Zilu demande comment il convient de servir les esprits ?
Le maître Confucius lui dit :
« Tant qu'on ne sait pas servir les hommes,
comment peut-on servir les morts ? »
Zilu l'interroge alors sur la mort. Le maître répond :
« Tant qu'on ne sait pas ce qu'est la vie,
comment peut-on savoir ce qu'est la mort ? ».
Les entretiens de Confucius (XI, 11),
traduction d'Anne Cheng, Points/Sagesses, éd. du Seuil, Paris, 1981, p. 89.
Confucius (-551 - -479, 孔子, Kongzi en chinois) |
J'aime cette réflexion de Confucius à son disciple Zilu. Très souvent, on s'interroge sur la mort, sur ce qu'il y a après la mort. Et on veut des réponses. Claires et catégoriques. C'est ce qu'on demande aux spiritualités et aux religions, à la philosophie aussi : répondre à la question de savoir ce qu'est la mort et sur ce qui nous attend après celle-ci. Et nous aimons des réponses pleines de certitudes et de conviction. Cela apaise probablement pour un temps notre angoisse de la mort. Mais ce que dit ici Confucius, c'est que c'est prendre la problématique par le mauvais bout !
En fait, il vaut mieux se demander ce qu'est la vie et comprendre cette vie qui coule dans nos veines, qui fleurit et bourgeonne tout autour de nous. La priorité est là, plutôt que de spéculer sur ce qu'il y a après la mort. La vie est là : en nous, devant nous, autour de nous. Voilà ce dont il faut prendre conscience, ce à quoi il faut faire attention. Comprendre la vie et la rendre meilleure pour nous et les autres vivants autour de nous.
Et s'il faut penser à la mort, c'est en tant que caractéristique de la vie : l'inéluctable achèvement de la vie. Il faut y penser et prendre conscience de cette mort pour entrer en contact avec l'angoisse de la mort qui traverse nos vies, et hante nos jours et nos nuits. Apprendre à accepter la mort comme un fait qui appartient à la vie. Apprendre à vivre avec elle et s'apaiser devant son idée comme devant sa réalité. À tout moment, des cellules meurent par milliers dans votre corps, et à tout moment des cellules y naissent. La Nature entière bruisse de ce cycle de naissances, de vies et de mort. « Telle la génération des feuilles, telle la génération des hommes » disait Homère. Notre temps viendra aussi sûrement que la feuille qui se décroche de l'arbre, mais une autre génération viendra orner les branches de l'arbre au printemps. Il vaut mieux côtoyer et fréquenter ce mystère de la Vie dans l'ici et maintenant plutôt que vouloir à tout prix une réponse et s'accrocher à une croyance.
Marc Riboud, Huang Shan, province de l'Anhui, Chine |
Voir également :
- Telle la génération des feuilles
- Méditer longuement l'impermanence
- La vie selon François-Xavier Bichat
Concernant Confucius et le confucianisme :
- Un débat pédagogique dans le confucianisme antique
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