Il
faut méditer sur ce qui procure le bonheur, puisque quand on l’a,
on a tout, et lorsqu’il manque, nous faisons tout pour l’avoir.
Épicure,
Lettre à Ménécée.
Antonio Dominguez, Iris total. |
Voilà
une belle profession de foi d’Épicure dans l'eudémonisme.
Qu'est-ce que l'eudémonisme ? Ce terme désigne toute
philosophie qui privilégie le bonheur comme but suprême de
l'existence et qui envisage les moyens de parvenir à ce bonheur
stable et durable. L'épicurisme est un eudémonisme, le stoïcisme
est un eudémonisme également, même si les moyens de parvenir au
bonheur sont très différents des épicuriens. Le bouddhisme est par
excellence puisque, dans son tout premier enseignement, le Bouddha
envisage les Quatre Nobles Vérités : la souffrance, l'origine
de la souffrance, la cessation de la souffrance et le chemin qui mène
à la cessation de la souffrance. Toute la question du Dharma est de
remédier à cette souffrance qui traverse l'existence comme une
malédiction tenace, et donc en creux de trouver le bonheur que l'on
désigne par sa négation : « l'extinction de la
souffrance », le mot « extinction » se dit en
sanskrit « nirvâna ».
Pour
Épicure, quand on a le bonheur, on a tout, on expérimente la
plénitude d'être. Il faut faire attention néanmoins à la
définition du « bonheur » : certaines choses
peuvent être appelées « bonheur », comme recevoir une
grosse somme d'argent ou remporter la coupe Davis ; mais ce
n'est qu'un bonheur temporaire et imparfait, car même si on fait
l'expérience de cela, on peut toujours éprouver de la frustration
dans d'autres domaines : l'amour, les bonnes relations avec le
voisinage et les collègues, la santé, etc... C'est pourquoi le
Bouddha préfère parler d'extinction de la souffrance plutôt que de
bonheur ou de béatitude, parce que ce sont des notions qui peuvent
désigner des états relatifs et impermanents. On peut se sentir très
bien quand on pratique la méditation, planer sur son petit nuage.
C'est impressionnant certes, mais ce n'est pas le bonheur parfait,
absolu. Il y a des expériences plus profondes et plus durables à
connaître dans l'absorption méditative. Le paradoxe est d'ailleurs
qu'arrivé à un certain stade dans la méditation, on perd la notion
de bonheur, on cesse de la rechercher, de s'y attacher ou de la
désirer. On dépasse complètement la joie et le bonheur, et c'est
là un bonheur encore plus grand aux yeux du Bouddha !
Et
lorsque ce bonheur nous manque, nous dit Épicure, nous faisons tout
pour l'avoir. Enfin, la plupart du temps, ce n'est pas efficace !
On s'agite en tous sens : on cherche toujours plus d'argent, on
se bat pour de maigres bénéfices, on entre en compétition avec les
autres. Et tout cela engendre des misères, des tracas, des soucis,
et on boit pour oublier tous ces problèmes, ce qui ne fait que les
aggraver ! C'est là où les philosophies eudémonistes révèlent
leur utilité : envisager un chemin de sagesse qui facilite
l'accès à ce bonheur.
Olivia Fraser |
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