Voilà cependant ce que nous
faisons ; nous ne sommes sensibles ni aux belles couleurs qui parent
quelques uns de ces animaux, ni à l'harmonie de leurs chants, ni à
la simplicité et à la frugalité de leur vie, ni à leur adresse et
à leur intelligence; et, par une sensualité cruelle, nous égorgeons
ces bêtes malheureuses, nous les privons de la lumière des deux,
nous leur arrachons cette faible portion de vie que la nature leur
avait destinée. Croyons-nous d'ailleurs que les cris qu'ils font
entendre ne soient que des sons inarticulés, et non pas des prières
et de justes réclamations de leur part? Ne semblent-ils pas nous
dire : Si c'est la nécessité qui vous force à nous traiter
ainsi, nous ne nous plaindrons pas, nous ne réclamons que contre une
violence injuste. Avez-vous besoin de nourriture? égorgez-nous. Ne
cherchez-vous que des mets plus délicats ? laissez-nous vivre, et ne
nous traitez pas avec tant de cruauté. C'est un spectacle
dégoûtant que devoir servir sur les tables des riches ces corps
morts que l'art des cuisiniers déguise sous tant de formes
différentes ; mais c'en est un plus horrible encore que de les voir
desservir. Les restes sont toujours plus considérables que ce qu'on
a mangé. Combien donc d'animaux tués inutilement ! D'autres ne
touchent point à une partie des mets qu'on leur a servis, ils ne
souffrent pas qu'on coupe les viandes qu'ils ont laissées, et
eux-mêmes ils n'ont pas honte de mettre en pièces des animaux
vivants.
Plutarque,
Sur l'usage des viandes, Œuvres morales, tome IV, 994
d-f.
Plutarque
était un philosophe grec du premier et second siècle de notre ère.
Le texte « Sur l'usage
des viandes » est un
vibrant plaidoyer pour le végétarisme que j'invite vraiment à lire
car il reste encore d'actualité.
(On trouvera une traduction en ligne librement accessible ici).
Dans
cet extrait, Plutarque dénonce notre insensibilité à la beauté de
la vie animale. Pour notre seul plaisir teinté de cruauté, nous
faisons abattre ces vies qui vibraient de la lumière de leur adresse
et de leur intelligence. Au lieu d'apprendre de ces bêtes, notamment
leur simplicité et leur frugalité qui peut inspirer un sage, nous
préférons les anéantir pour satisfaire notre voracité. Nous ne le
faisons même pas pour notre propre survie, parce que nous pourrions
parfaitement vivre en bonne santé en se nourrissant des produits des
champs et des vergers ; non, nous le faisons pour assouvir une
gourmandise sordide.
Ce
qui est encore plus triste, c'est le gâchis que cela crée : on
ne retire qu'une petite partie de la carcasse des animaux pour la
consommation humaine, le reste va à la poubelle. « Les
restes sont toujours plus considérables que ce qu'on a mangé ».
Que de sacrifices inutiles !
Aujourd'hui, la situation n'a fait que s'aggraver ! Quand on
voit, par exemple, la pêche industrielle qui utilise des filets de
plusieurs kilomètres de long et qui prend dans ces filets un nombre
considérable d'espèce qui ne devait pas être pêchées, dont des
dauphins (phénomènes dits de la « prise accessoire » ou
du « by-catch » en anglais), on se dit que l'absurdité
de la consommation des animaux n'a fait que prendre de l'ampleur au
cours des siècles.
Voir de Plutarque:
Voir
aussi :
-
Ovide : Vous
avez le blé
-
Matthieu Ricard : Un
mouton n'est pas un tabouret qui de se déplace
- Dza
Patrül Rimpotché : la
compassion envers les êtres sensibles, et notamment les animaux
- Jeremy
Bentham: peuvent-ils
souffrir ?
- Voltaire
: Que
la gourmandise a d'affreux préjugés. Extrait du Dialogue
du chapon et de la poularde
- Isaac Bashevis Singer : - un éternel Treblinka
- Isaac Bashevis Singer : - un éternel Treblinka
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme ici.
Voir tous les articles et les citations à propos de la philosophie antique ici.
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