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dimanche 8 janvier 2017

Réincarnation




Réincarnation




     On me pose souvent des questions sur la réincarnation. Est-ce que je crois personnellement en la réincarnation ? Les bouddhistes croient-ils en la réincarnation ? Qu'est-ce qui se réincarne ? Comment bien se réincarner ? Etc, etc, etc... Je commence toujours par répondre que, si je n'ai aucune certitude en la matière, cela me paraît être l'explication la plausible de ce qui se passe après la mort (pour autant qu'on définisse bien de quoi on parle). Je n'ai aucune certitude en la matière, parce que je partage l'opinion du philosophe des Lumières, Emmanuel Kant, qui pensait qu'il fallait distinguer ce qui relève du domaine du savoir et de la connaissance et ce qui relève du domaine de la croyance et de la métaphysique. Pour Kant, le fait de savoir si Dieu existe ou non relève non pas d'un savoir, mais d'une croyance. On peut croire en Dieu (Kant croyait en Dieu), mais on ne peut pas prouver rationnellement son existence. L'existence de Dieu est une question de foi, pas une question de science. Pareillement, la question d'une existence après la mort est une question de croyance. Certains croient qu'on va au paradis ou en enfer pour l'éternité ; d'autres croient qu'on va poursuivre une multitude d'existence après la mort ; d'autres croient qu'il y a un grand trou noir, un néant une fois que l'électroencéphalogramme se met à dessiner une ligne complètement plate pour figurer l'inactivité de notre cerveau.











      Ce sont là des croyances, et on ne peut démontrer aucune de ces hypothèses avec les outils de la science et de la raison. Pour autant, l'hypothèse d'une transmission d'un flux à d'autres existences me semblent la plus vraisemblables. Je bornerai à dire que tout dans la Nature prend la forme d'un cycle : cycle des saisons, cycle de l'eau, cycles alimentaires, cycles de la production d'énergie dans la mitochondrie, etc... Nos existences, me semble-t-il, suivent ces cycles de naissances, de vies, de vieillesses et de morts encore et encore... Le chimiste Lavoisier disait : « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ». Et c'est de cela qu'il s'agit quand on observe que la mort est une transformation radicale de notre existence.


    Pour autant, le mot « réincarnation » me gêne. Je l'emploie parce qu'il est le terme le plus couramment usité. Ne dit-on pas souvent : « Les bouddhistes croient en la réincarnation » ? Le problème est que le terme « réincarnation » suppose une entité éternelle qui reviendrait dans la chair : ré - in - carnation, une entité éternelle qui irait d'un corps à un autre, tout comme au carnaval, je peux déguiser en pirate, puis abandonner ce costume pour revêtir les habits de Pierrot la Lune, puis me travestir en policier ou en Zorro... Pour être tout-à-fait correct, il conviendrait plutôt de parler de phénomènes des renaissances ou de transmigration, s'agissant de la philosophie bouddhique. Le Bouddha ne pensait pas qu'une entité éternelle, l'âme, courait de corps en corps, comme dans la croyance hindoue ou dans la croyance en la métempsychose grecque. En fait, dans la conception bouddhiste, il n'y a aucune substance ni matérielle, ni mentale qui se transmette dans la mort. Il n'y a que le flux des agrégats de l'existence qui passe, mais les agrégats eux-mêmes, les éléments eux-mêmes ne passent pas. Après la mort, rien ne se transmet qui soit physique, pas d'ADN, pas de sang, pas de souffle, etc.. Mais rien en se transmet qui soit d'ordre spirituel comme une âme, un « je », un « Soi », une quelconque entité douée d'une identité propre.

     Cela est souvent difficile à comprendre pour le grand public. Mais c'est aussi difficile à comprendre pour un bouddhiste ! La plupart du temps, les bouddhistes adhèrent à une conception naïve de la réincarnation comme les hindouistes ou les Grecs de l'Antiquité. Et pour ceux qui font l'effort d'avoir une compréhension philosophique de ce que voulait dire le Bouddha, cela reste très mystérieux et nébuleux ! En fait, il est dit que seul un Bouddha complètement accompli peut percer le mystère des renaissances. Il faut bien admettre que notre entendement est limitée, et donc notre compréhension également ! Il faut garder une humilité kantienne dans ce domaine !

     Cette idée bouddhiste de la transmigration sans aucune substance qui voyagerait d'un corps à l'autre a perturbé aussi les bouddhistes. Par exemple, une école du Grand Véhicule, les Yogāchārins postulaient l'existence d'une conscience base-de-tout qui existerait en-dessous des consciences sensorielles habituelles avec lesquelles on perçoit les événements de l'existence. Cette conscience base-de-tout récolte toutes les traces de nos actes bons ou mauvais au cours de nos existences, et est conditionnée à faire apparaître tout ce qui apparaît aux consciences sensorielles durant notre existence 1. Cette conscience base-de-tout n'est pas un Soi au sens où il n'y a aucune identité personnelle qui s'y trouverait : la conscience base-de-tout est non-duelle au sens où elle peut faire apparaître indistinctement des choses qui relèvent du « moi » et des choses qui relèvent du monde sans qu'on puisse tracer une frontière stricte. Pour les Yogāchārins, cette conscience base-de-tout n'est pas un « moi » ou un « Soi » éternel, mais elle permet de penser métaphysiquement une continuité de la conscience. Pour les Yogāchārins, la conscience personnelle ne passerait au-delà de la mort ; mais une conscience au-delà de la dualité entre moi et l'autre serait la substance qui se transmettraient d'une existence à une autre. Et les autres écoles philosophiques du bouddhisme ont vivement critiqué cette position.

    Mais comment penser la transition d'une vie à une autre, sans concevoir aucune substance qui se transmettrait pour autant ? J'ai envie ici de me servir d'un engin bien connu des professeurs de physique : un balancier de Newton. Le balancier de Newton est un dispositif où plusieurs billes sont accrochées chacune à deux fils et se suivent les unes aux autres. Ce dispositif sert à montrer la conservation de la quantité de mouvement ainsi que la conservation de l'énergie : la première bille vient heurter la seconde et lui transmet son énergie. Cette énergie va se transmettre de bille en bille et la dernière bille va se mettre en mouvement comme si c'était la première qui l'avait touchée. Aucune substance ne se transmet de bille en bille ; et la bille n'a pas la pensée : « je vais demander à la prochaine bille de se mettre en mouvement pour poursuivre mon œuvre ». Seul le mouvement de la bille va avoir un impact sur les billes suivantes.













      Or dans le phénomènes des renaissances, c'est à quoi on assiste. Notre existence animée par toutes sortes de désirs, de souhaits, de moments de volonté engage une autre existence à se mettre en mouvement. D'une existence à l'autre, aucune substance ne se transmet, mais le flux de nos actes et de nos désirs qui nous poussent à agir fait qu'une autre existence va être mise en mouvement, et une autre, et une autre, et une autre.... Rien de fixe ne va d'une existence à une autre ; mais le soif qui pousse à agir dans tel ou tel sens créera un flux qui nous poussera à renaître. D'une existence à l'autre, ni âme, ni éléments corporels, mais seulement ce flux qui se propage au travers de la dimension matérielle ainsi qu'au travers de la dimension mentale de l'existence. Ce flux se répandra d'une façon infiniment plus subtile que le mouvement des billes dans le balancier de Newton. Il est probablement impossible ou en tous cas extrêmement ardu de l'identifier à un endroit précis : de savoir quelle existence sera mue par notre propre existence. Mais partout dans le monde, des causes produisent des effets.
















1Les 6 consciences sensorielles sont la conscience visuelle, la conscience auditive, la conscience gustative, la conscience olfactive, la conscience corporelle et la conscience mentale. Cette sixième conscience est une conscience sensorielle, en ce sens que le mental perçoit les idées, les concepts, les souvenirs, les imaginations au même titre que les autres perçoivent des choses physiques.













Voir aussi : 








Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.


Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.




15 commentaires:

  1. Je ne pense pas que l'on puisse mettre sur le même plan la croyance en Dieu et les renaissances.

    Il y a beaucoup d'hypothèses scientifiques qui permettent de se passer de celle de l'existence de Dieu pour expliquer la création du monde et la réalité dans laquelle nous vivons même si ces hypothèses ne répondent pas à la question du sens (pourquoi il y a quelque chose plutôt que rien)

    Sur la question des renaissances, il y a des scientifiques qui font du fact checking de ce que des enfants racontent de leur vies antérieures.

    Il existe des techniques d'hypnoses qui permettent de faire remonter à la surface des souvenirs qui ensuite sont vérifiables.

    Même si on refuse de croire ces scientifiques que nous ne connaissons pas et qui sont susceptibles de délirer. Il y en a qui semblent avoir les pieds bien sur terre comme le Dalaï Lama et Mathieu Ricard qui donnent des preuves que l'idée de renaissance n'est pas totalement farfelue.

    Dans le zen nous disons que nous pouvons faire l'expérience de transmigration pendant zazen mais de manière très minimale. Expérimenter le passage d'un état à un autre c'est déjà transmigrer. Nous considérons que nous naissons et mourrons à chaque instant et que nous sommes un avec tout l'univers.

    Nous disons aussi que nous ne sommes plus le bébé que nous avons été ni l'adolescent, comme la graine n'a plus rien de commun avec l’arbre sans laquelle pourtant l'arbre n'existerait pas.

    Par conséquent on peut avoir l'intuition des renaissances sans en faire une croyance.

    On pourra toujours m'objecter que les mystiques pensent faire l'expérience de Dieu. Objection à laquelle je répondrais que Dieu est alors le mot pour cette expérience et que de mon point de vue elle ne se distingue en rien de l'expérience de la vacuité. La vacuité n'étant pas un endroit vide et froid mais plutôt une expérience de plénitude chaleureuse. Je veux bien que Dieu existe mais tout dépend ce que l'on met derrière. En attendant je ne crois pas à un Dieu personnel.

    En revanche l'idée de renaissance, à partir du moment ou on laisse dans le floue comment ça marche exactement, me semble une évidence. Évidemment si on pense que c'est une âme qui passe d'un corps dans un autre je n'y croie pas. En revanche que des flux de consciences de type mnésique puisse passer d'un corps dans un autre pourquoi pas.

    A partir du moment où ce n'est plus le même corps, que les souvenirs sont effacés et que la génétique liés au parents diffère et que l'histoire de la personne diffère... On ne peut pas soutenir que la personne réincarnée est la même que celle qu'elle était dans la vie passé. Ce n'est plus la même personne même si il y a un lien de causalité comme la graine - l'arbre - la buche - la cendre - l'humus...

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  2. "ceux qui ont pratiqué la régression thérapeutique ne soient pas toujours sûrs de pouvoir répondre à la question « la réincarnation existe-t-elle ? », mais qu’ils lui donnent nécessairement un peu plus d’épaisseur : ils ont bien vécu quelque chose, de l’ordre d’un processus de réincarnation en temps réel, et se préoccupent donc de savoir « comment se réincarne-t-on et pourquoi ? »

    http://terrain.revues.org/15939

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  3. Alors, oui effectivement, les récits d'enfants qui racontent des vies antérieures sont particulièrement troublants. On peut citer le cas de Shanti Devi en Inde ou les cas que mentionnent Matthieu Ricard à propos de la réincarnation de certains lamas, Dilgo Khyentsé notamment. Néanmoins, je ne suis pas certains que cela constituent des preuves absolues (au sens scientifique du terme) de la réincarnation.

    Par contre, chercher à faire l'expérience de ses vies antérieures par l'hypnose ou d'autres méthodes me paraît être un piège. On risque de s'enfermer dans son propre imaginaire où on s'invente des vies hautes en couleur pour compenser la médiocrité de sa propre vie. Je pense notamment aux histoires de Paco Rabanne.

    Vous avez aussi raison de mentionner : « Dans le zen nous disons que nous pouvons faire l'expérience de transmigration pendant zazen mais de manière très minimale. Expérimenter le passage d'un état à un autre c'est déjà transmigrer. Nous considérons que nous naissons et mourrons à chaque instant et que nous sommes un avec tout l'univers.

    Nous disons aussi que nous ne sommes plus le bébé que nous avons été ni l'adolescent, comme la graine n'a plus rien de commun avec l’arbre sans laquelle pourtant l'arbre n'existerait pas ».

    Effectivement, le processus de changement se produit à chaque moment de notre vie. Chaque seconde, des cellules de notre corps naissant et d'autres meurent. Nous inspirons et nous expirons (avec toute la connotation symbolique et métaphorique que peuvent avoir les verbes « inspirer » et « expirer »). Chaque seconde, des pensées apparaissent, et d'autres disparaissent. Donc le processus du devenir peut s'expérimenter dans zazen et dans chaque instant de notre vie. La mort n'est jamais qu'un changement plus radical dans ce processus du devenir. Je reviendrai sur cette notion dans un prochain post.

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  4. "On risque de s'enfermer dans son propre imaginaire où on s'invente des vies hautes en couleur pour compenser la médiocrité de sa propre vie"

    Peut-être mais si l'effet est libérateur et permet de guérir des névroses?. Souvent après une NDE les gens changent totalement de vie et souvent dans un sens plus altruiste. Même si tout cela relève de la pure mystification si cela permet de s'éveiller authentiquement aux autres et au monde, moi je dis pourquoi pas.

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  5. "Néanmoins, je ne suis pas certains que cela constituent des preuves absolues (au sens scientifique du terme) de la réincarnation."

    "Véritable mantra, on dirait que la preuve scientifique, à certains égards, est la nouvelle religion. La preuve scientifique a l’air d’être devenue l’argument publicitaire ultime pour vendre pâtes dentifrice, gélules amincissantes et autres poudres à lessive. La preuve scientifique a le dernier mot dans les tribunaux du monde entier. Et pourtant… La preuve scientifique n’existe pas !

    La preuve mathématique (ou théorème) est imparable, inévitable, infalsifiable : quelle que soit l’époque, la culture, le contexte, dans un triangle rectangle, le carré de l’hypoténuse sera toujours égal à la somme des carrés des cathètes. Toujours. Partout.
    http://www.podcastscience.fm/dossiers/2010/09/01/dossier-la-preuve-scientifique/

    Kant montrait bien que toutes les preuves de l'existence de Dieu reposait finalement sur la preuve ontologique qui déduit l'existence de Dieu de son essence. L'argumentation était logique et ne reposait pas sur une démarche expérimentale.

    En revanche, la recherche de tulkus repose sur des procédures expérimentales qui ont bien une valeur scientifique comme lorsqu'on fait des test d'adn pour montrer qu'untel est bien le fils d'untel.

    On ne peut rien prouver sur ce qui se passe après la mort mais on peut prouver que les souvenirs d'une personne proviennent bien d'une autre personne sans pouvoir prouver à 100% pour autant qu'il s'agit de la même personne pour autant... puisque le simple fait de changer de corps change la personne.

    Il existe des théories scientifiques qui cherchent à rendre compte de ces phénomènes c'est le cas du biocentrisme de Robert Lanza
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Univers_biocentrique

    mais cette théorie est loin de faire consensus disons que pour l'instant la probabilité statistique pour qu'elle soit juste est encore faible

    "La notion de « preuve scientifique » est un raccourci de langage. Une notion plus juste serait « probabilité statistique extrêmement élevée », qui pourrait toujours être invalidée par une probabilité statistique encore plus élevée…"




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  6. Juste quelques remarques en réponse à Sb, je n'ai pas le temps de développer, désolé.
    Sur la preuve scientifique : je crois savoir qu'une théorie scientifique n'est valable que jusqu'à ce qu'elle soit invalidée ou modifiée, ce qui est le cas le plus fréquent (logique, on s'efforce d'affiner les connaissances), et que le théorême de Pytahgore soit toujours valide n'empêche pas que nombre de théories scientifiques ont été et sont encore invalidées et remplacées par d'autres plus justes.
    Par ailleurs, je me faisais la réflexion que même les mathématiques étaient une abstraction pour décrire, que le "langage" du monde n'était évidemment pas en soi mathématique, que les maths étaient juste un mode descrptif commode inventé par les humains. Enfin, il y aurait beaucoup à dire là dessus...
    Sur la "réincarrnation", je crois que le terme décrit très mal ce que la théorie bouddhique postule, un syntagme comme "courant de conscience" me semble nettement plus juste.
    Sur le fait que ce ne soit pas une personne qui se réincarne, c'est ce que j'ai cru comprendre aussi, en somme, ce n'est pas un moi qui se réincarne, mais cette notion de personne est biaisée car on identifie la personne au moi (à discuter), et si c'était justement quelque chose de plus essentiel qui se poursuivait, de l'ordre d'une conscience impersonnelle ? En tous cas, oui, moi, JC, en tant que personne identifiée à ce corps, à cette vie, ne sera plus, mais n'est-ce pas cette identification justement que le bouddhisme décrit comme une illusion ? Bref, quelque chose continuera sa route. Voilà ce que j'ai cru comprendre.

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  7. Je ne pense pas qu'on identifie une personne à son moi (entendu comme entité psychique) car sinon on serait bien embêté avec les schizophrènes (qui en ont plusieurs) ou les gens qui sont dans le coma ou dans un état neurovégétatif.

    C'est plutôt le visage dont la photo est sur ma carte d'identité, l'adn et les empreintes digitales.

    Ceci dit j'ai été bien embêté en lisant "Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes" Robert M. Pirsig parce que ça raconte l'histoire de quelqu'un qui change de personnalité suite à des électrochocs. On comprend que les deux personnages dont il est question ne sont en fait qu'une seule et même personne. Je persiste néanmoins à penser que c'est le corps qui fait l'identité.

    voir aussi:
    http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2013/07/11/la-tete-ver-repousse-memoire-maladies-neurodegeneratives/

    Pour le reste nous sommes d'accord.

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  8. Certes mais qui est moi ? Je ne crois pas que ce soit réductible à une catégorie psychique (notamment au sens freudien). D'après le bouddhisme, un agrégat passager, une identification à quelques caractéristiques, dont le corps. Quant à la personne, elle reste finalement un concept flou, non ? Quid de la personne animale (non humaine) ?

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  9. Le moi (au sens personnel) est donc bien réductible une catégorie physique : le corps en tant qu'agrégats dont l'esprit.
    La personne n'est donc pas un concept flou y compris juridiquement puis qu'il est lié à l’état civil : le fait d'être né quelque part à une date précise.

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  10. Quid de la personne animale (non humaine) ?

    Dans les usages, un animal acquiert le statut de personne à partir du moment où il à un nom propre.

    Exemple: mon fils qui n'aime pas la viande qui est dans son assiette va se mettre à lui parler... "je suis désolé marguerite mais moi je n'ai vraiment pas envie de te manger" ce qui a le don de prodigieusement nous agacer.

    C'est au moment où on passe de l'espèce à l'individu singulier que les animaux acquiert un statut de personne.

    Tant que vous mangez les huitres à la douzaine pas de problème mais dès que vous considérez cette huitre comme un individu singulier ça devient difficile de la manger.

    Ce n'est par hasard que Dogen attire l'attention sur la singularité de tout ce qui nous entoure y compris à nous-même à chaque instant. Je ne pense qu'il pusse y avoir d'éveil en dehors de cette attention à la concrétude des êtres et des choses.

    "Il faut étudier à fond tous les existants tête par tête"

    Maître Dôgen - Déploiement du cœur de l'Eveil [Hotsumujôshin] - Shôbôgenzô, la vraie Loi, Trésor de l'Oeil - Tome 1


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  11. Ok mais à vrai dire, je ne vois pas bien la différence subtile entre ce qu'on nomme "moi" (en tant qe processus d'identification à des caractéristiques psychiques et physiques) et la personne (que je peux toutefois distinguer de personnalité), même dans le cas de schizophrénie, et ce, malgré l'état civil, le juridique (qui me semble bien partiel voire partial), ou alors il faudrait peut-être définir la personne à divers degrés - l'histoire du nom ne me satisfait pas, sans doute car la définition juridique ne me satisfait pas ; au juste, j'y pense, mon pseudo sur ce site est "degun" ce qui signifie "personne" en occitan mais attention, "personne" au sens de l'anglais "nobody" (comme lorsqu'Ulysse dit au cyclope que son nom est personne) et non de "somebody", ne peut-il y avoir des personnes sans nom ? On s'interroge notamment sur le fait de considérer les grands singes comme des personnes (ce qui me semble évident mais évidemment, je ne me fonde que sur mon ressenti sans prétention de faire autorité), ils n'ont pourtat pas forcément de nom ou alors ils se donnent des noms entre eux, bref, plein de questions me trottent dans la tête mais je ne trouve pas de réponse satisfaisante.

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  12. Simplement parce qu'il n'y a de liberté totale que dans l'anonymat. L'état civil permet la responsabilité pénale. Si Degun faisait une apologie du terrorisme et menaçait d'accomplir un attentat terroriste peut-être qu'une enquête serait mené pour savoir qui se cache derrière Degun. On passerait alors d'un personnage fictif à une personne réelle susceptible de faire un tour en prison.

    Sur les singes j'aime bien cette expérience où l'on donne des photos de singes et d'être humains à Marcel (singe lui aussi mais passant plus de temps avec ses expérimentateurs qu'avec ses congénères). On lui demande de classé en deux tas, d'un côté les singes et de l'autre les humains... ce qu'il fait très bien... Sauf que les expérimentateurs ont glissé la photo de Marcel dans le tas. Alors à votre avis Marcel va-t-il se classer parmi les singes ou parmi les humains? Eh bien curieusement, après un moment d'hésitation, il se classe parmi les humains.

    Comment ne pas penser à la planète des singes? Il suffit de renverser le rapport de force et hop on a la démocratie Athénienne ou seul ceux qui sont des citoyens (ici des singes) sont des personnes... et ce qui n'est pas une personne peut être exploité sans vergogne.

    Dogen invite à réfléchir sur la frontière ou l'absence de frontière entre être animé et être inanimé (minéraux inclus) sachant que l'on n'accorde seulement le statut de personne qu'aux êtres animés. J'en conclus qu'il s'agit d'une réflexion écologique ou l'homme ne devrait pas avoir plus de droits que le reste des existants (pierres et végétaux inclus). Ce qui fait qu'il en a plus est dû au rapport de force qui s'est inversé entre l'homme et la nature. Rapport de force qui finira par s'inverser à nouveau, que nous le voulions ou pas.

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  13. Arf j'oubliais la différence entre le "moi" et la personne.

    Eh bien dans la réflexion sur l'IVG on se pose la question de savoir à partir de quel moment on peut considérer que l’embryon est une personne et qu'il devient éthiquement dommageable d'interrompre le processus.

    Je suppose que le point clef c'est que le cerveau soit suffisamment formé pour qu'une pensée puisse émerger ou du moins une conscience.

    On voit dans cette exemple la liaison entre le "moi" et la notion de personne.

    Mais c'est encore une fois dans la responsabilité pénale que l'on peut faire la différence entre le moi et la personne.

    Imaginons quelqu'un qui tue une personne dans un moment de folie. Même si le "moi" était temporairement absent, la personne est responsable.

    Si des experts se prononcent pour dire que la personne qui a tué l'autre est folle à lier on va déclarer qu'elle n'est pas responsable mais on va quand même la mettre en prison (ou dans un hôpital spécialisé).

    D'un point de vue bouddhiste, que je ne sois pas une âme, une entité fixe, n'empêche nullement que je ne sois pas une personne d'un point de vue conventionnel avec un nom, des droits, des devoirs et donc une responsabilité de mes actes.

    Il existe un humour bouddhiste (chan) qui joue de cette ambivalence et ça se termine souvent par des coups de bâtons.

    Si tu dis que tu n'es personne et que je te tords le nez qui a mal?

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  14. et inversement j'aime bien celle là (trouvé sur le site du Dojo de Valais:

    "Il y a très longtemps, Descartes a dit : « je pense, donc je suis ». C’est le début de la philosophie. Mais si tu ne penses pas, qu’arrive-t-il ? C’est le début de la pratique zen."

    Seung Sahn, maître zen

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  15. Bonsoir, j'aime bien la dernière citation. Une précision : je n'ai pas dit pour ma part que je ne m'identifiais à personne, mon pseudo sur ce site est simplement un jeu (de mot) sans fondement (en écho et clin d'oeil à quelqu'un d'autre qui use vraiment du pseudo personne convainncu, lui, de n'être personne). Mais je ne comprends décidément pas en quoi le droit pourrait en quoi que ce soit aider à comprendre la notion de personne, le droit n'étant que le fruit de règles arbitraires inaptes à résoudre des questions de cet ordre à mon sens quand bien même les magistrats se soient forcément posés des questions pour fonder leur droit, il n'empêche que le droit est nécessairement évolutif et surtout conventionnel et ce qui était jugé juste hier ne l'est plus aujourd'hui etc. Philosophiquement, on peut sûrement davantage s'approcher d'une résolution de la question mais fondamentalement, la notion de personne ́qui serait distincte de ce qu'on appelle "moi" me semble a priori spécieuse mais il se peut que quelque chose m'échappe. En attendant, tant pis, concernant ce sujet, je prends le parti de me fier à ma seule expérience, je ne me prononce donc que pour moi et identifie ma personne à moi, du moins pour cette vie (uand à ce qui perdurera, je n'en sais rien, j'ai juste l'idée d'un courant d'une conscience plus fondamentale, non moi, impersonnel sans doute), dans la mesure où je ne crois pas en une interruption du courant de conscience après ce qu'on appelle la mort. Au juste, je vois le samsara comme un véritable enfer duquel je ne souhaite qu'une chose, c'est d'en être libéré, je ne souhaite en rien revivre une vie ici ou ailleurs (je mettrai un commentaire à ce sujet sur les articles récents concernant la réincarnation), et je me disais que sans la théorie de samsara, compris comme cycle infernal, en quoi s'efforcerait-on de se libérer soi-même et les autres de quoi que ce soit ? On peut aussi bien vivre sans souci une vie de divertissement permanent si du moins on ne s'en porte pas trop mal (j'entends par là que la pensée vagabonde en permanence et saisit égotiquement tout ce qui se présente).

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