Nous qui ne sommes rien
La
semaine passée, j'ai été profondément choqué par cette petite
phrase que le président Emmanuel Macron a sorti lors de son discours
pour l'inauguration de Station F : « Une gare, c'est un
lieu où on croise des gens qui réussissent et des gens qui ne sont
rien ». J'ai trouvé horrible cette façon de séparer le
monde entre des gens qui ont la réussite et l'argent pour eux, et
ceux qui ne sont rien, qu'on ne voit pas, qui ne comptent pour rien
dans le devenir du monde, qu'on peut mépriser à l'aise. Ce déni de
la dignité humaine est insupportable. D'autant que cela laisse
présager une politique qui écrase les moins nantis dans la société
pour garantir toujours plus de profits aux patrons et aux
entrepreneurs dans le vent.
Suite
à la controverse qui s'est déclenchée après la mise en évidence
de cette petite phrase, les macroniens ont répliqué en disant qu'il
fallait écouter tout le discours, que cette phrase ne peut pas être
sortie simplement de son contexte. Il est vrai que ce contexte mérite
d'être mentionné pour essayer de saisir ce que voulait vraiment
dire Emmanuel Macron. Ceci étant dit, je ne suis pas certain que
cela éteint complètement la controverse.
Je
mets donc en lien deux vidéos de cette inauguration de Station F :
une première assez courte, une autre plus longue du discours complet
d'Anne Hidalgo, maire de Paris, et d'Emmanuel Macron pour s'assurer
que le contexte soit pleinement restitué. Puis je me livrerai à
deux interprétations de ce discours : une interprétation
généreuse qui va dans le sens des macroniens et qui lisse la
polémique, et puis une interprétation plus sévère qui émet des
doutes face aux belles paroles du président. Je précise que j'ai
attendu quelques jours avant d'écrire cet article pour ne pas
l'écrire sous le coup de la colère.
Quelques
mots tout d'abord sur Station F. Station F est le projet du grand
patron Xavier Niel. C'est conçu comme un campus d'entreprises et de
start-up. L'idée est d'aider des jeunes à créer leurs entreprises
et d'insuffler un nouvel esprit d'entrepreneuriat dans la société
française. Mais cela reste extrêmement libéral : certains
vont réussir et se développer, d'autres projets sombreront avant
d'avoir pu se développer. Station F se trouve dans l'ancienne halle
Freyssinet, un immense bâtiment ferroviaire construit dans les
années 1920 dans le 13e
arrondissement de Paris. D'où l'allusion d'Emmanuel Macron aux gens
qui passent dans la gare.
Qu'a
donc dit exactement le président Macron ? Il commence par
raconter qu'il comptait abandonner la politique il y a trois ans,
mais a fini par « pivoter le business model ».
L'assemblée, totalement acquise aux bienfaits du libéralisme
économique, rit et applaudit. Le sous-entendu est clair :
Macron s'est lancé dans une autre entreprise, la conquête du poste
de président. Au passage, on remarquera que ce poste fait partie
lui-même d'un business, la France n'étant finalement aux yeux
d'Emmanuel Macron qu'un boîte comme les autres. C'est à quoi aspire
le capitalisme mondialisé : réduire les États modernes à de
simples entreprises cotées en Bourse. Et à ce niveau, Emmanuel
Macron est très en phase avec les exigences des grandes
multinationales et des banques internationales pour lesquelles il a
travaillé.
Ensuite,
il décrit la mentalité entrepreneuriale : « Beaucoup
de gens ont décidé d'écrire ma vie, mais moi, j'en ai décidé
autrement. Ce qui nous réussit ici, c'est que vous en voulez pas
qu'on écrive votre vie et la vie de votre pays à votre place. C'est
ça, être entrepreneur ». On pourrait discuter longtemps
du bien-fondé de ce volontarisme du créateur d'entreprise. Est-ce
que créer à sa petite entreprise est le seul moyen d'écrire sa vie
et la vie de son pays ? J'en doute un petit peu. Que fait un
artiste ? Que fait un militant politique ? Que fait
l'activiste d'une ONG ? Que fait aussi le pratiquant d'une voie
spirituelle qui s'exerce constamment à changer son point de vue sur
les choses, qui s'exerce constamment à faire rayonner l'amour et la
bienveillance autour de lui, à s'éveiller à la véritable nature
des choses et qui contribue à éveiller les autres ?
Par
ailleurs, on peut aussi douter que la volonté de l'entrepreneur
soit complètement libre : un entrepreneur pour réussir ne
doit-il pas suivre les exigences du marché ? Est-ce que la loi
de l'offre et de la demande n'est pas un loi d'airain à laquelle
l'entrepreneur doit se soumettre ? Bien sûr, la société de
consommation arrive à créer de la demande pour des objets dont on
n'a pas fondamentalement besoin, mais la caractère aléatoire de
l'engouement pour tel ou tel gadget technologique permet-il vraiment
à la volonté de s'exprimer et de changer le destin que la société
ou le marché a tracé pour nous ?
*****
Ensuite, le président de la République ajoute : « Ce
qui nous réunit ici, c'est une ambition incommensurable. Pas
forcément gagner de l'argent (ce n'est pas tout ce qui compte, même
si il ne faut pas en avoir honte, je l'ai souvent dit, on me l'a
parfois reproché). Réussir, c'est aussi réussir dans sa vie
personnelle, faire réussir les autres, combler des inégalités,
donner un destin à des gens qui n'en avait pas, choisir le mode de
réussite pour ceux et celles qu'on aime ».
Interprétation
généreuse : voilà, on voit bien que qu'Emmanuel Macron ne
pose pas la réussite seulement en terme du succès d'une carrière
ou de gain d'argent. Même si c'est important pour lui, voire
essentiel. On se souvient de lui professant que les jeunes devaient
avoir l'ambition de devenir milliardaires. Si on est un tant soit peu
kantien, on se demandera volontiers comment on pourrait universaliser
cette maxime : comment tous les jeunes pourraient-ils devenir
tous milliardaires en même temps ? Le nombre de milliardaires
dans le monde est dérisoire par rapport au nombre d'êtres humains
qui peuplent la Terre. Et si tout le monde devenait milliardaire,
cela signifierait une dévaluation considérable de l'économie. Il
faudrait deux milliards d'euro pour acheter une banane. Le mot de
« milliardaire » n'aurait dès lors plus aucun sens.
Mais
l'argent n'est pas tout. Même Emmanuel Macron le reconnaît. La
réussite a plusieurs facettes. Montaigne faisait la différence
entre réussir dans la vie et réussir sa vie. Emmanuel Macron semble
accepter cette distinction. Par ailleurs, la réussite comporte aussi
l'altruisme, l'envie d'aider les autres, l'envie de donner aux autres
un destin. L'entrepreneur est donc une force positive pour la
société : il n'est pas seulement l'égoïste que dessinait la
théorie économique classique. Mais il s'inscrit dans une dimension
éthique qui prend en compte le sort des autres.
Interprétation
sévère : cette façon d'invoquer l'altruisme et la prise
en compte de l'intérêt des autres n'est jamais qu'un slogan
publicitaire destiné à faire passer la pilule d'un capitalisme
sauvage et décomplexé. Les gourous du management n'ont que le mot
« éthique » à la bouche, mais c'est uniquement pour
mieux faire vendre leurs produits ! Au XIXème
siècle, les patrons pratiquaient un capitalisme sans pitié envers
la classe ouvrière, mais leurs épouses servaient souvent comme
« dames patronnesses » et faisaient la charité aux
démunis et aux ouvriers sans le sou, brisés par les cadences
infernales, les blessures et la maladie que le travail de forçat
exigeait. En fait, tous les régimes au pouvoir tentent d'accaparer
l'image du Bien : pour régner, il faut avoir l'image et
l'apparence d'être du côté des bons, des gentils, des justes, être
dans « l'axe du Bien » comme disait George Bush fils.
Mais comme Nicolas Machiavel nous l'a appris, ce n'est jamais qu'une
image et une apparence que les princes et les puissants de ce monde
utilisent pour conforter leur pouvoir. Et aujourd'hui, les « princes
et les puissants de ce monde », ce sont les capitaines
d'industrie, les banquiers et les dirigeants des GAFA (Google,
Amazon, Facebook et Apple), auxquels il conviendrait ajouter quelques
uns comme Bill Gates de Microsoft, Elon Musk de Paypal et de Tesla ou
Xavier Niel, fondateur de Free et de la Station F...
Tous
ces gens de pouvoir ont un intérêt pressant à passer pour de
gentils philanthropes. J'ai vu une interview de Xavier Niel pour
préparer cet article où ce dernier expliquait qu'au lieu de voir
augmenter ses impôts, il préférait être généreux par lui-même
et créer une structure comme Station F. Le problème est quand il
paie des impôts, l'argent de Xavier Niel va à des choses pas très
stimulantes (pour Xavier Niel) comme des hôpitaux, la construction
de route ou le salaire des profs dans l'éducation... Cet argent
disparaît et Xavier Niel ne sait pas à qui il profite, et il ne
peut même pas se vanter d'avoir contribué au bien commun, puisque
c'est la loi. En se faisant mécène de Station F, Xavier Niel sert
sa propre cause, il redore son blason, tout le monde vante sa
générosité. C'est tout bénef' pour lui. En plus, il pourra garder
un œil vigilant sur les projets de start-up et d'entreprises qui
ont vraiment une chance de décoller. C'est donc un avantage
stratégique considérable s'il veut rentrer dans leur conseil
d'administration ou créer des synergies avec ses propres
entreprises.
Emmanuel Macron et Xavier Niel Photographie : Sébastien Valiela |
On
peut se demander aussi si c'est vraiment à des particuliers de
« combler les inégalités ». Est-ce que ce n'est
pas à l’État ou à la société civile d’œuvrer à la justice
sociale plutôt que des chefs d'entreprise dont le rôle est
d'assurer la pérennité et la croissance de leurs propres
entreprises ? Est-ce que ce n'est pas le rôle de la politique ?
Est-ce qu'un chef d’État comme Emmanuel Macron n'est pas là pour
résoudre les inégalités plutôt que de confier cette tâche à de
futurs dirigeants de start-up ?
Par
ailleurs, la formule « donner un destin à ceux qui n'en ont
pas » est jolie, mais n'est-elle pas franchement paternaliste ?
Tout d'abord, tout le monde a un destin, pas nécessairement un grand
destin ou le destin qu'on souhaite. Mais aussi petit soit-il, chaque
destin, chaque vie humaine a sa dignité. Emmanuel Macron tel cet
astre solaire jupitérien est certainement trop haut pour voir ces
micro-destins ; mais ils sont là, ils existent et ils ont leur
dignité. Donner un destin à des gens qui ont donc déjà un destin
est-il vraiment une bonne chose ? Est-ce que ce n'est pas une
manière condescendante de priver les pauvres, les sans-grades de la
responsabilité et de l'honneur d'assumer leur destin, les luttes
qu'ils ont à mener et des moments de joie que l'existence leur
laisse en cadeau ? Est-ce que ces petites gens doivent tout à
un gentil entrepreneur plein de morgue et de suffisance ? J'en
doute sincèrement.
Enfin,
la formule « choisir le mode de réussite pour ceux et
celles qu'on aime » n'est-elle aussi très contestable ?
On peut comprendre qu'un patron ou un entrepreneur ait envie de
mettre sa famille à l'abri des difficultés de la vie. C'est très
humain et très compréhensible. Mais choisir le mode de réussite
pour ses proches, est-ce que ce n'est pas une forme de violence
sociale ? Je veux dire que le fils d'un patron n'a pas
nécessairement envie de devenir lui-même patron de l'usine de papa.
Peut-être qu'il veut devenir peintre, plombier, footballeur, poète
ou moine bouddhiste... On peut choisir quelle style de vie nous
convient pour réussir notre vie, mais c'est un abus de pouvoir de
vouloir régenter la vie des autres, aussi proches soient-ils, et de
savoir mieux qu'eux quel mode de réussite leur convient.
*****
Ensuite,
Emmanuel Macron poursuit son discours : « Les
entrepreneurs, les chercheurs, les patrons ne pourront pas réussir
seulement pour eux-mêmes. Ce temps fini, ce temps où il fallait
être dans les mêmes écoles, les mêmes clubs. On pouvait fermer la
porte du club et dire : « c'est bon, on est dedans ».
Ces murs ont explosé. Les gens qui ont réussi ont en même temps un
devoir. Mais ce devoir-là, ce n'est pas l’État qui l'imposera par
des règles, des impôts, des normes. C'est à vous, entrepreneurs,
de la porter. C'est la part de création que vous allez apporter à
cette société. Tout ce que l’État porte, vous le partagez. La
capacité à faire réussir chacune et chacun dans et par le
numérique et l'innovation. C'est la même responsabilité que le
celle du gouvernement : la responsabilité qui consiste à
former chacun et chacune, la responsabilité, celle qui consiste à
faire réussir ceux qui viennent du plus loin de la réussite, la
responsabilité qui consiste à penser à chaque seconde que sa
réussite oblige quand d'autres sont plus démunis, quand une partie
de la planète vit dans la précarité écologique ».
Interprétation
généreuse : Bon ben voilà, encore une confirmation
évidente de la dimension altruiste de monsieur Macron. Il ne faut
pas réussir seulement pour soi-même ou sa classe sociale. Le temps
où les postes de direction était réservé à des jeunes issus des
bonnes familles, du bon milieu social et qui allaient dans les mêmes
écoles est révolu. Place à la fluidité sociale, place aux gens
porteurs de réelles innovations. Mais de la même façon que la
réussite n'est plus cantonnée à une classe sociale privilégiée,
les bienfaits de la réussite ne doivent pas bénéficier seulement à
soi-même, à sa famille ou à l'entre-soi de son milieu social. La
réussite oblige, la réussite contraint l'entrepreneur à assumer
ses devoirs et ses responsabilités envers autrui, envers la société
et envers la sphère de la Nature. C'est fini le temps où on
attendait tout de l’État. Soyons modernes ! Vive la volonté
libre et responsable de l'entrepreneur !
Interprétation
sévère : cet altruisme, ce sens du devoir et de la
responsabilité envers autrui a effectivement l'air d'être une bonne
chose. Mais ce rappel de morale est-il vraiment pertinent ?
Est-il autre chose qu'un effet de discours ? Après tout, on a
toujours une responsabilité morale : même si on a raté
complètement son ascension sociale, on a quand même des devoirs et
des responsabilités envers autrui : les membres de sa famille,
ses amis, les gens dans la rue, notre prochain...
Par
ailleurs, on peut légitiment remettre en question cette propension à
abandonner des tâches essentielles de l’État à des organismes
privés. Est-il vraiment souhaitable que l'on dépende poings et
pieds liés d'institutions de charité sponsorisés par
Coca-Cola, Free ou Apple ? Est-il souhaitable que la formation et
que l'enseignement soient gérés par des groupes privés ? Ces
organismes vont évidemment organiser l'éducation de façon à ce
que cela soit profitable aux multinationales qui les possèdent. Par
exemple, n'enseigner que les compétences utiles à l'usine ou la
firme, ce qui rendra le jeune travailleur incompétent et incapable
de s'adapter pour une autre entreprise. Ou refuser d'enseigner des
savoirs et des connaissances qui peuvent un rôle dans la citoyenneté
et la compréhension des enjeux politiques. Je pense aux cours
d'Histoire, de philosophie, de citoyenneté qui ne sont pas jugés
utiles par ceux qui ont intérêt à employer des ignorants et des
illettrés incapables de comprendre les enjeux des luttes sociales en
cours, et qui seront donc de bons moutons dans le système
économique. On sait que la privatisation de l'enseignement est une
volonté qui excite l'appât du gain des milieux financiers depuis
longtemps déjà.
Enfin,
si les start-up et les entreprises high-tech peuvent effectivement
créer de l'innovation pour les énergies renouvelables et des
alternatives plus écologiques, de manière générale, le monde
produit des technologies de plus en plus envahissantes et polluantes.
Peut-être qu'on augmente l'efficacité énergétique de quelques
produits, mais comme on achète de plus en plus de produits, l'impact
environnemental ne cesse de croître. Donc on peut douter
sérieusement de la capacité des entrepreneurs à s'auto-réguler et
à nous garantir plein de justice sociale et des mesures super
eco-friendly. L’État doit impérativement conserver un rôle
central dans la régulation et la modération des appétits des
grands groupes financiers. N'en déplaise à monsieur Macron qui ne
veut surtout pas imposer des lois, des règles et de nouveaux impôts
aux entrepreneurs dans le vent, comme le disait le père Henri
Lacordaire au XIXème
siècle : « Entre
le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître
et le serviteur, c’est la liberté qui opprime, et la loi qui
affranchit ».
En
clair, si on laisse aux entrepreneurs la liberté de faire ce qu'ils
veulent, peut-être feront-ils ou créeront-ils de temps en temps
quelque chose de bien, mais la plupart du temps, ils se contenteront
de ne faire que ce qu'ils ont envie et de défendre leurs intérêts
économiques et financiers. Ils ne protégeront le pauvre et
l'environnement que pour épater la galerie, faire un coup de com' et
du greenwashing au passage.
*****
Et
enfin, le président Macron de prononcer la phrase tant contestée
qui lui vaut maintenant tant de critiques acerbes aujourd'hui :
« Ne pensez pas une seule seconde que si demain vous
réussissez vos investissements ou votre start-up, la chose est
faite. Non, parce que vous aurez appris dans une gare (Station F), et
une gare, c'est un lieu où on croise des gens qui réussissent et
des gens qui ne sont rien. C'est un lieu où on passe et un lieu où
on partage, parce que la planète où nous vivons aujourd'hui, parce
que cette ville, parce que notre pays, parce que notre continent, ce
sont des lieux où on passe. Si nous oublions cela en voulant
accumuler dans un coin, on oublie d'où on vient et où va ».
Interprétation
généreuse : sorti de son contexte, la phrase peut sembler
contestable. Mais remise dans son contexte, on comprend que cette
incitation à ne pas « accumuler dans son coin »
de manière égoïste et individualiste. On ne peut pas réussir si
on laisse toutes sortes de gens sur le bord de la route. Quand on
conscience que tout n'est que passage dans ce monde, on ne peut pas
s'enfermer dans sa réussite individuelle, ce serait aller à rebours
du sens de la vie.
Certes,
la phrase était peut-être maladroite. Il serait peut-être
intéressant de savoir comment le discours a été préparé dans les
coulisses. Visiblement, Emmanuel Macron ne lit pas un texte sur un
papier ou sur un prompteur. Il se tient sur une estrade au milieu de
la foule et se tourne fréquemment pour faire face à l'ensemble de
l'auditoire massé là. Il est peu qu'il ait appris son texte par
cœur comme un comédien qui entrerait en scène. Le plus probable
est qu'il a discuté des grandes lignes directrices avec son staff et
ses conseillers en com', mais qu'il a improvisé l'essentiel du
discours. D'où la phrase malheureuse des gens qui ont réussi et des
gens qui ne sont rien.
Interprétation
sévère : cette phrase sonne plutôt comme un rappel de la
situation précaire et fluctuante d'un patron d'entreprise. Vous avez
peut-être réussi aujourd'hui, mais votre capital risque de vaciller
sous le coup de fluctuations boursières ou parce qu'un concurrent a
innové plus que vous et a présenté un produit révolutionnaire qui
vous renverra dans l'ombre. Rappelez-vous que vous être dans l'ombre
aujourd'hui et que, peut-être, vous serez dans l'ombre demain.
Regardez tous les pauvres gens autour de vous, ceux que vous
dédaignez, ceux qui ne sont rien. Et si vous ne voulez pas finir
comme eux, bougez-vous, « bousculez tout » comme
le dit le président plus loin, battez-vous pour rester le meilleur,
le plus performant, le plus compétitif sur le marché. N'accumulez
pas dans un coin, n'épargnez pas alors que vous pouvez investir et
rester en pôle position dans le monde. Sachez que vous venez de la
Station F, un « incubateur de talents » et que vous êtes
destinés à gagner et à innover en permanence.
Vu
comme cela, on comprend mieux que cette petite phrase « dans
une gare, c'est un lieu où on croise des gens qui réussissent et
des gens qui ne sont rien » peut avoir de condescendant et
de méprisant pour les classes populaires, pour les anonymes et les
travailleurs qui font vivre le système, mais qui le subissent tous
les jours.
Frédéric Leblanc, le 7 juin 2017
Emmanuel Macron et Anne Hidalgo pour le discours d'inauguration de Station F |
Voir également :
- Libéral
(à propos de la citation d'Honoré de Balzac : "La résignation est un suicide quotidien")
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