Le
mépris des richesses était dans les philosophes un désir caché de
venger leur mérite de l'injustice de la fortune par le mépris des
mêmes biens dont elle les privait ; c'était un secret pour se
garantir de l'avilissement de la pauvreté ; c'était un chemin
détourné pour aller à la considération qu'ils ne pouvaient avoir
par les richesses.
François
de la Rochefoucauld, maxime 54 des « Réflexions ou
Sentences et maximes morales de monsieur de la Rochefoucauld »
(1678).
Vincent Van Gogh, Les souliers, 1886. |
La
pauvreté, la frugalité, la simplicité, le dénuement parfois que
se sont imposés les philosophes serait en fait une façon de
contourner le manque de richesse en en faisant une voie de salut. On
pense à Socrate qui hantait les rues d'Athènes toujours avec la
même tunique, on pense à Diogène qui vivait carrément à la rue.
On pense aussi aux ascètes, aux ordres mendiants, capucins,
franciscains. On pense aussi à Milarépa, l'ascète tibétain (que
la Rochefoucauld ne connaissait certainement pas) et aux sadhus en
Inde. On pense à Ryôkan, ce moine zen japonais, poète et
calligraphe, qui vivait une vie frugale dans les montagnes japonaises
(un siècle après La Rochefoucauld, donc là on est sûr qu'il n'en
a pas entendu parler!).
Pour
toutes ces figures, je ne sais pas. En fait, je peux même être plus
affirmatif que cela : je ne crois pas que le vœu de pauvreté
soit une façon de contourner le manque de fortune. Néanmoins, la
Rochefoucauld pointe du doigt quelque chose de vrai : le mépris
des richesses est souvent une réaction d'orgueil face à la pauvreté
ou une condition modeste qui nous est imposée. Une manière de
garder la noblesse dans la déchéance, et même une noblesse morale
qui permet d'insulter l'indécence de ceux qui réussissent par mille
coups bas et acquièrent leur fortune avec avarice aux dépens des
plus faibles. Il faut être vigilant à cela : ne pas s'imposer
une vie austère avec plein de ressentiment et de jalousie cachée
envers les personnes plus riches et cette médisance à l'encontre
des signes extérieurs de richesse qu'au fond, on aurait voulu pour
soi-même et qu'on regarde avec envie.
Personne
ne se grandit par le ressentiment et les pensées noires. Cela ne
fera que rendre notre vie plus triste, avec plein d'aigreur. Il vaut
mieux se détacher des richesses avec juste un idéal de renoncement
et de simplicité et trouver son bonheur dans le partage. Et si on
n'est pas capable de renoncer à tout et vivre comme un ascète,
qu'on en soit conscient et qu'on essaye de vivre le plus simplement
possible sans sacrifice, mais sans dépense excessive non plus. C'est
le principe de la simplicité volontaire. Privilégier les liens
humains sur les biens matériels, les voyages lointains, les
activités coûteuses et les signes ostentatoires de richesse.
Andy Richter |
Voir d'autres citations de François de la Rochefoucauld:
- Les maux présents
- S'établir dans le monde
- Les étoiles, les louanges et les blâmes
Voir également :
- Jouir d'une vie simple
- J'habite une forêt profonde
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
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