaux au prétexte qu'il y
a mieux à faire risque en fait d'affaiblir notre compassion et notre
volonté d'aider les êtres humains.
Enfin,
l'argument, je le répète, est souvent de mauvaise foi. On ne
reproche pas aux amateurs de football de ne pas se soucier des
souffrances endurées par leurs congénères humains. Il est vrai
pourtant que les supporters d'un club de football passent beaucoup de
temps à soutenir leur équipe favorite dans les stades, à se
déplacer jusqu'à l'autre bout du pays pour aller encourager leur
équipe en déplacement dans le stade d'une équipe adverse. Ils
passent aussi beaucoup de temps à parler de l'état de leur équipe
de cœur, des transferts de joueurs, de l'arbitre qui est un vendu
parce qu'il n'a pas sifflé un penalty en faveur de son équipe, et
ainsi de suite (pendant des heures).... Et tout ce temps n'est pas
consacré à réfléchir et à agir pour remédier aux tourments qui
frappent l'humanité. Et on pourrait en dire autant des
collectionneurs de timbre, des amateurs de billard ou de jazz, des
émissions de divertissement et de télé-réalité qui passent à
longueur de temps à la télévision.... Pourquoi reprocher dès lors
à ceux qui défendent la cause animale de passer du temps à cela ?
Mais
toujours est-il que l'on peut certainement dire à ceux qui ne
veulent pas du tout aider les animaux et qui veulent se consacrer
intégralement à l'humanitaire qu'ils peuvent au moins faire le
choix d'arrêter de faire massacrer inutilement les animaux par un
simple choix alimentaire, le véganisme. Cela soulagera énormément
de souffrances animales et humaines sans que cela n'enlève un temps
précieux pour les engagements en faveur de telle ou telle cause.
1Matthieu
Ricard, « Plaidoyer pour les animaux », éd.
Allary, Paris, 2014, p. 13.
2Florence
Burgat et Jean-Pierre Marguénaud, « Les animaux ont-ils
des droits ? », Le Monde, 15-7-2010 :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/07/15/les-animaux-ont-ils-des-droits_1387965_3232.html
- 1ère justification : les humains sont plus intelligents que les animaux.
- 2ème justification : les animaux ne ressentent pas la douleur.
- 3ème justification : la conscience des plantes.
![]() |
Vincent Bozzolan - Marche contre les abattoirs - Paris, juin 2016. |
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici.
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