Croire
en la réincarnation ?
Dans
mon article « Réincarnation », j'avais émis l'idée que
je ne pouvais pas être absolument certain du bien-fondé du
phénomène des renaissances. Je ne peux adopter une position
dogmatique par rapport de la vérité métaphysique du cycle des
naissances, vies et morts tels qu'on le présente dans le bouddhisme
(et dans d'autres religions et philosophies comme l'hindouisme, le
jaïnisme, la métempsychose des Grecs, etc...). J'ai le sentiment et
la conviction profonde qu'il y a un continuum qui traverse nos vies
et qui la relie à d'autres vies, d'autres existences, mais de là à
penser que cette conviction soit la réalité définitive des choses,
il y a un pas qu'un certain scepticisme m'empêche de franchir.
Évidemment,
la plupart des bouddhistes ne partagent pas ces doutes et instituent
la réincarnation en croyance fondamentale de la doctrine bouddhiste.
Par exemple, Matthieu Ricard dans un livre « Enquête sur la
réincarnation 1 »,
ouvrage où plusieurs auteurs expliquent leur point de vue sur la
réincarnation, explique :
«
Un bouddhiste croit forcément à la réincarnation. Mais
se souvenir de ses vies antérieures n’a strictement aucun
intérêt ».
La
question dès lors est : « Faut-il forcément croire en la
réincarnation quand on est bouddhiste ? » Pour moi, ce
n'est pas une nécessité absolue. C'est certes une pente naturelle
quand on partage les vues du Bouddha sur l'existence, mais ce n'est
pas une nécessité absolue. Plus loin dans le texte, on demande à
Matthieu Ricard s'il est possible d'être bouddhiste sans croire en
la réincarnation. Ce dernier répond :
« Cela
voudrait dire que si l'on n'atteint pas la libération
en cette vie, c'est terminé ! Comment cela serait-il
possible ? Il n'y aurait alors jamais eu de Bouddha, d’Éveillé.
Le Bouddha Shâkyamuni a dit à maintes reprises que son éveil
était le fruit des mérites et de la connaissance qu'il avait
accumulés pendant trois ères cosmiques incommensurables.
Cela ne signifie pas qu'il est interdit à tous ceux qui le
souhaitent de retirer des bienfaits des enseignements du
bouddhisme, de cette science de l'esprit fondée sur
l’expérience contemplative, sans pour cela adopter
l'ensemble de ses enseignements métaphysiques.
De
telles personnes peuvent être chrétiennes, juives,
musulmanes ou athées et n’ont pas besoin de se dire
bouddhistes. Mais faute d'envisager une succession d'états
d’existence, le karma et le chemin graduel vers la
libération n’ont guère de signification. Certes, au terme
de son chemin, un bodhisattva atteint l'éveil
dans une existence particulière, mais dire que tous
les êtres puissent parcourir ce chemin du début à la
fin en l’espace d'une seule vie est une aimable
plaisanterie ».
Que
dit Matthieu Ricard ? Atteindre le parfait et incomparable Éveil
d'un Bouddha prend du temps, beaucoup de temps. En fait, les textes
disent qu'il faut l'effort acharné de plusieurs existences, voire de
très nombreuses existences pour arriver à un but si sublime. On
entend parfois qu'il a fallu cinq cent existences à celui qui allait
devenir le Bouddha Shâkyamuni
pour atteindre le bout de son Chemin du Milieu à partir du moment où
il a pris le vœu de bodhisattva. Mais d'autres textes évoquent une
durée de 3 kalpas. Un kalpa est une ère cosmique, le temps de vie
d'un univers. Dans les soûtras, on donne une image pour essayer
d'imaginer le temps que dure un kalpa. Tous les cent ans, un homme
vient effleurer une montagne avec un tissu de la plus fine étoffe.
Et bien, un kalpa est le temps qu'il faudra à cet homme pour éroder
complètement la montagne avec son bout de tissu qui vient effleurer
délicatement la montagne une fois tous les cent ans !
Cela
représente un temps absolument considérable. Mais d'autres soûtras,
notamment des soûtras du Grand Véhicule évoquent des espaces de
temps encore plus considérables. Dans le Soûtra du Lotus,
le Bouddha évoque une époque qui remonte à autant de kalpas qu'il
y a de grains de sable dans le lit du Gange, autant dire une durée
qui nous semble à nous, simples mortels, prodigieusement infinies.
Ce long effort dans le temps semble inévitable si l'on en croit la
conception métaphysique qui sous-tend les soûtras bouddhiques.
Il
y a une petite histoire dans l'hindouisme que j'aime beaucoup à ce
sujet. Un yogin vient trouver son maître spirituel et lui demande :
« Combien de temps me reste-t-il à vivre avant de connaître
la Libération ? » Le maître lui répond : « Tu
devras te réincarner encore quatre fois ». Le yogin se dit
alors : « Tant que ça ! », et commence à se
lamenter. Il se lamente et se désespère tellement qu'il perd la
motivation pour la pratique spirituelle et la conduite morale. Si
bien qu'il finit par tomber dans un chemin de perdition qui l'écarte
inexorablement du chemin de la Libération. Un autre yogin vient
trouver le même maître et lui pose la même question :
« Combien de temps me reste-t-il à vivre avant de connaître
la Libération ? » Le maître lui répond : « Tu
vois ce grand arbre ? Et bien, tu devras te réincarner autant
de fois qu'il y a de feuilles sur cet arbre ! » Le second
yogin se dit alors : « Si peu que ça ! ». Il
se réjouit grandement et, tout motivé, se met à redoubler d'ardeur
dans sa pratique spirituelle, tant et si bien qu'il atteint la
Libération dans cette vie-même !
Cette
conception d'un temps long dans le progrès spirituel nécessite
effectivement la croyance de la réincarnation. Mais est-ce là
l'essence du Dharma ? On peut considérer le bouddhisme comme
une philosophie de vie ou comme une religion. Le bouddhisme comme
religion implique cette explication du monde en de nombreuses vies
qui se succèdent et renvoient à notre responsabilité individuelle
de faire fructifier ces réalisations spirituelles afin de gagner le
bonheur dans l'au-delà. Le bouddhisme comme philosophie, lui, trouve
son essence dans la mise ne pratique des trois branches de la
doctrine du Bouddha : la conduite éthique, la concentration
méditative et la sagesse. S'il y a une confiance à avoir dans le
Bouddha, c'est dans l'idée que son chemin amène à des résultats.
Et à mon sens, c'est cette confiance dans le chemin proposé par le
Bouddha qui caractérise le plus un bouddhiste, beaucoup que la
croyance en la réincarnation.
On
pourrait répliquer qu'on aura moins d'envie de persévérer et
d'accepter des sacrifices si on n'a pas la perspective des vies
futures où l'on bénéficiera des actes moraux d'aujourd'hui. On
pourrait comparer toutes ces vies qui se succèdent aux journées qui
se succèdent dans une seule vie. Imaginons qu'il nous reste une
seule journée à vivre et que minuit venu, on viendrait à mourir.
Dans cette dernière journée à vivre, aurait-on vraiment envie
d'aller travailler et de cultiver son champ ? Si on sait que le
fruit de son travail, le salaire ou la récolte, profitera à
quelqu'un, et pas à soi, est-ce qu'on aurait vraiment envie de
bosser dur ce jour-là ? Est-ce qu'on aurait pas envie de
paresser et de profiter de la vie ? Pareillement, si on pense
que cette existence est la seule existence que l'on aura à mener,
n'aura-t-on pas envie de faire des efforts uniquement pour sa propre
préservation de cette vie-ci, mais pas au-delà ? Pourquoi
faire des sacrifices, pourquoi se montrer particulièrement généreux
et impliqué envers les autres si l'on ne reçoit rien en retour ?
À
cet argument, on pourrait répondre deux choses :
1°)
Un sage qui pratique la bienveillance et la compassion, qui contemple
la nature impermanente des choses et qui développe l'esprit d’Éveil
se laisserait-il vraiment aller s'il lui venait soudain la
conviction que cette vie est la seule à vivre?J'en doute. Dans les
pratiques de l'esprit d’Éveil (bodhicitta en sanskrit), il y a
l'exercice spirituel de considérer autrui comme soi-même. Tous les
autres auraient pu être nous-mêmes. Ce qu'ils vivent, on pourrait
le vivre si nous avions été eux. Une fois que l'on considère les
choses les choses de cette façon, on comprend que nous ne sommes
fondamentalement séparés de personne. Tous les êtres vivent en
interdépendance avec tous les autres. L'égoïsme est vu comme une
illusion absurde, l'individualisme forcené une voie sans issue. Il
naît alors un altruisme désintéressé en nous : nous avons
l'envie d'aider les autres et de persévérer dans le Dharma pour le
bien des êtres, même si cela ne nous est pas profitable, ni à
nous, ni à un « moi » d'une vie future. La beauté du
geste nous suffit.
2°)
Le Dharma nous incite à agir dans le monde tel qu'il est et à
contempler le monde tel qu'il est. Pour voir ce monde tel qu'il est,
il faut se dépouiller de tous les discours mentaux, de notre
propension à commenter sans cesse le monde qui nous entoure. Dans la
méditation, cela inclut les discours mentaux sur le Dharma. Or le
fait de décrire le monde avec des concepts métaphysiques comme la
réincarnation et de décrire très longuement les qualités sublimes
des bouddhas et des bodhisattvas avec des concepts de « grandiose »
et « d'extraordinaire » n'est-elle pas un obstacle à la
méditation ? On se fait une idée grandiose du Bouddha et d'un
Bodhisattva, mais si on en voyait un dans la vie réelle, on ne
serait pas fichu de le reconnaître.
D'ailleurs,
dans le « Soûtra de la
Distinction des Éléments2 »,
le jeune moine Pukkusāti,
disciple zélé et dévoué dans la Voie du Bouddha, mais qui n'a
jamais vue le Bouddha en personne, trouve refuge un jour dans le
hangar d'un potier pour passer la nuit. Dans ce hangar, un ascète
s'y trouve déjà. Cet ascète a l'air d'être quelqu'un de très
sérieux puisqu'il passe le plus clair de la nuit plongé dans
l'absorption méditative. Pukkusāti
finit par nouer un dialogue et lui demande un enseignement sur la
façon dont il envisage la sagesse. L'ascèse s'exécute et lui livre
une analyse poussée du Dharma. Au fur et à mesure de l'exposé,
Pukkusāti
comprend qu'il a affaire avec le Bouddha lui-même. Il s'excuse de
ne pas l'avoir reconnu : mais en apparence, ce n'était qu'un
ascète parmi tant d'autres dans l'Inde mystique. Comment aurait-il
pu le reconnaître ?
Extérieurement,
le Bouddha était un homme comme tous les autres. Contrairement à ce
que raconte les descriptions fantaisistes des Bouddhas dans les
soûtras du Grand Véhicule avec les 32 marques supposées des Êtres
Éveillés, parmi lesquelles des bizarreries: le Bouddha devait
notamment faire selon ces descriptions la taille spectaculaire de
quatre mètres de haut. Quand on voit des statues massives de quatre
mètres dans des monastères tibétains ou chinois, c'est supposé
être sa taille réelle. Mais ce n'est pas tout : le Bouddha
aurait eu des doigt palmés (il a sûrement été Donald Duck dans
une vie précédente), une peau dorée, un sexe de cheval qui rentre
comme dans un fourreau (!!!???) entre autres bizarreries. Ces marques
sublimes relèvent de la science-fiction, voire du phénomène de
foires si cela existait en vrai, mais les bouddhistes y croient dur
comme fer. Je me souviens d'un lama tibétain qui expliquait très
sérieusement que Devadatta (le disciple félon du Bouddha) avait
tellement peu de foi dans le Bouddha qu'il ne voyait pas que ce
dernier faisait quatre mètres de haut et qu'il planait dans les
airs. Or dans le passage de Pukkusāti
qui ne reconnaît pas le Bouddha alors qu'il a une foi intense dans
son enseignement, on voit bien que le Bouddha était un homme comme
tous les autres, avec deux bras, deux jambes et une tête. C'était
certes un personnage charismatique, mais qui avait l'apparence d'un
homme ordinaire.
Ce
genre de conceptions se nourrit de l'imaginaire religieux qui est
très prompt à la superstition et à la surenchère dans le
merveilleux, mais cet imaginaire nous écarte de la réalité telle
qu'elle est. L'avantage de ne voir qu'une seule vie dans la pratique
du Dharma est qu'on est moins tenté de se réfugier dans le
merveilleux et de se focaliser dans l'instant présent. Car il y a
une vie qui se présente à nous, et c'est dans cette vie seule qu'on
peut mettre en œuvre le Dharma par la pratique de la conduite
éthique, de la méditation et de la sagesse. Le temps passé en
spéculation sur la vie future est en ce sens une perte de temps. Peu
importe que vous deveniez un Bouddha dans quatre vies ou dans
quarante-cinq vies, l'important, c'est ce qui se passe dans cette
vie-ci, aujourd'hui, dans l'instant présent. Il y a toujours
quelques chose à faire dans l'instant présent : cultiver la
vue juste, développer la pensée juste, tenir une parole juste,
accomplir une action juste, vivre avec des moyens d'existence juste,
fournir un effort juste, pratiquer l'attention juste et s'absorber
dans une concentration juste. Et cela ne nécessite pas absolument de
croire en la réincarnation.
*****
Voilà.
Pour terminer, je ferai deux remarques :
1°)
Matthieu Ricard est un membre du bouddhisme tibétain, une des formes
les plus religieuses du bouddhisme. Il n'est pas étonnant dès lors
que la réincarnation soit pour lui une donnée essentielle du
bouddhisme. Toutes l'autorité des écoles lamaïstes repose sur
l'idée que l'on peut reconnaître certains enfants comme étant les
réincarnations des grands maîtres récemment décédés. Le
phénomène des tulkous existent depuis le premier Karmapa, Tusoum
Khyenpa qui avait donné des indications sur sa prochaine incarnation
à la fin du XIIème siècle. Notez bien que le bouddhisme existe
depuis le sixième siècle avant notre ère, et cela n'était venu à
l'idée de personne de pouvoir prédire sa prochaine renaissance....
Il a fallu concrètement dix-huit siècles de bouddhisme pour qu'on
avalise ce système des lamas réincarnés. Avant cela, on pensait
(avec une certaine sagesse à mon humble avis) que cela dépassait
largement notre entendement.
Par
ailleurs, ce système de sélection d'enfants déclarés
officiellement « réincarnation de tel ou tel rimpotché ou de
tel ou tel hiérarque du bouddhisme » a conduit à toutes
sortes de dérives. Si ce système avait été seulement spirituel...
Mais non, ces gamins déclarés réincarnés occupaient des postes de
pouvoir et de prestige dans la société féodale tibétaine. Les
convoitises étaient donc très fortes pour que l'enfant de tel ou
tel clan soit nommé « tulkou », les enjeux étant
colossaux. Les fraudes étaient donc fréquentes, voire les coups bas
quand on assassinaient des enfants candidats à la réincarnation. Il
y a l'exemple au XVIIème siècle du cinquième
dalaï-lama, Lobsang Gyatso, qui n'était pas la véritable
réincarnation du quatrième dalaï-lama. Cela ne l'a pas empêché
d'être un personnage de l'Histoire du Tibet ; on l'a même
appelé le « Grand Cinquième ». Plus proche de nous, il
y a actuellement une controverse particulièrement aiguë au sein de
l'école kagyüpa sur le Karmapa : deux XVIIème
Karmapas ont été intronisés, et les partisans de l'un disent que
l'autre Karmapa est un imposteur, et vice-versa... Cela pousse quand même à certain doute et un certain scepticisme sur la question.
2°)
Je pense donc qu'il est possible d'être bouddhiste sans croire en la
réincarnation, si l'on comprend le vocable « bouddhiste »
comme « pratiquant du Dharma », c'est-à-dire que
quelqu'un qui suit la conduite éthique, la méditation et la sagesse
prônée par le Bouddha. Par contre, si l'on entend par
« bouddhiste » l'affiliation à une religion avec les
immenses statues du Bouddha, les traditions asiatiques et la
soumission à une hiérarchie religieuse, c'est évidemment plus
délicat, mais ce n'est pas mon propos.
Je
reconnais que la croyance en la réincarnation offre un cadre plus
facile pour expliquer simplement des idées de rétribution morale.
Pourquoi bien agir alors que nos bonnes actions ne sont pas
nécessairement récompensées dans cette vie-ci ? La théorie
du karma a le mérite indéniable d'être simple. Ne pas recourir à
l'explication des réincarnations oblige à avoir une pensée
philosophique plus raffinée et plus subtile : voir que nous
pourrions nous échanger nous-mêmes et autrui et voir que tous les êtres méritent d'être aidés dans l'esprit de la bodhicitta, voir
l'interdépendance entre tous les êtres, agir avec le seul idéal du
bien de l'humanité et des êtres sensibles, voir que tout dans la
nature est impermanent et soumis à des cycles (cycle de l'eau, cycle
de la vie, cycle des saisons, cycles de l'énergie dans la
mitochondrie...), que tout se transforme en étant ni autre, ni
identique. En même temps, cet effort philosophique pour s'insérer
dans l'éthique bouddhique me semble en lui-même assez fécond.
Je
pense que l'idée qu'on a un nombre incalculable de vies à vivre
encore pourrait avoir l'effet indésirable de reporter notre effort à
pratiquer le Dharma. Pourquoi se presser de faire des efforts pour
méditer ou bien se comporter quand on a un nombre infini de séances
de rattrapage ? En fait, c'est dans l'instant présent qu'il est
urgent de pratiquer pour soi-même, pour les autres, pour l'humanité,
pour tous les êtres sensibles. C'est dans cette vie présente qu'il est urgent d'assumer sa responsabilité envers les autres.
1 Patrice
van Eersel (sous la direction de), « Enquête sur la
réincarnation », Albin Michel, Paris, 2001, pp. 33-40.
2 Dhatu
Vibhanga Sutta, Majjhima Nikāya,
III, 237-247. Môhan Wijayaratna, « Le Bouddha et
ses disciples », éd. Cerf, Paris, 1990, pp. 230-240.
Liz McGowan, Ammonite de fougères, 1992, Hebden Bridge, UK |
Cet article fait suite à d'autres articles sur la réincarnation :
Spencer Byles, forêt de la Colle-sur-Loup, Alpes Maritimes |
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
Je me retrouve complètement dans votre vision.
RépondreSupprimerElle est pertinente et permet une prise de recul par rapport au courant tibétain que je trouve bien trop religieux et chargé de croyances, rites et pratiques par rapport à l'enseignement originel.
Sauf que l'enseignement Originel pour autant qu'on puisse le connaitre inclus le samsara qui est quand même intimement lié à la première noble vérité. Je trouve très exagéré le fait de mettre sur le même plan la taille de 4 mètres d'un bouddha avec la doctrine des renaissances. Autant ces 4 mètres ne se retrouve pas dans tous les courants du bouddhisme autant les renaissances est quelque chose que l'on retrouve dans tous les courants et traditions.
RépondreSupprimerMoi je veux bien qu'on fasse son petit marché dans le bouddhisme en prenant ce qui vous convient et en rejetant ce qui ne vous convient pas mais je trouve que c'est une attitude assez typique du monde occidental.
En ce qui me concerne je ne prends pas la doctrine des renaissance comme une croyance mais comme une possibilité parmi d'autres, possibilité que je considère comme la plus probable.
Bonjour,
RépondreSupprimerJe ne pense que ce soit faire son marché. Il s'agit de penser ici si la réincarnation est indispensable à la pratique du Dharma. Et je suis d'avis que ça ne l'est pas (même si personnellement, cela me semble l'option la plus convaincante).
Faire son marché voudrait dire qu'on prend la méditation, mais pas la doctrine du non-soi ou l'interdiction du vol parce que cela ne nous arrange. Je pense néanmoins qu'il faut repenser le bouddhisme selon notre époque et notre culture. Par exemple, il y a dans le bouddhisme originel et les différentes branches du bouddhisme un très nette misogynie. Je pense qu'il faut refuser cela et concevoir l'homme et la femme dans un rapport d'égalité.
Frédéric
1) Je ne comprends pas pourquoi tu persistes à parler de réincarnation plutôt que de renaissances. La manière de penser les renaissances par Bouddha est beaucoup plus subtile que la manière de penser la réincarnation dans l'hindouisme.
RépondreSupprimer2) Il est indispensable de comprendre le cycle des renaissances pour pouvoir en sortir. Sinon on reste dans du développement personnel. J'entends bien que tu y ajoutes une bonne dose d'altruisme (ce qui manque parfois au développement personnel).
C'est comprendre que ce que nous avons à dénouer à des racines plus profondes que notre seule histoire personnelle. Notre karma a aussi une dimension phylogénétique. Si tu enlèves le nirvana et le samsara la pratique perd donc toute sa profondeur.
3) Pour moi le Dharma ce n'est ni une philosophie ni une religion c'est la réalité telle qu'elle est. Évidemment pour comprendre le Dharma il faut faire un peu de philosophie parce que l'expression du Dharma a souvent une forme paradoxale. Pour moi si tu rejettes l'idée de Samsara c'est parce que tu ne la comprends pas et si tu ne la comprends pas c'est parce que tu n'es pas assez attentif à ta propre expérience.
4) Faire son marché c'est prendre à droite et à gauche comme dans le taoïsme, L’Advaita Vedānta, le bouddhisme tibétain, le bouddhisme zen.
D'un coté c'est bien d'être curieux et de ne pas être sectaire d'un autre il est conseillé par les maître de choisir une voie, un maître et de s'y tenir.
5) Je ne porte pas de jugement, je constate au dojo ou je vais que les nouveaux venus sont souvent rebuté par les rituels et le côté religieux de la pratique. On a le sentiment que les gens voudraient une spiritualité à la carte. Et comme dans notre Dojo nous avons l'esprit souple (les mauvaises diraient que nous avons aussi besoin de nouveaux pratiquants) nous proposons des zazen sans rituels ni chants.
4) Je pense que tu n'es pas sans savoir que Dogen est un fervent féministe même si c'est un peu perdu chez les maîtres japonais qui l'ont suivis.
Dans mon Dojo la responsable est une femme. Il y a autant d'hommes que de femmes qui dirigent les zazen. Et pour finir nous chantons le chant des matriarches en alternance avec le chant des patriarches. L'équivalent féminin du Gojushichi Butsu.
Je suis désolé mais une question un peu bête me vient à l'esprit c'est comment tu traites la question du suicide?
RépondreSupprimerSi la vie est souffrance il suffirait de se suicider pour en finir avec la souffrance.
D'un point de vue bouddhiste ce n'est que reporter le problème sur sa vie suivante sachant que ce n'est pas très bon karmiquement de supprimer une vie, même la sienne, la vie suivante a peu de chance d'être plus douce.
Sur la phylogenèse je te conseille
RépondreSupprimerTraumatismes en héritage par universcience
http://www.dailymotion.com/video/x2u0zl8_traumatismes-en-heritage_school
Un petit mot rapide, je reviendrai pour relire plus traquillement l'article.
RépondreSupprimerUn ressenti personnel : je vois pour ma part clairement le samsara comme un véritable enfer à propos duquel je ne souhaite qu'une chose, c'est d'en être libéré/de m'en libérer, je ne souhaite en rien revivre une vie ici ou ailleurs et je me demandais comment sans la théorie du samsara, compris comme cycle infernal, on s'efforcerait de se libérer soi-même et des autres de quoi que ce soit ? On peut aussi bien vivre sans souci une vie de divertissement permanent si du moins on ne s'en porte pas trop mal (j'entends par là qu'on laisse sans souci la pensée vagabonder en permanence et qu'on saisisse égotiquement tout ce qui se présente sans que cela pose souci non plus)".
J'entends bien qu'il y a une vie avant la mort (comme disait je ne sais plus qui) et qu'il n'est pas fortuit de souhaiter vivre ici et maintenant avec le moins de souffrance possible, néanmoins, en ce qui me concerne, la vie me dégoûte (c'est évidemment le fruit de ce qu'est ma vie), ce monde me dégoûte (je reste sûrement dualiste, mais enfin, c'est pas si simple), "there's a flaw inside" (je cite un bouquin "The Moonstone", la Pierre de Lune), "il y a un défaut (je dirais bien une tare pour ma part) en son sein", ce monde ne peut décemment être le fruit d'un principe bienveillant ; je le vois comme incréé, fruit de nos notre esprit perturbé, la motivation principale qui m'anime, c'est donc bien de ne plus y revenir et d'oeuvrer à aider les autres à s'en libérer tout autant, et, si jamais il n'y avait rien, à vrai dire tant mieux, ainsi, plus de souffrance, mais comme je crois en un courant de conscience, je prends le parti non seulement pour m'aider dans cette vie même, ici et maintenant, mais surtout pour ne plus y revenir, de mettre en oeuvre les moyens pour me libérer du samsara.
Un autre mot sur le caractère religieux du Dharma.
RépondreSupprimerJe suis dans le Dharma. L'aspect "religieux" à l'origine ne m'était pas familier et à vrai dire, du fruit de mon éducation, je n'aimais pas trop les dorures et les rituels mais m'appuyant sur une compréhension liée à l'étude du Dharma, je me suis quand même rendu compte que ce n'était pas un problème en soi, et que c'était largement dû à un certain orgueil de ma part si je "rejetais" (dans certaine mesure néanmoins) les rituels. Depuis, sans être attaché aux "flonflons" - au caractère religieux si vous voulez (enfin, selon la déinfition mondaine que l'on donne au religieux du moins) - ils ne me dérangent plus et je peux me prosterner à partir du moment où je comprends ce que je fais, je n'ai pas de dévotion spontanée mais d'autres en ont, cela ne me dérange pas non plus. Quant aux croyances dans le bouddhisme tibétain, je dirais que tous les phénomènes humains sont empreintes d'une certaine mythologie, et cela ne me dérange en rien (d'autant plus que je n'exclue pas ce que l'on consid̀ére irrationnel du champ de l'expérience), et que le bouddhisme tibétain ait connu ou connaisse une intrication avec des croyances culturelles diverses, cela ne me dérange pas non plus dans la mesure où cela n'implique pas d'ajouter de la souffrance à la souffrance. Je ne crois pas en la pure rationnalité ni en un bouddhisme qui serait totalement dépouillé de tout caractère culturel (le zen plus dépouillé connait aussi des croyances), c'est même intéressant d'un point de vue ethnologique, même si ce n'est pas l'essentiel en matière spirituelle, en tant que manifestation de caractères humains (dans lesquels de manière générale et pas seulement dans le bouddhisme, il peut tout à fait y avoir du bon, et du moins bon, à chacun d'être capable de discriminer, comme dans toute culture ; j'ai pour ma part gardé du passé de la culture du pays où je suis né - le Limousin-, de l'héritage de mes parents et grands-parents, ce qui me semblait juste et bienvenu, je serais né ailleurs, idem, et je m'intéresse aux manifestations culturelles d'un peu partout d'ailleurs). Bref, je n'ai pas d'absolu en la matière, et plus ou moins religieux ou plus ou moins dépouillé, tout cela me semble très bien pouvoir coahbiter et ne devrait poser aucun souci tant que cela n'amène pas davantage de souffrance (mais bien entendu, tout peut en amener quand il est question d'affaires humaines).
Désolé de répondre si tard. Je suis assez occupé ces temps-ci.
RépondreSupprimerPar rapport aux commentaires de Sb :
1°) Dans un article précédent, il me semble bien avoir fait la distinction entre des termes comme « réincarnation » et « renaissance », ce dernier étant effectivement plus correct dans le contexte de la philosophie bouddhiste. Mais il se trouve que le terme « réincarnation » est beaucoup plus courant dans le langage courant. Je remarque que c'est aussi le terme qu'emploie Matthieu Ricard dans son intervention pour le livre « Enquête sur la réincarnation » et que je cite plus haut. Matthieu Ricard y dit notamment : « Un bouddhiste croit forcément en la réincarnation ».
2°) C'est toi qui enlève les concepts de samsâra et de nirvâna ! Je n'enlève rien du tout. Même si on ne croit pas au phénomènes des renaissances, le samsâra m'apparaît comme une évidence. Il suffit de regarder l'investiture de Donald Trump à la Maison Blanche pour savoir qu'on est dans le samsâra ! Les êtres sont enchaînés dans l'illusion et la souffrance. C'est une évidence ; la question est de savoir comment on peut échapper à ces conditionnements de souffrance. Évidemment, le samsâra comme cycle des existences duquel il faudrait s'échapper tombe effectivement à l'eau si on n'adhère pas au concept métaphysique des renaissances. Ainsi que l'idée du nirvâna comme libération de ce cycle des existences. Mais il reste quand même l'idée métaphysique de la cessation de la souffrance qui est en fait la plus essentielle pour mettre en branle la Roue du Dharma. Cette idée concerne notre simple personne, mais cela nous dépasse largement, car c'est aussi la souffrance du monde qu'il s'agit d'éteindre.
Je comprends mieux merci. Je voulais dire qu'il est plus facile de critiquer le terme de réincarnation que celui de renaissance parce que moins grossier.
SupprimerOui mais si la mort met un terme au cycle infernal c'est une peu facile de sortir de ce cycle sans même se suicider il suffit d'attendre la mort tranquillement.
Quand je pense à ce qui se passe dans un abattoir si le poussin a à peine vécu quelques jour avant d'être balancé dans une déchiqueteuse certes il aura souffert mais pas très longtemps. Imaginons que ce soit + ou - le même poussin qui renaisse poussin indéfiniment qui soit bloqué dans ce cycle infernal. Je trouve ça encore plus terrible.
C'est bien parce que dans nos société occidentales nous considérons la mort comme un terme, une fin que nous sommes moins touché par la souffrance animale. Si nous la pensions comme cyclique nous serions plus touché. Surtout si l'on pense que l'on peut régresser dans les cycles et embrasser la condition animale. Bien sûr j'ignore ce qu'il en est réellement je me place donc d'un point de vue pragmatique.
3°) Le Dharma signifie beaucoup de choses : « doctrine », « loi », « ordre cosmique » (pour les hindouistes). Personnellement, je préfère la traduction de « Voie » qui implique le chemin pour se libérer. Dans un sens mystique, on peut traduire effectivement Dharma par « réalité telle qu'elle est ». Dans sa traduction du Soûtra de l'Enseignement de Vimalakirti, Patrick Carré traduit Dharma par « le Réel ». Je veux bien, mais avec ce genre de traduction, on arrive très vite à des positions très dogmatiques où sa conception personnelle du Dharma devient « la réalité telle qu'elle est » ou « le Réel », et où tous ceux qui ne pensent pas comme nous sont des imbéciles. Je trouve plus prudent de la traduction de « Voie », car on indique par là qu'il y a tout un cheminement à traverser pour parvenir à vipashyâna, la vision profonde et silencieuse de la réalité telle qu'elle est.
RépondreSupprimer4°) Du coup, c'est le Noble Octuple Sentier que je prône comme Voie à suivre pour se libérer de l'emprise de la souffrance sur nos existences...
5°) J'avais déjà écris un texte à propos de l'idée que les rituels ne semblaient pas essentiels, notamment les rituels qui accompagnent le zazen dans les dojos Zen. Évidemment, il y a là une esthétique qui peut placer ceux qui y sont sensibles dans de bonnes dispositions pour la pratique de la méditation. Cela peut symbolique faciliter le passage à l'espace sacré qu'est celui de la méditation. Par ailleurs, au niveau collectif, cela permet de donner un rythme à la pratique collective de la méditation. Donc je ne rejette pas ces rituels, je ne les condamne pas du tout, seulement je n'en ai pas besoin. Je me bornerai aussi à remarquer que ces rituels n'existent pas dans le bouddhisme originel où le Bouddha décrit la méditation comme le simple acte de se retirer dans un lieu calme (un parc ou sous un arbre) et de prêter attention au corps, aux sensations, à l'esprit et aux objets de l'esprit.
"Je veux bien, mais avec ce genre de traduction, on arrive très vite à des positions très dogmatiques où sa conception personnelle du Dharma devient « la réalité telle qu'elle est » ou « le Réel », et où tous ceux qui ne pensent pas comme nous sont des imbéciles. "
SupprimerA partir du moment que je sais que ce n'est que ma "conception personnelle du Dharma" je ne peux en faire un dogme.
Quelqu'un me disait sur un forum que Bouddha Shakyamouni a enseigné pour 84.000 types d'êtres, ainsi il serait difficile de détacher une vérité absolue, commune à tous les pratiquants du dharma.
Par conséquent il faut s'éveiller soi-même pour avoir une compréhension juste du Dharma. Et comme je n'ai pas la prétention d'être un bouddha je ne peut prétendre détenir la moindre vérité sur le Dharma.
Mais je maintiens que le Bouddha a dit qu'il n'apportait pas une 57éme vision du monde. Il y a donc une différence nette entre le Dharma et la philosophie. Et le Dharma est beaucoup plus dogmatique que ne l'est la philosophie. Pour la plupart des philosophe la vérité est un horizon qui s'il est parfois atteignable est toujours révisable.
Je trouve curieux de traduire Dharma par Voie. La voie est infinie au sens ou la pratique est infinie mais si la réalisation ne coïncide pas avec le Dharma, le réel, elle perd tout son intérêt.
Même si je suis sensible à l'esthétique des rituels, la dimension esthétique est pour moi la dernière des dimensions de ceux-ci. J'y vois davantage une pratique de l'attention pour ceux qui les font. Ils ont pour moi beaucoup plus une fonction pratique. Par exemple à la gendro il y a la grande cloche qui se trouve à l'extérieure qui sonne toute les 2 minutes 30 au début du premier zazen. Je trouve que ça empêche de se maintenir dans les pensées, c'est limite perturbant quand on n'y est pas habitué. J'ai encore du mal avec certains rituels comme offrir de l'encens au bouddha mais j'imagine que c'est pour inciter l'esprit à être dans une attitude de gratitude. Bref je pense que les rituels ne sont pas le fruit du hasard et qu'ils ont leur raison d'être même si celle-ci nous échappe.
J'entends bien qu'on peut méditer tout seul dans son coin mais pour y être personnellement très sensible je trouverais dommage par exemple de se passer de l'usage du Kyosaku qui a pour effet de sacrément dynamiser la pratique. Certes ça m'étonnerait que le bouddha utilisait un kyosaku... Pour moi l'argument du bouddhisme originel ne porte pas parce que nous n'avons aucun texte qui date authentiquement de la période du bouddha. De plus j'ai toutes les raisons de penser que les textes de ma traditions sont les plus tardifs et sont loin d'être authentique.
Dogen dit que même si ces textes ne sont pas authentique à partir du moment où un patriarche l'utilise il devient authentique.
Par opposition le bouddhisme Theravada me semble beaucoup plus proche du bouddhisme originel mais les développement du Mahayana me semblent tellement corriger des lacunes de ce bouddhisme originel que je me vois mal opter pour le Theravada sous prétexte qu'il est plus originel.
Le texte en question s'appelle "Simplement s'asseoir" : http://lerefletdelalune.blogspot.be/2016/09/simplement-sasseoir.html
RépondreSupprimer6°) En effet, Dôgen a écrit un texte peu connu intitulé « Raihai tokuzui » (Obtenir la moelle en vénérant). Dans la deuxième partie, il y dit notamment : « Quel serait le tort des femmes ; quel serait le mérite des hommes ? Parmi les mauvais, il y a également des hommes ; parmi les bons, il y a également des femmes. Le désir d'entendre la Loi et de se mettre à l'écart de ce monde ne dépend nullement de la distinction entre hommes et femmes. Quand on n'est pas encore libéré des passions, on ne l'est pas, que l'on soit homme ou femme. Quand on en est libéré, attestant le principe (de l'Éveillé), il n'y a aucune distinction entre hommes et femmes ».
Dans le bouddhisme tibétain, Târâ (qui incarne la bouddhéité au féminin) a fait une prière similaire quand elle était une bodhisattva « Ici, point d’homme ni de femme, pas de soi, pas de personne, pas de conscience. Les étiquettes de « masculin » et de « féminin » n’ont pas d’essence, mais trompe le monde à l’esprit perverti ». Puis elle formule ce vœu : « Nombreux sont ceux qui aspirent à l’Eveil dans un corps d’homme, mais aucun n’œuvre au bien des êtres animés dans un corps féminin. Aussi, jusqu’à ce que le samsâra soit vide, j’accomplirai le bien des êtres dans un corps de femme » ?
Cela est très intéressant, mais il ne faut pas perdre de vue que la deuxième partie du « Raihai tokuzui » a été considérée comme un texte mineur dans la tradition Zen Sôtô. Yoko Orimo explique dans un article sur ce texte que sur les huit compilations historiques du Shôbôgenzô, il y en a que deux qui ont retenu la deuxième partie du « Raihai tokuzui » dans lequel on peut lire le passage très clair, très net que je viens de citer. Dans l'atmosphère très militariste et très hiérarchisée des monastères Zen, il me semble que ces accents féministes chez Dôgen soient très vite passés à la trappe. Et il suffit de voir les débats houleux sur l'ordination des femmes dans l'Asie bouddhiste pour voir que la machisme reste très présent, machisme qui nuit manifestement à la propagation du Dharma.
7°) Sur la question du suicide, je reviendrai dans un prochain article sur le Reflet de la Lune.
Frédéric
J'entends bien mais en tant qu'occidental j'estime que je n'ai pas à juger ce qui se passe en Asie ce qui me semble relever davantage de la sphère culturelle que de la tradition bouddhiste. Le machisme Japonais m'échappe totalement. En revanche je peux me positionner et militer de l'intérieur pour ce qui se passe dans le Dojo où je vais. Ce qui peut à terme avoir des répercussions au niveau français et européen. Et comme nous sommes connecté à la Sotoshu on peut penser que ça peut remonter plus haut.
SupprimerDe la même manière l'engagement social n'a jamais été très fort historiquement dans le bouddhisme (il n'a jamais été nul non plus mais moins fort que dans le christianisme) mais une fois mis en concurrence avec le christianisme, l'engagement social s'est également développé dans le bouddhisme. C'est un effet de l'engagement des occidentaux dans le bouddhisme qui a pour effet une accentuation de l'engagement social dans les autres pays bouddhistes. Il n'est pas impossible que cela joue également en faveur du féminisme.
J'ajoute que le zen qui s'est implanté en France sous l'impulsion de Taisen Deshimaru est comme il l'a dit lui même le zen de Dogen. J'ai remarqué qu'à l'intérieur de l'Azi le courant féministe me semble très fort même s'il y a moins de maître femme que de maître homme. Je connais une personne qui souhaite se faire ordonner par l'une de ces femmes qui est considéré comme un maître.
Il faut reconnaitre aussi que le zen attire moins de femmes que d'hommes parce qu'il est souvent considéré comme plus austère que le bouddhisme tibétain.
Par rapport au premier commentaire de Degun :
RépondreSupprimerSi les renaissances sont un fait, alors ce n'est pas du tout un soulagement. C'est l'éternel recommencement des mêmes souffrances. Autant chercher à se libérer de ce cycle infernal par la pratique du Dharma.
Si les renaissances ne sont pas un fait vérifié, s'il n'y a rien après la mort, il faut voir qu'une infinité d'autres êtres vont devoir passer à travers les tourments d'une vie difficile et pénible. Autant pratiquer aussi le Dharma pour préparer un monde meilleur et plus apaisé pour ces êtres sensibles qui viendront peupler le monde après nous.
Donc la conclusion est : quelles soient nos conceptions métaphysiques sur l'après de la mort, pratiquons le Dharma pour apporter du bonheur à nous-mêmes et au monde.
Ok, merci. Tu rejoins donc bien ce que je disais sur les renaissances, c'est une calamité et non une chance ces renaissances, autant s'en libérer dès que possible puisque cela semble possible.
RépondreSupprimerPar contre, je ne vois toujours pas bien comment sans le samsara compris comme cycle infernal de renaissances, on chercherait à se libérer de quoi que ce soit dans cette vie. Au mieux, on peut chercher à oeuvrer à son propre bonheur et à celui des gens comme tu le dis justement, mais pourquoi irait-on pratiquer Lhaktong/Vipassana par exemple ? Il suffirait éventuellement de pratiquer dans un but mondain, façon d́éveloppement personnel, chiné/samatha (ou simplement la relaxation ou toute autre technique de bien-être) ou de s'engager à plein pour une multitude de causes dans l'optique de changer le monde sans se "changer" soi comme cela se passe d'ailleurs ordinairement, non ? Si je suis bel et bien engagé dans des causes de ce monde pour ma part, c'est toujours avec l'idée que c'est utile mais seulement à la marge finalement, l'essentiel étant ailleurs. Il y a donc bien quelque chose qui m'échappe dans le fait que quelqu'un puisse s'engager dans le dharma, quand bien même dans un dharma dépouillé de religiosité, sans l'idée de libération car finalement, c'est ça, il n'y a pas de libération de quoi que ce soit s'il n'y a pas de roue des existences, juste éventuellement une vague recherche de bonheur, altruiste ou non. Enfin, voilà, qu'est-ce qui motiverait vraiment quelqu'un à s'engager dans le dharma sans la croyance dans le cycle infernal des renaissances ? En fait, en quoi le Dharma dans toutes ses dimensions pourrait-il vraiment être d'une grande aide pour une vie unique ? J'entends bien qu'il puisse être une aide précieuse pour soi et même et pour les autres du coup, par certains aspects, mais il y manquerait quand même ce quelque chose de fondamental à mon sens qu'est la libération. Enfin, je dois dire que je ne crois pas en ce monde, encore moins au monde humain, il pourrait être moins pire (la société humaine j'entends) et je fais ce que je peux de manière mondaine pour qu'il le soit, mais fondamentalement, je ne crois pas en une quelconque possibilité d'amélioration radicale de ce monde, à mon sens, mieux vaudrait rien plutôt que ce monde d'ailleurs, il y en aura toujours pour défendre leurs intérêts mesquins au détriment d'autres, je n'ai guère d'illusions, mon idéal serait bel et bien d'être en dehors de la société, de ne pas prendre part à la société façon ermite (même si ce n'est pas ce que je fais mais c'est que je n'en ai pas le courage ni sans doute la possibilité notamment à cause de ma santé), voire mieux, en dehors du monde mais ça, c'est pas possible sans libération et encore, je n'y crois pas au sein de la vie terrestre, seulement à son issue.
C'est effectivement toujours triste quand certaines personnes se disent : « Ouf ! Maintenant que je crois à la réincarnation, me voilà sauvé de ce grand néant auquel m'avait promis l'athéisme et le matérialisme ! ». La réincarnation n'est pas une chance, mais bien un cauchemar. Être condamné à toujours revivre les mêmes souffrances au fil des existences. Voilà pourquoi il faut le plus vite possible s'en libérer selon le Bouddha. S'éveiller de ce cauchemar de la roue des existences.
RépondreSupprimerCeci étant dit, il n'y a aucune contradiction à pratiquer vipashyanâ (lhaktong en tibétain), même si on ne croit pas à la succession des renaissances. Vipashyanâ est la vision profonde des phénomènes tels qu'ils. Voir notamment que les phénomènes sont impermanents, emplis de souffrance, vides d'une existence propre. On n'a pas besoin de telle ou telle croyance pour se mettre à regarder au fond des choses. Dans cette vie-ci, il y a un enchevêtrement de causes et de conditions qui nous lient à la souffrance. Vipashyanâ (lhaktong) consiste à voir cet enchevêtrement pour pouvoir s'en libérer. Il n'y a pas de raison de se cantonner uniquement à shiné. Shiné apporte un bien-être qui n'est pas négligeable, loin s'en faut, mais shiné reste quelque chose de relatif et de temporaire. Vipashyanâ perce le voile d'illusion qui recouvre le monde. La béatitude de vipashyanâ a une portée infiniment plus précieuse. Pourquoi s'en priver ?
Tu poses la question : « en quoi le Dharma dans toutes ses dimensions pourrait-il vraiment être d'une grande aide pour une vie unique ? ». Je suis d'avis que la libération ne peut se produire que dans cette vie-ci. Je parle de la libération des conditionnements de la souffrance, mais cela vaut aussi pour la libération du cycle des renaissances. Dans cette vie, on peut bien sûr être gentil pour avoir un bon karma et avoir une bonne situation dans une vie ultérieure. Mais ce n'est qu'agir pour avoir un meilleur samsâra. Pour se libérer, il faut observer minutieusement ce qui se passe dans l'instant présent. L'esprit se libère quand il est pleinement présent dans le moment présent. Le présent est le seul lieu de sortie du samsâra. Quand on cherche la libération, on est toujours face à une vie unique, celle que nous vivons ici et maintenant. C'est cela la grande aide du Dharma.
D'accord, je comprends mieux ce que tu veux dire, particulièrement quand tu dis "Le présent est le seul lieu de sortie du samsâra", ça se défend en effet, vu et dit comme ça, cela semble même très lucide :), et roue des existences ou pas, l'éveil est en effet accessible dans l'instant, j'oppose sans doute le plein éveil que je pense accessible au moment de la mort seulement à l'éveil (ou aux éveils) plus relatif(s) accessible(s) au cours de la vie physique, si j'en crois certains enseignements que j'ai entendus bien que certaines choses me paraissent très floues à ce sujet, idem d'ailleurs en ce qui concerne la différence entre boddhisatvas (qui renonceraient au plein éveil pour pouvoir continuer d'aider les êtres) et bouddhas (pleinement éveillés, seraient-ils alors moins capables d'aide ?), et puis aussi la notion de terres d'éveil (que je comprends comme des degrés d'éveil, ce qui me parait un peu étrange relativement à d'autres choses que j'ai aussi entendues), enfin, tout ça me semble flou mais je ne me prends pas non plus la tête avec ça, disons que j'en garde néanmoins cette idée d'un plein éveil accessible seulement au moment de la mort, ce qui n'empêche en rien, au contraire même, de cultiver la vision pénétrante pour s'éveiller à chaque instant de cette vie.
RépondreSupprimerEn relisant ce que tu écris, Degun, j'allais faire la même remarque. Disons que je vais accentuer le trait.
RépondreSupprimer"ce monde ne peut décemment être le fruit d'un principe bienveillant". C'est la grande idée des gnostiques mais je ne comprends pas pourquoi souvent on fait un lien avec le Bouddhisme. Pour moi, mais peut-être que je me trompe, cette idée n'appartient pas au bouddhisme.
Sans prétendre avoir une compréhension juste du Dharma, il me semble que la réalité échappe à tout jugement de valeur.
D'un côté je suis d'accord pour dire qu'il faut bien sur reconnaitre la première noble vérité comme une vérité pour trouver la motivation suffisante pour vouloir sortir du samasara.
D'un autre, la voie qui permet de sortir du samasara passe par l'acceptation de la réalité telle qu'elle est. Elle me semble indissociable de la joie. Il me semble que tout ceux qui se sont approché de l'éveil ont le plus souvent considéré le réel comme merveilleux. Ceci ne contredit pas l'idée que la réalité échappe à tout jugement de valeur. Je constate seulement que les illuminés de tous poils, sont rarement bougons.
L'attitude qui consiste à vouloir sortie à tout prix du samsara ne me semble pas non plus la meilleure puisque ce qui génère la vie suivante c'est la soif lié à l'insatisfaction. Vouloir sortir du samsara c'est encore vouloir. A mon avis pour sortir du samsara il faut arrêter de vouloir. Il faut nécessairement assumer le samsara. Je doute du plein éveil au moment de la mort de quelqu'un qui n'aurait pas assumé le samsara pendant sa vie. C'est ce qui fait que le bouddhisme n'est pas nihiliste. A mon avis le bouddhisme ne préfère pas le néant à la vie. Il valorise tout autant la vie. A mon avis toujours, le fait de vouloir sortir du monde repose sur une incompréhension du bouddhisme. La vié érémitique dans le bouddhisme n'a de sens que temporaire dans une alternance avec la vie dans le monde.
Comme le dit Eric Rommeluère : "Le dharma n’invite nullement à se soustraire du monde et de ses contingences, mais à se dégager des fonctionnements névrotiques qui nous endommagent, les compulsions, les illusions, les frustrations"
L'attitude du Bodhisattva qui plonge à chaque fois de son plein gré me semble la meilleure attitude déjà parce qu'elle ne place pas le salut personnel au sommet (ce qui me semble farouchement égoïste) et ensuite parce qu'elle reste équanime par rapport au samsara.
Il me semble que ce ne sont que les Bodhisattva qui peuvent nous venir en aide, pas les bouddhas.
Oups je voulais ajouter que les bouddhas ont montré la voie. S'il n'y avait que des Bodhisattva et pas de bouddha on ne pourrait prétendre sortir du samsara. Dans les sutras du Mahayana, les bouddhas ne sortent du samsara que de manière temporaire, ils sont susceptibles de revenir.
SupprimerSb, tous les courants du bouddhisme ne disent pas ce que tu dis en termes de non dualisme, il y a des courants relativement dualistes et je m'en sens par moments plus proches. A vrai dire, quand on est pas confronté à une grande souffrance, il est facile de trouver que la vie belle mais non, je ne crois pas que le samsara ou le monde soit beau et doivent échapper aux jugements de valeur, je crois même avoir entendu dire qu'il fallait en être dégouté pour réellement se mettre à méditer. Je dois pas encore en être assez dégoûté ou alors, plus sûrement, je n'ai pas assez d'énergie pour m'en éveiller et c'est probable à vrai dire. Quant à la retraite dans le désert ou ailleurs, c'est tout autant la vie que la pseudo vie moderne ou pas d'ailleurs, c'est même à mon sens plus une vie bien plus pleine et juste que les fadaises de la société de masse, peut-être la seule vie qui me conviendrait si n'était la maladie, ce n'est pas une extraction, c'est plutôt une plongée à mon sens, se défaire des vagues de surface.
RépondreSupprimerOui oui je suis d'accord. Je parle à partir de ma tradition mais justement je trouve difficile de ne pas voir la critique du bouddhisme ancien dans le bouddhisme mahayana. Mais en même temps je relativise cette critique. Je ne ressens personnellement aucune condescendance par rapport à ceux qui pratiquent dans le Theravada avec tous ces interdits et qui par de nombreux aspects est beaucoup plus ascétique et beaucoup plus difficile. Je ne peux donc qu'être admiratif. Je ne pense donc absolument pas que le "grand véhicule" soit supérieur au "petit". Ce n'est pas mon propos.
SupprimerMais justement comme tous les courants ne disent pas la même chose on est bien obliger de choisir et il semble naturel de choisir celui dont on est le plus proche. Il est clair que ma proximité avec le mahayana tient beaucoup à ma lecture de Kant et de Levinas.
"A vrai dire, quand on est pas confronté à une grande souffrance, il est facile de trouver que la vie belle mais non, je ne crois pas que le samsara ou le monde soit beau et doivent échapper aux jugements de valeur, je crois même avoir entendu dire qu'il fallait en être dégouté pour réellement se mettre à méditer."
Je te conseille la lecture d'Eckart Tolle que personnellement je trouve assez trivial (il me semble avoir compris tout ce qu'il dit) mais son expérience explique bien le profond dégout qu'il a ressenti pour le monde avec pour conséquence une forme d'éveil qui fait que maintenant il est émerveillé par le monde tout en continuant à en voir les aspects négatifs.
Je ne sais pourquoi mais pour moi c'est trivial, c'est l'évidence même. Oui la vie est souffrance mais une fois que l'on va au fond de la souffrance il y a toujours de la souffrance sauf qu'on ne la vit plus de la même manière. Il y a de la souffrance mais plus personne pour s'identifier à elle. C'est un gros poids en moins.
La retraite dans le désert, la sortie hors du monde peut être une bonne chose qui permet d'aller au fond des choses. Une grande part de nos névroses sont liées au monde absurde dans lequel on vit. Donc oui je suis d'accord. Mais il n'est peut-être pas indispensable d'aller dans le désert pour s'en rendre compte. 10 jours de vipassana ou une sesshin zen peuvent faire l'affaire.
Ai-je besoin d'ajouter que de toutes façons on ne peut s'éveiller au sein d'une vie confortable et bien réglée. Il fallait nécessairement que Siddhartha quitte son palais, ses serviteurs, ses femmes et ses enfants?
SupprimerLe passage par la souffrance est incontournable mais doit être aussi dépassé.
Je voulais préciser que je continue de pouvoir m'émerveiller de la vie et du monde, j'ai coutume de dire que la vie ou le monde est d'une horrible beauté (la beaut́ du diable peut-être ?). En fait, je la/le trouve beau en surface mais à y regarder de plus près, c'est immonde, rien que le principe de prédation, c'est l'enfer sur Terre, en tous cas, c'est la souffrance à chaque instant. Mais heureusement, je n'ai pas perdu ma capacité d'émerveillement, sinon, cela ferait longtemps que ce serait plié.
SupprimerEt quand au salut personnel, désolé, mais ce n'est nullement condamnable, c'est ce que visent les arhats et on ne saurait les condamner, c'est déjà beaucoup et ils évitent de contribuer aux malheurs de ce monde. Certes, j'aimerais sauver tous les êtres de ce monde mais je n'en ai pas la capacité et je n'ai pas le culte du martyr, me sauver, c'est déjà bien, condamner quelqu'un parce qu'il cherche à se sauver sans nuire à personne m'est incompréhensible, c'est parfaitement légitime. Quant aux boddhisatvas qui seraient plus à même d'aider les autres, j'ai justement un gros doute, cette histoire m'a toujours échappé, je subodore au contraire d'après quelques enseignements reçus que les bouddhas sont mille fois plus aptes à aider autrui mais bon, tout ça est spéculatif.
RépondreSupprimerJe suis beaucoup moins critique à l'égard des arhats qu'à l'égard des évangélistes américains qui débarquent dans les pays asiatiques avec des millions de dollars qui leur permettent de pratiquer la charité dans des conditions déloyale avec les bouddhistes, construisent des écoles, des hopitaux mais demandent implicitement en échange d'abandonner les croyances locales au profit du christianisme. La conséquence c'est la destruction totale des cultures locales.
SupprimerDonc oui, les arhats évitent de contribuer aux malheurs du monde. Je suis bien d'accord et ce n'est pas ce que je condamne.
Il n'est pas question de comdamner "quelqu'un parce qu'il cherche à se sauver sans nuire à personne" mais de comdamner le discours qui viserait à promouvoir le salut personnel sans se soucier du salut des autres.
De toute façons une fois éveillé, il n'y a plus de différence entre soi et les autres. On ne fait pas zazen pour soi mais pour s'harmoniser avec l'ordre cosmique et avec les autres, et donc pour que tout le monde s'éveille en même temps que soi. Aider les autres revient à s'aider soi-même.
Dogen ne mâche pas ses mots "Mâra pâpimant, le roi des diables du ciel, se métamorphose en éveillé (...) il vient s'approcher de l'être d'éveil pour l'influencer en disant avec malice "la voie de l'Eveillé est longue et lointaine. Tant d'épreuve t'y attendent. C'est le sort le plus pitoyable de tous. Le mieux est de se libérer d'abord soi-même du cycle des naissances et des morts, puis de passer les êtres à l'autre rive" En entendant ces mots, le pratiquant de la Voie recule dans le cœur de l’Éveil et il recule dans la pratique de l'être d’Éveil. Sachez-le justement un tel discours n'est autre qu'un discours du diable" Déploiement du cœur de l’Éveil. [Hotsu-bodaishin] Shobogenzo Tome 8
C'est clairement le discours qui est visé.
Pour Levinas l’éthique c'est simplement faire passer l'autre avant soi (ce qui est asymétrique - on ne peut exiger ni même souhaiter que l'autre fasse de même)
Pour être morale une action doit faire passer le devoir avant l’intérêt personnel.
On peut critiquer Kant comme le fait Mathieu Ricard en montrant que l'altruisme (bien compris) va dans le même sens que l'intérêt personnel (bien compris) mais en aucun cas l'intérêt personnel ne peut prévaloir sur le devoir (compris comme faisant passer l'humanité avant soi-même)
Cela reste spéculatif, en définitive, on en sait rien, c'est juste une question d'idéal et de vue. S'il n'y a pas de dualité moi/les autres, peu importe qui l'on fait passer en premier, aider les autres, c'est s'aider soi, mais s'aider soi, c'est aussi aider les autres, en tous cas au moins se permettre de leur apporter une meilleure aide, bref, tous les textes ne disent pas la même chose et finalement, chacun pratique comme il peut, du petit au grand véhicule et je ne crois pas qu'il y ait d'absolu en la matière, quand bien même ce que Dogen en dise. Mais enfin, je crois qu'on a trop vite fait de passer l'idéal du boddhisatva au filtre de notre culture judéo-chrétienne l'assimilant au martyr et au culte du martyr dans lequel il s'agit d'une histoire d'abnégation qui consiste à s'ignorer, ignorer ses besoins, auquel cas il devient en fait impossible d'aider les autres dans la mesure où on est même pas capable de s'aider soi-même, c'est justement l'écueil que le bouddhisme m'a toujours paru éviter.
Supprimer"tous les textes ne disent pas la même chose"
SupprimerToutes les traditions (pas seulement bouddhistes) visent à faire naître la sagesse. La sagesse est universelle.
L'abnégation peut être un leurre comme chez les kamikazes japonais ou les Jihadistes. L'abnégation n'a de sens que si elle repose sur un ego sain. Par exemple chez les gens qui souffre de dépersonnalisation, l'abnégation est absurde.
"j'aimerais sauver tous les êtres de ce monde mais je n'en ai pas la capacité et je n'ai pas le culte du martyr,"
RépondreSupprimerPourquoi diable faudrait-il avoir le culte du martyr? Encore une idée qui me semble totalement étrangère au Dharma.
Les préceptes bouddhistes donnent une idée de ce qu'il ne faut pas faire et incidemment de ce qu'il faut faire mais la manière d'interpréter ces préceptes, surtout et j'ai envie de dire hélas, dans le zen, est assez souple c'est pourquoi les préceptes sont subordonnés à la sagesse "prajna" qui est censé naître de la pratique de zazen.
Là où je veux en venir c'est que même chez Levinas, l'éthique ne dit pas précisément ce qu'il faut faire. En tous cas Levinas ne dit jamais ce qu'il faut faire, il se contente de donner des description phénoménologiques de la relation éthique. Comprendre comment ça marche c'est déjà un pas en avant.
Sans être un fan d'Eckhart Tolle il l'exprime cette idée de manière évidente:
"En vous libérant de toute négativité, l'action appropriée se présentera spontanément"
Donc là où je veux en venir c'est qu'on peut être pauvre, vieux, souffrant aveugle et muet, n'avoir ni bras ni jambe et avoir le souci de l'autre. Et ce qu'il reste possible de faire dans ce genre de situation pour continuer à sauver les êtres du samsara peut consister à accepter avec bienveillance l'aide des autres, avec gratitude et si le sourire est la dernière chose qui vous reste (si vous êtes sourd muet et sans bras ni jambe) ce sera toujours ça qui peut aider à sauver un être du samsara. Par votre sourire et donc votre gratitude vous pouvez éveiller en l'autre la graine de bouddha qui sommeille en lui. Ce ne sont pas nécessairement des actions grandiloquentes qui permettent de sauver les êtres.
Si les moines sont censé vivre d’aumônes et de charité c'est que le mérite au sens karmique se situe des deux côtés.
Par conséquent, si on arrive à faire naître la sagesse en nous-même nous avons tous la capacité de sauver tous les êtres.
L’éthique n'implique pas nécessairement de partir faire de l'humanitaire à l'autre bout de la planète mais ça commence par être attentif au monde qui nous entoure.
Ma plus grande motivation en ce sens, ce serait d'aider sans discrimination, autant que possible, les animaux (autres qu'humains j'entends) c'est partiel et même partial mais s'il y a une chose qui me permettrait de dépasser mes souffrances, ce serait ça, non que la souffrance humaine ne me touche pas mais que celle des animaux m'a toujours été plus proche, la sentant plus prégnante, éprouvant quelque chose de l'ordre d'une compassion équanime envers la condition animale, alors que cela reste beaucoup plus conditionnel pour les humains. Enfin, je m'efforce autant que faire se peut de cultiver aussi la compassion envers les humains sans discrimination mais je dois dire que j'ai beaucoup plus de mal.
SupprimerC'est la critique que je fais à Levinas à la lumière de ma lecture de Dogen et de M. Ricard. L'ethique ne se limite pas au visage de l'autre homme.
SupprimerPour ma part je pense qu'à partir où on n'a pas de trop hautes ambitions (de super héros) on peut aider de manière inconditionnelle aussi bien les humains que les animaux que tout ce qui se présente à nous.
En espérant que Bai Wenshu ne m'en veuille pas si j'en rajoute une couche.
RépondreSupprimer"Cela reste spéculatif"
Oui mais il suffit d'écouter ceux qui nous semblent avoir atteint la plus haute sagesse pour nous apercevoir que le plus souvent la sagesse n'est souvent rien d'autre que du bon sens.
J'aimerais préciser que je ne condamne pas le fait de chercher son propre salut mais je constate pour en avoir rencontré, des gens qui pratiquent dans le bouddhisme tibétain plus précisément le Dzogchen.
Je ne vais essayer de ne pas être médisant mais certains m'ont semblé obnubilé par l'idée de produire un corps d'arc-en-ciel. Certains pratiquent depuis de nombreuses années et ont développé une grande érudition. Souvent ils pratiquent avec des lamas d'origine tibétaine qui, on peut le supposer, ont de bonnes connaissances des pratiques qui permettent de purifier les canaux subtils et de faire circuler les énergies. Bref jusque là tout va bien. Le problème c'est lorsque des néophytes dans mon genre posent des questions, les réponses m'ont semblé parfois dénué de bienveillance. Là où ça se complique c'est quand ces mêmes personnes pensent ou disent être arrivés à tel ou tel niveau de pratique. Bref il faudrait être aveugle pour ne pas voir de la présomption ou de l'arrogance dans ces auto-évaluations mais c'est parfois pire quand l'évaluation émane d'un maître reconnu. Évidemment moi ça ne me dérange pas, les gens font ce qu'ils veulent. Je me fais seulement la réflexion que je n'aimerais pas m'illusionner sur ma pratique.
Bien sûr je spécule mais nous spéculons tous. Et Dogen dans le tome 8 du Shobogenzo reprend une histoire raconté par Nagarjuna :
"Le quatorzième patriarche Nâgârjuna dit: " Parmi les disciples de l’Éveillé, il y avait un moine qui, ayant atteint le quatrième stade de méditation, était gonflé d'orgueil et croyait avoir obtenu les quatre fruits" (...) Étant fier et plein d'autosatisfaction, il ne cherchait plus à progresser davantage. Quand sa vie allait toucher à sa fin, il vit apparaître l'existence intermédiaire avec l'aspect du quatrième stade de méditation. Il produisit alors une vue tordue, s'imaginant que le Nirvana n'existait pas et que l’Éveillé l'avait trahi. Dû à cette mauvaise vue tordue, il perdit le quatrième stade de méditation dans son existence intermédiaire et vit apparaître l'aspect de l'enfer des souffrances sans intermittence. Quand sa vie prit fin, il naquit aussitôt dans cet enfer."
Le moine ayant atteint le quatrième stade de méditation [Shizen-biku] - Shôbôgenzô, la vraie Loi, Trésor de l'Oeil - Tome 8
Je souhaite à tout ces gens qui pratiquent dans le Dzogchen d'atteindre le plus haut stade de réalisation. Je ne les condamne pas mais à leur place je me méfierais de ne pas développer une sorte d'arrogance spirituelle. Certains semblent certains de sortir du courant mais, après un tel investissement, si ce n'est pas le cas la chute risque d'être douloureuse.
RépondreSupprimerInversement dans le cas du bodhisattva même si l'enfer se présente à lui, il y voit une occasion d'approfondir encore son éveil. Dans la mesure ou le nirvana est subordonné à la compassion/altruisme/éthique quelque soit ce qui se présente au boddhisattva y compris la sortie du courant c'est une bonne chose.
Bien sûr cela reste spéculatif et je me garderais bien de spéculer sur mon attitude au moment de ma mort. En attendant il me semble que c'est du bon sens.
Inversement je veux bien admettre que je me trompe et qu'après la vie il y a le paradis et l'enfer mais je doute que l'on puisse atteindre la paradis en se faisant sauter à la manière des jihadistes c'est à dire en tuant d'autres gens.
Cela implique que la sagesse est rationnelle et on m'objectera certainement que dans toutes les traditions ce n'est pas le cas. J'en conclus que toutes les traditions ne se valent pas mais je n'en conclus pas pour autant que celle que j'ai choisie est nécessairement supérieure aux autres. Je ne peux que spéculer et je dois admettre que d'un point de vue rationnelle toute spéculation est nécessairement faillible.
Cher Monsieur,
RépondreSupprimerVotre article entretient une confusion qu'il est bon de dissiper.
Le Bouddha a montré aux hommes de son temps comment atteindre le Nirvana. Il n'a pas professé une nouvelle doctrine mais a toujours bien rappelé qu'il ne faisait que montrer le chemin des Anciens.
Lorsque le Nirvana est atteint, il n'y a plus absolument plus aucune limitation qui tienne. Et lorsque l'on parle de souffrance dans le Boudhisme c'est dans le sens d'une limitation, et non simplement dans un sens émotionnel et moral. La souffrance, ainsi entendu, n'est pas nécessairement relative à notre état actuel en tant qu'individus et après notre mort physique nous connaîtrons d'autres types de souffrances avant d'atteindre le Nirvana. Néanmoins, ces souffrances ne seront plus celles auxquels nous sommes maintenant soumis en tant qu'individus, ce ne seront que des limitations de notre état d'existence jusqu'à ce que nous retournions au Principe et que nous atteignons le Nirvana.
Lorque l'on parle du "cycle des existences" dans le Boudhisme, on ne parle pas simplement d'une suite de vies humaines, mais de divers états d'existence qui ne sont pas nécessairement individuels. Cependant, il faut aussi préciser que jamais nous ne pouvons passer par le même état d'existence et en ce sens la réincarnation est une erreur.
On pourra lire la mise au point de Thich Nhat Hanh à ce propos qui est authentiquement un moine boudhiste : https://villagedespruniers.net/au-sujet/thich-nhat-hanh/les-bouddhistes-croient-ils-en-la-reincarnation/
On pourra aussi lire sur ce point le livre d'Ananda Coomaraswamy Hindousme et Boudhisme, qui précise justement l'unité qu'il y a entre les traditions hindouiste et boudhiste sur ce point et sur bien d'autres.
Bien à vous,
C
RépondreSupprimerCher Confucius,
Quand le Bouddha parle d'enseigner une Voie déjà ancienne, il ne parle pas de l'hindouisme comme vous avez l'air de souligner avec votre approbation des thèses douteuses de Coomaraswami qui identifie l'hindouisme et le bouddhisme (ce qui est un non-sens total). Quand il parle de Voie ancienne, il veut dire que cette Voie a déjà été enseignée dans un passé prodigieusement ancien par d'autres Bouddhas et cette doctrine est aussi enseignée dans des mondes prodigieusement lointains.
Vous parlez de confusion dans mon texte, mais vous vous gardez bien de dire ce qui est confus. Par ailleurs, votre vision des réincarnations n'est absolument pas en accord avec la vision bouddhiste : vous dites par exemple qu'on ne peut revenir dans un même état, mais c'est complètement faux. Vous pouvez renaître plusieurs fois en tant qu'être humain avec la même profession et le même statut sociale, tout comme vous pouvez renaître plusieurs fois en tant que pingouin.
Quant au texte de Thich Nhat Hanh, je n'ai rien à redire dessus, dans la mesure où ce texte essaye de revenir à une conception correcte de la renaissance selon la philosophie bouddhiste. Ce qui va à l'encontre de l'idée d'une âme éternelle ou d'un Soi éternel qui reviendrait dans différents corps (comme c'est le cas dans l'hindouisme par exemple). Thich Nhat Hanh explique ainsi :
« D’abord il se peut que nous croyions que la réincarnation correspond à l’idée que l’âme entre dans le corps. Nous pouvons dire que l’âme est permanente et le corps impermanent. Lorsque nous nous débarrassons d’un corps nous pouvons entrer à nouveau dans un autre corps. L’immortalité de l’âme et l’impermanence du corps, c’est peut-être une première notion de réincarnation. Il se peut que nous commencions comme cela et que nous nous appelions bouddhistes, c’est accepté pour un débutant. Mais si vous continuez à être un bouddhiste vous devez pratiquer plus et l’idée de l’immortalité de l’âme doit faire place à une autre idée plus proche de la réalité ».
Thich Nhat Hanh fait ensuite une distinction entre un bouddhisme des masses où on croit à la migration de l'âme éternelle dans différents corps, et un bouddhisme profond où l'on réalise que le Soi est une entité impermanente, vide d'une existence propre et conditionnée par la souffrance.
Dans mon texte, je me pose une question différente : est-ce que la croyance dans la réincarnation (ou phénomène des renaissance, si l'on veut être plus précis et aller dans le sens du bouddhisme profond) est absolument nécessaire pour pratiquer le Dharma ? Ma position qui est controversée est que non, on peut pratiquer le Dharma sans avoir cette croyance. Par contre, on ne peut pas réellement pratiquer le Dharma véritable sans faire l'effort de comprendre cette impermanence, cette vacuité d'existence propre et la présence de la souffrance dans ce monde. Mon texte va donc dans le sens de Thich Nhat Hanh, même s'il est plus radical dans son questionnement. Le bouddhisme profond ne doit pas sentir obligé d'être attaché à cette croyance de la réincarnation.
Cordialement,
Frédéric Leblanc