Ceux
que torturent les chaleurs du mois de juin
Languissent
après le clair de lune automnal,
Et
si la peur ne les gagne pas, c'est qu'ils ne pensent point
Qu'alors
leur vie aura été réduite de cent autres journées.
Jigmé
Lingpa (Tibet, 1730-1798)
Je
trouve ce conseil du maître tibétain Jigmé Lingpa d'une grande
profondeur. Certes d'un point de vue strictement géographique, il
peut sembler décalé pour des gens qui, comme moi, vivent en Europe
du Nord. En Belgique, on languit rarement après les journées
pluvieuses et grises du mois de novembre ! Ceci étant dit,
combien de fois n'ai-je pas entendu quand nous étions, au creux de
l'hiver : « Ah, si on pouvait être en été, c'est trop
pénible de vivre au mois de février en Belgique avec un froid
pareil et une pluie pareille ! » Et puis quand c'est
l'été, de toute façon, les gens râlent, soit qu'il fasse trop
chaud et que c'est la canicule, soit qu'il pleuve tout le temps et
que c'est un été pourri ! Si on se plaint du temps et qu'on
aspire à être dans trois mois, on ne se rend pas compte qu'on
aspire à se rapprocher de sa mort de trois mois. Le temps passe vite
et emporte tout. Il vient bien assez vite comme cela. Apprenons donc
à apprécier l'instant présent et le temps qu'il fait aujourd'hui.
Il pleut, il pleut. Il neige, il neige. Il fait soleil, il fait
soleil ! Mais ne nous laissons pas entraîner dans la mauvaise
humeur de râler contre le temps qu'il fait, car cela revient à
gâcher l'instant présent, notre seule véritable richesse.
C'est
pareil avec le boulot. Je suis enseignant. Après un congé, la
première chose que mes collègues et mes élèves font, c'est de
savoir quand sera le prochain congé. Un collègue m'a dit le jour de
la rentrée après le congé de Noël : « Plus que six
semaines avant le congé de carnaval ! » Je trouvais cela
triste, parce que cela revenait à attendre pendant six semaines un
congé qui ne durerait de toute façon qu'une pauvre petite semaine !
Autant se concentrer sur l'instant présent et apprendre à apprécier
les jours que l'on vit. Je ne dis pas pas que c'est toujours facile
tellement on peut avoir de contrariété dans son boulot. Mais
justement en se concentrant sur le moment présent que l'on peut
développer une attitude positive, faire rayonner la bienveillance et
la compassion autour de soi, faire preuve d'équanimité avec les
personnes acariâtres et les situations difficiles, manifester la
joie intérieure quand tout le monde fait grise mine. Si la plupart
des gens adoptaient cette attitude, on ne viendrait pas au boulot
avec ses souliers de plomb.
Carpe
diem, disait Horace. Cueille le jour.... On a souvent considéré
cette sentence comme la seule recherche des plaisirs au détriment de
tout ce qui est ennuyeux. Je crois personnellement qu'il y a là un
sens plus subtil. Il faut cueillir les fruits de la journée quelle
que soit la journée en question : cela peut être le farniente
sur la plage quand on est vacances, mais cela peut vouloir dire
apprécier la journée présente de travail, essayer de tirer son
plaisir dans son boulot. Et cela suppose un changement intérieur :
si on part du principe qu'on fait un travail assommant, que nos
collègues ou nos élèves sont une pénitence qu'il va nous falloir
supporter toute la journée durant, on est mal parti pour cueillir le
jour ! Mais je pense qu'il faut avoir un esprit positif, essayer
d'apporter quelque chose de bien à son entourage. Cela ne nous
empêchera pas les moments difficiles, les confrontations, les
épisodes de stress ou de tension, mais au moins on envisage
l'instant présent avec une autre perspective et on se montre plus
agréable avec les autres. De toute façon, on n'est contraint de
passer un certain temps, autant faire que cette contrainte soit le
moins pénible pour soi-même et autrui. Si l'on espère le moment où
on va pouvoir rentrer chez soi, ce moment disparaîtra très vite et
laissera place au lendemain matin où le réveil vienne sonner le
glas de nos rêves et nous annonce une autre journée grisâtre au
travail...
Donc
autant cultiver la conscience de l'impermanence. Réaliser que le
temps passe et savoir qu'il ne reviendra pas. Avec cette conscience
de l'impermanence, on réalise d'autant mieux la valeur de l'instant
présent. On sait que c'est le moment où il faut manifester ce qui
est lumineux en nous. Si on rêve d'un avenir meilleur, on rate le
moment présent mais on ratera aussi probablement le moment futur !
D'autres contrariétés viendront nous gâcher le moment présent.
Autant prendre le pli tout de suite de cueillir le jour en sachant
que la récolte viendra d'abord de nous-mêmes et de nos dispositions
intérieures à voir ce qu'il y a de bon dans la vie.
Tour Zimmer à Lierre (Lier) en Belgique |
Autre citation de Jigmé Lingpa:
- entrer dans le flux de la pleine conscience
Voir aussi : Carpe Diem
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire