Kryss faisait le 27 octobre cette objection à mon article "Bouddhisme et végétarisme" :
Un moine arrive dans une petite ville et reçoit de la part d'une famille les restes de leur repas, composé entre autre de poulet. Le moine, sachant que cette nourriture n'a pas été cuisinée que pour lui, accepte ce curry de poulet et le mange. Après avoir mangé ces restes, que va penser la famille l'ayant nourri et les passants l'ayant vu manger?
Il est probable que l'idée qu'un homme spirituellement avancé mange de la chair leur fasse penser que ce n'est pas si contraire au Dharma que cela de manger du poulet. Par cet acte d'acceptation, le moine va donc contribuer en partie à pousser les personnes l'ayant vu à commettre des actes contraire au Dharma.
Voici donc ma réponse :
C'est une très bonne question,
car, en effet, cette situation met en conflit deux principes de vie
du bhikkhu, le moine bouddhiste : d'une part, le premier
principe des dix préceptes bouddhistes qui est de « ne pas
tuer » et le principe de l'acceptation. Selon ce principe
d'acceptation, le moine prend ce qu'on lui donne sans faire de
discrimination. Il ne dit pas : « je veux de la bonne
nourriture », « je veux des frites » ou « je
veux des spaghettis ». Il ne dit pas non plus « je veux
de la bouffe bio parce que c'est bon pour la santé ou pour
l'environnement » ou « je veux un menu diététique parce
que c'est bon pour ma ligne ». Non, le moine accepte ce qu'on
lui donne, même si ce n'est pas assez, que c'est mauvais, que c'est
trop gras ou que cette nourriture contrevienne à ses principes
éthiques, comme la viande, mais aussi de la nourriture non-bio
pleine de pesticide qui a tué des insectes ou une nourriture où on
a exploité les paysans. Non, il prend ce qu'on lui donne sans faire
d'histoire.
Cette acceptation est importante
parce qu'elle se fonde sur l'absence de désir , l'absence de
pensée « je veux ceci ou cela, je ne souhaite pas avoir ceci
ou cela ». Or cette absence de désir est la clef qui permet
d'atteindre la cessation de la souffrance. Dans son tout premier
enseignement, le Sermon de Bénarès, ou Soutra de la Mise en
Mouvement de la Roue du Dharma, le Bouddha parle des Quatre Nobles
Vérités. A savoir :
- la Vérité de la Souffrance,
- la Vérité de l'Origine de la Souffrance,
- la Vérité de la Cessation de la Souffrance
- et la Vérité du Chemin qui conduit à la Cessation de la Souffrance.
Or l'origine de la souffrance
réside dans le désir qui nous pousse dans une quête incessante de
satisfactions. Et la cessation de la souffrance coïncide avec le
moment où l'on réussit à abandonner complètement ce désir, à
accepter pleinement l'ici et maintenant. Ce principe d'acceptation
conduit donc au Nirvâna (l'extinction de la souffrance) tandis
qu'une alimentation végétarienne ou végane ne donne qu'un bon
karma. Ce qui n'est déjà pas mal : en préservant la vie, on
gagnera dans le futur de cette vie-ci ou d'une autre vie des
conséquences positives comme une vie plus longue, en meilleur santé
ou mieux préservée. Mais le seul végétarisme ne permet pas de se
libérer du samsâra et d'atteindre le Nirvâna.
Donc, de ces deux principes,
principe de non-violence (ahimsâ) qui sous-tend le végétarisme
et principe d'acceptation qui conduit à la cessation du désir,
c'est ce dernier le plus essentiel , celui qui doit être privilégié. Mais il n'est évidemment pas non plus question de tuer expressément des animaux et de les faire tuer par un boucher pour notre usage personnel ! D'où le fait que le Bouddha admet une dérogation à la consommation de la viande du fait que le moine est dans l'acceptation de ce qu'on lui donne et pour laquelle il a énoncé la règle dites des « trois
puretés » (qu'il vaudrait mieux appeler à mon sens :
« absences d'impuretés ») : si le moine n'a pas vu,
n'a pas entendu ou ne pouvait pas savoir que la viande est préparée
expressément pour lui, alors il peut et il doit accepter cette
viande qu'on lui donne en aumône.
Cette viande consommée n'implique pas une souffrance nouvelle à l'encontre des animaux, puisque la viande donnée au moine n'était pas à l'origine achetée et cuisinée pour lui. De la même façon, un clochard vegan qui ferait les poubelles à la recherche de nourriture et qui trouverait du jambon périmé dans les poubelles ne déroge pas au véganisme s'il mange ce jambon: la nourriture a été abandonnée et n'engendre aucune souffrance (même si d'autres vegans, ignorant la provenance du jambon, pourraient lui faire des reproches).
Cette viande consommée n'implique pas une souffrance nouvelle à l'encontre des animaux, puisque la viande donnée au moine n'était pas à l'origine achetée et cuisinée pour lui. De la même façon, un clochard vegan qui ferait les poubelles à la recherche de nourriture et qui trouverait du jambon périmé dans les poubelles ne déroge pas au véganisme s'il mange ce jambon: la nourriture a été abandonnée et n'engendre aucune souffrance (même si d'autres vegans, ignorant la provenance du jambon, pourraient lui faire des reproches).
Ceci étant dit, il est évident
que cela a engendré des débats et des critiques. Le soutra de Jîvaka relate que l'on répandait le bruit que : « On
tue des êtres vivants pour nourrir l’ascète Gotama qui mange
délibérément de la chair d’animaux tués pour lui ». C'est
évidemment une mauvaise compréhension des enseignements. Que faire
face à cela ? Faire preuve de pédagogie et réaffirmer
l'importance
du principe de non-violence et l'inutilité de manger de la viande,
de faire comprendre le point de vue des animaux condamnés par cette
cruauté inutile et barbare. Le soutra de Jîvaka insiste que le
moine, quand il fait l'aumône, doit être animé par la
bienveillance, la compassion, la joie et l'équanimité. C'est
important pour faire comprendre aux autres son rapport à
l'existence, le fait que le moine ne consomme la viande par goût,
mais bien par acceptation des autres hommes qui ne vivent pas
nécessairement avec les mêmes principes moraux ou avec le même
niveau de conscience.
Pour
conclure, je dirais qu'il faut bien rappeler que cette règle ne vaut
que pour le moine vivant d'aumônes. Ce n'est pas le cas de tous les
moines bouddhistes aujourd'hui : les moines tibétains, chinois,
japonais ne vivent pas d'aumônes, contrairement aux moines
thaïlandais ou birmans qui continuent à respecter cette règle de
mendicité. Pour ces moines qui ont abandonné la mendicité et pour
les laïcs, la règle dite des « trois puretés » ne
compte pas, puisqu'ils choisissent leur nourriture (ou le monastère
le fait pour eux) : aucune excuse pour eux de manger de la
viande. J'insiste sur ce point par la règle des « trois
puretés » est trop souvent déformées pour justifier une
consommation de viande injustifiable selon le Dharma !
Le bouddhisme a pour dogme : le Désir est l'Ennemi absolu. C'est pour cette raison que les bouddhistes méprisent le désir de vivre des créatures et les mangent. Il n'y a qu'en pays hindous où le végétarisme a réussi à percer : car le Désir est Kâma Déva, le Dieu Eros, c'est un Dieu, non un démon, et le Désir, fils du Seigneur Krishna, nous apprend à respecter le désir des autres créatures, qui ne sont pas nos inférieurs (comme le dit le bouddhisme), mais les représentants des Dieux sur Terre, leur vahana.
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RépondreSupprimerCe que vous dites est complètement faux. De tous les commentaires stupides que j'ai pu lire sur mon blog, votre commentaire est certainement le plus stupide. Dans la philosophie bouddhique, le désir n'est pas un « ennemi absolu », mais un problème à régler d'urgence, car ce problème du désir conditionne notre souffrance en ce monde. Tuer une personne ne va certainement pas éteindre le désir de cette personne assassinée : tout ce que cela fera sera de projeter cette personne dans un karma de détresse horrible. Comment pouvez-vous attribuer des idées aussi monstrueuses aux bouddhistes ?
La seule façon efficace d'éteindre le désir, c'est par la pratique spirituelle, le Dharma : la conduite éthique bienfaisante, la méditation et la sagesse. Dans les pratiques importantes de la méditation, il y a les quatre qualités incommensurables : amour incommensurable, compassion incommensurable, joie incommensurable et équanimité incommensurable. La compassion envers les êtres sensibles est donc essentielle si on veut guérir les êtres de la souffrance. Un bouddhiste doit éprouver de la compassion encore et encore envers les animaux. Il ne doit certainement pas les tuer !
Par ailleurs, il me semble que vous idéalisiez beaucoup l'hindouisme : c'est un pays qui compte une majorité de mangeurs de cadavres et où on fait souffrir les animaux pour leur lait ou pour leur peau qui va servir à faire du cuir. Vous dites que dans l'hindouisme, les animaux ne sont pas des inférieurs. Malheureusement, tout l'hindouisme est structuré par le système des castes, un système profondément inégalitaire qui enferme les êtres dans une hiérarchie de maîtres et d'esclave dont ils ne peuvent pas sortir.