J'avais
parlé du moine Wirathu dans un précédent article sur la Birmanie.
Ce moine bouddhiste ne cesse de prêcher la haine à l'égard des
musulmans, et notamment les membres de la minorité ethnique
Rohingya. En Birmanie, son influence est énorme. Cela contribue à
compliquer une situation ethnique déjà extrêmement compliquée
pour les Rohyngyas et les autres minorités éthniques. Dans cet
article, j'avais déjà dit à quel point le discours d'U Wirathu
était contraire au message fondamental du Bouddha. Là où il
devrait prôner l'amour et la réconciliation, Wirathu prône la
haine et la discorde. Lui-même en prend pas part aux émeutes et aux
affrontements inter-confessionnels ; mais sa rhétorique
haineuse inspire la violence et le racisme à de nombreux Birmans.
Le moine Ashin Wirathu |
Jusqu'à
présent, Wirathu semblait intouchable. La bonne nouvelle est que les
choses ont changé en Birmanie. J'ai lu dans un article récent de
Libération
daté du 13 mars 20171
que le moine Wirathu avait enfin été contraint au silence par les
hauts responsables de la Sangha birmane, le Maha
Nayaka. Il est interdit à
Ashin Wirathu de « se
livrer à des sermons à travers la Birmanie jusqu’au 9 mars
2018»,
car il a «multiplié
les discours de haine contre les religions afin de provoquer des
conflits locaux et entraver les efforts pour maintenir l’État de
droit». Un an de silence
forcé et de désaveu de la part des autorités bouddhistes, voilà
au moins à titre temporaire une bonne chose pour le pays.
Il
est néanmoins triste de constater que cette interdiction vient après
l'assassinat d'un avocat musulman et défenseur des droits de
l'homme, Ko Ni. Ko Ni était par ailleurs proche d'Aung San Suu Kii.
L'assassinat a eu lieu alors que Ko Ni revenait avec une délégation
gouvernementale d’une mission en Indonésie pour discuter avec les
intervenants de la région des tensions religieuses dans l’État
Rakhine ou Arakan (dans l'ouest de la Birmanie), la région où se
situe les heurts et les épurations ethniques à l'encontre des
Rohingyas2.
L'avocat Ko Ni, défenseur des droits de l'Homme en Birmanie |
Le moine Wirathu n'a rien trouvé de mieux que de féliciter les
assassins de Ko Ni. Sur sa page Facebook, U Wirathu a déclaré voir
dans cette mise à mort un « avertissement
à tous ceux qui veulent modifier la constitution »
en cherchant à supprimer «la
nécessaire représentation des militaires au sein du Parlement ».
(Il est probable que les militaires soutiennent Wirathu et son
mouvement ultranationaliste 969 en sous-main afin d'affaiblir la
position de la Ligue Nationale pour la Démocratie d'Aung San Suu Kii
qui n'est rien qu'une traîtresse qui pactisent avec les musulmans
aux yeux de Wirathu, alors même que le monde entier lui reproche
amèrement son peu d'empressement à venir en aide aux Rohingyas).
Comme si cela ne suffisait pas, Wirathu s'est aussi dit « soulagé
pour l’avenir du bouddhisme dans mon pays» après
ce meurtre de sang froid.
C'est
certainement la provocation de trop. Faire ouvertement l'apologie du
meurtre et de l'assassinat est un trop grand écart par rapport à la
doctrine du Bouddha, surtout que l'émotion en faveur de Ko Ni est
forte dans le pays. La Sangha birmane a donc estimé qu'il fallait
provisoirement faire taire Wirathu. Ce dernier s'est d'ailleurs rendu
à une cérémonie publique dans la ville de Mandalay avec un ruban
adhésif collé sur la bouche. Il est difficile de dire si Wirathu va
respecter cette interdiction de prise de parole, et si la Sangha va
rester unanime contre lui. On peut craindre un retournement de
situation. Néanmoins, le simple fait que la Sangha birmane prenne
position contre les dérives haineuses d'Ashin Wirathu est en soi un
excellent signal. Enfin, un message clair est prononcé à son égard.
Cela ne résout pas tous les problèmes de la Birmanie, qui sont
nombreux, mais cela ouvre des perspectives pour l'apaisement et la
réconciliation.
Paix et sérénité pour la Birmanie.
1
Arnaud Vaulerin, « En Birmanie, un prédicateur bouddhiste islamophobe interdit de sermon »,
Libération, 13 mars 2017.
2Guillaume
Reuge, « Un conseiller musulman d'Aung San Suu Kyi assassiné », Libération, 30 janvier 2017.
Birmanie - Steve McCurry |
Sur la Birmanie, voir aussi :
- Rohingya
Sur la situation de la communauté musulmane Rohingya, voir notamment sur le site d'Arte : « La malédiction des Rohingyas »
Voir aussi le site Info-Birmanie et sa page Facebook pour de plus amples informations sur la situation politique du pays.
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
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