Si
c'est le bonheur que tu cherches,
Supporte
d'abord la souffrance.
Sans
avoir goûté aux larmes,
Tu
n'apprécierais pas le rire.
Chengawa Lodrö Gyaltsen, Tibet, 1402-1472 1
Hokusai |
On
tend vers le bonheur et on fuit ou on éprouve de l'aversion envers
la souffrance. C'est quelque chose d'assez naturel : tous les
êtres sensibles font cela. Néanmoins, la recherche du bonheur, si
elle veut être efficace, ne peut pas faire l'économie d'affronter en face
la douleur. Dans la Soûtra
de Tous les Obstacles,
le Bouddha dit qu'il y a plusieurs moyens de venir à bout des
obstacles et des impuretés quand on a pour objectif de parvenir à
la « cessation de la souffrance » :
- par la vision juste
- par le contrôle
- par l'usage adéquat de nos moyens,
- par l'endurance,
- par l'évitement,
- par l'élimination,
- par le développement.
Une
de ces méthodes est donc l'endurance comme l'exprime le Bouddha dans
le Soûtra de Tous les Obstacles : « Quelles
souillures, ô moines, devraient être abandonnées par l'endurance?
Ici un moine, discernant de manière juste, supportant le froid et la
chaleur, la faim et la soif, et le contact avec les taons, les
moustiques, le vent, le soleil et les serpents; il endure les paroles
néfastes, les mots méprisants et l'apparition des sensations
corporelles douloureuses, déchirantes, perçantes, désagréables,
angoissantes, et menaçant la vie. Alors que les obstacles
oppressants et irritants pourraient apparaître chez celui qui
n'endure pas de telles choses, chez quelqu'un qui les endure, ces
obstacles oppressants et irritants n'apparaissent pas. Ce sont les
obstacles qui devraient être vaincus par l'endurance ».
Endurer
la douleur et rester stoïque par rapport à elle est par moment une
nécessité. Notamment envers les souffrances qu'on ne peut éviter :
la maladie, la vieillesse, l'agonie, le chaud, le froid, etc... Il
faut pouvoir dans ces moments-là regarder la souffrance en face et
lui tenir tête. Ce n'est pas quelque chose d'évident. Cela demande
une grande maîtrise de soi. Mais si on passe sa vie à fuir la
souffrance, on ne connaître jamais le véritable bonheur. On ne
peut pas constamment échapper à cette souffrance. En fait, plus on
tente d'échapper à la douleur, plus celle-ci nous hante et nous
rend la vie impossible. À un
moment donné, il faut prendre le courage de rester dans le grand feu
de la douleur. Il faut prendre conscience de la souffrance de
l'instant présent et la laisser repartir. Quand on est animé par la
bienveillance et la compassion, alors on est moins en lutte avec le
monde. On peut commencer à entrevoir ce qui au-delà de la
souffrance. On peut alors passer des larmes au rire, un rire doux
envers le monde et l'existence.
1
Shabkar, in bka' gdams sprul pa'i glegs bam, fol. 177B, cité sur le
site de Matthieu Ricard :
http://www.matthieuricard.org/pensees/73.
Matthieu Ricard |
Voir aussi :
- La vision juste des phénomènes (strophes du Dhammapada sur les 3 sceaux du Dharma)
- Soûtra du Fardeau et son commentaire
- Une fête en larmes (Jean d'Ormesson)
- La douleur d'un arahant (Nāgasena) et son commentaire
Tim Kemple, "Un pays gelé dans le temps", Langtang, Népal. |
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