Où méditer ?
Où
peut-on méditer ? Quel est le meilleur endroit ou en tous cas
le plus adéquat pour accomplir la méditation ? Je vais essayer
de passer en revue les endroits où pratiquer la méditation dans cet
article.
Pour
commencer, à la question « où méditer ? »,
j'aurais envie de réponde : n'importe où. Au moins en
principe, on peut pratiquer la méditation dans n'importe quel
endroit, à n'importe quel moment, dans n'importe quel situation,
quel que soit l'acte que l'on est en train d'accomplir. Même dans
des endroits complètement incongrus comme un hall de gare, un
marché, à la piscine, au cinéma, dans une boîte de nuit et sa
musique assourdissante, à l'usine, on se peut se mettre dans un état
méditatif et développer la pleine conscience. La réalité absolue
qui se cache derrière les apparences est toujours là présente ;
on peut donc toujours en prendre conscience. Il n'y a donc pas de
lieux propres à la méditation et de lieux impropres à la
méditation.
Ceci
étant dit, si, en principe, aucun lieu n'est à exclure du champ de
la méditation, il y a pourtant des lieux où il est plus aisé de
commencer la méditation, des lieux qui sont plus propices, plus
commodes ; et ces lieux sont naturellement les lieux calmes,
sans trop d'agitation, sans trop de vacarmes, sans trop de sources de
distraction. Cela peut être une pièce isolée chez soi, un lieu
calme dans la forêt ou à la campagne, etc...
Attention, les notions
de calme et de tranquillité sont relatives. Je me souviens avoir
parlé dans un centre bouddhiste à des gens qui m'expliquaient qu'il
était impossible de pratiquer la méditation quand on habite en
ville parce qu'il y a les bruits de la rue, les voitures, les bus,
les trams qui viennent perturber leur méditation. Aucun endroit
n'est parfait à ce niveau : en ville, les engins de toutes
sortes, à la campagne, les bruits du tracteur de la ferme voisine,
le coq qui chante à toute heure et les chiens qui aboient... À
Auroville en Inde, je sais qu'il y a un temple où aucun bruit ne
vient déranger la quiétude du lieu. D'accord, mais même dans ce
cas-là, vous allez être perturbé par les bruits de votre
respiration, les raclements de votre gorge... Donc, quand je parle de
calme, je parle d'un calme relatif. Il y aura bien sûr des bruits,
mais si possible pas de gens qui vont vous distraire et vous empêcher
de vous concentrer.
Il
faut bien se rappeler que nous vivons dans une époque moderne qui,
par bien des aspects, est fascinante, mais qui a créé un nombre
colossal d'objets suscitant la distraction et la dispersion de
l'attention. Je veux parler de la télévision, des ordinateurs, des
tablettes, des smartphones, des engins de plus en plus petits pour
écouter de la musique, etc... Un endroit calme et tranquille, ce
sera d'abord aussi un endroit libre de ces appareils ou, au moins, où
on les aura éteints et où ils ne viendront pas déranger à tout
moment. Pareillement, en rue, je conseille de ne pas écouter de
musique avec son mp3 ou autre appareil. Car il est important de
retrouver la vertu du silence. La méditation, c'est le mouvement
contraire du divertissement où on essaye d'oublier ses problèmes en
passant d'une stimulation sensorielle à une autre. La méditation,
c'est se recentrer sur l'attention à ce que nous sommes, tant au
niveau du corps que de l'esprit, tant sur ce qui est plaisant que sur
ce qui est déplaisant, tant sur nos aspects positifs que nos aspects
plus sombres. Tout le bruit et toute l'agitation rendent plus ardues
cet effort de l'attention et de la concentration et facilitent la
dispersion et l'inconstance. Et il y a suffisamment de ce bruit et de
cette agitation dans le monde pour ne pas en rajouter
artificiellement avec les appareils technologiques de notre quotidien
qui captent notre attention et notre vigilance, ces qualités
mentales si précieuses pour s'éveiller spirituellement. Marcher
dans la rue peut être l'occasion d'une méditation marchée ;
et c'est bien mieux que s'abîmer les tympans en mettant la musique à
fond dans ses écouteurs.
Si
on pratique la méditation chez soi, peut-être serait-il judicieux
de privilégier une pièce bien aérée, relativement dégagée,
calme avec une luminosité naturelle. Peut-être est-il intéressant
de balayer ou nettoyer pour que l'endroit soit plus agréable. Sans
que ce soit une obligation non plus : la méditation n'est pas
seulement réservée aux fées du logis. Il s'agit seulement de
rendre la pièce plus plaisante pour que vous ayez envie d'y rester
un long moment. Si le cœur vous en dit, vous pouvez allumer des
petites bougies et de l'encens. Là encore, aucune obligation.
Certains préféreront un espace vide à l'image des dojos dans le
zen ; d'autres préféreront une décoration plus chargée à
l'image des petits autels des pratiquants du bouddhisme tibétain
avec statue du Bouddha, photographie du ou des maîtres spirituels,
symboles et couleurs variées... Personnellement, je suis plutôt
adepte du style dépouillé : mon seul confort est mon zafu, mon
coussin de méditation et un tapis de yoga. Mais je me garderai bien
d'imposer quoi que ce soit : que chacun aménage son lieu de
méditation comme il l'entend, selon ses envies et sa propre
esthétique, selon aussi ce dont il dispose.
Si
on pratique à l'extérieur, il vaut mieux privilégier des endroits
relativement isolés. Sinon vous risquez d'être constamment
importunés par les commentaires à haute voix des gens. Je sais que
certains n'hésitent pas à méditer en pleine rue à la vue de tous,
mais cela risque d'être une source importante de distraction.
Pratiquer dans la nature est vraiment une source d'inspiration
importante et une source incroyable d'apaisement. Par contre, si vous
êtes un peu douillet, n'oubliez pas d'apporter un tapis de sol :
toutes sortes de petites bêtes qui gratouillent et qui chatouillent,
comme des fourmis, risquent de grimper sur vous. Faites attention
aussi au soleil si vous restez un long assis face à lui, gare aux
coups de soleil et aux insolations.
J'aime
méditer sur des hauteurs, falaises, rochers à pics ou en surplomb,
l'impression de se tenir en équilibre face au vide est toujours
quelque chose de très stimulant. J'aime aussi méditer le long d'un
cours d'eau, que ce soit un ruisseau, un torrent ou un fleuve. Le
fleuve a toujours hanté les philosophes d'Orient et d'Occident, et
ce n'est pour rien. Qu'on se souvienne des formules d'Héraclite :
« Tout coule » ou « On ne se baigne jamais deux
fois dans la même rivière ». Un fleuve semble être une unité
paisible, mais il est constamment traversé des petites vaguelettes
et de miroitements qui sont autant de traces de l'impermanence
subtile qui anime le cours des choses. Je me souviens des méditations
tôt le matin, sur les ghats le long du Gange à Bénarès. Je me
souviens des méditations à côté d'un petite torrent dans un
village voisin de McLeod Ganj sur les hauteurs de Dharamsala, il y a
une vingtaine d'années. C'était très paisible, mais de temps en
temps, des familles de touristes en ballade passaient devant moi de
l'autre côté de la rivière et me prenaient en photo. J'imagine que
je devais leur sembler très exotique !
J'aime
aussi méditer devant la mer, sur la plage ou dans les dunes. C'est
aussi une sensation puissante. Le vaste océan comme métaphore de
l'esprit dans la philosophie bouddhique où les pensées
individuelles sont comme autant de vagues qui s'élèvent et se
résorbent dans l'immensité de l'océan.
Voilà.
Il me reste à souhaiter que chaque lieu où vous pratiquez la
méditation soit pour vous un lieu d’Éveil et de paix !
Voir également :
- Combien de temps méditer ?
Voir aussi :
- Comme le torrent
Sur la méditation de manière générale :
Pour un commentaire beaucoup plus détaillé des pratiques du Soûtra de l'Attention au Va-et-Vient de la Respiration, voir :
- En compagnie du souffle :
Sur la méditation des Quatre Qualités Incommensurables :
Les différentes formes de l'amour et comment concilier ces différentes formes avec sagesse.
- Les Quatre Demeures de Brahmā : amour illimité, compassion illimitée, joie illimité et équanimité illimitée
On pense parfois que la compassion consiste à s'affliger soi-même de la détresse des autres, mais, dans la philosophie du Bouddha, rien de tout cela : la compassion est définie comme le souhait ardent que les autres soient libérés de la souffrance et des causes de la souffrance.
- Joie
Qu'est-ce que la joie spirituelle prônée par le Bouddha ?
L'équanimité dans la méditation, l'apaisement des remous de la vie. Comment la pratiquer ? Comment la mettre en œuvre dans la vie de tous les jours ?
- Commentaires sur « L’Art de la Méditation » de Matthieu Ricard : voir le texte
Pourquoi les enseignements du Bouddha sont-ils si rarement cités par les lamas du bouddhisme tibétains ? Est-ce que la méditation sur la nature de l'esprit n'occulte pas l'établissement de l'attention portée sur le corps (telle que le Bouddha l'enseigne dans le Soutra des Quatre Etablissements de l'Attention) ? Les soutras du Petit Véhicule ont-ils un intérêt dans la méditation sur la vacuité telle que l'expriment les soutras de la Perfection de Sagesse ? Comment intégrer les différents Véhicules du bouddhisme ?
Le progrès lent et graduel de la méditation. Comment arriver à la pleine conscience ?
- Méditation marchée
- Méditation marchée
Beaucoup de gens aiment faire quelques longueurs à la piscine pour se relaxer. C'est effectivement quelque chose de délassant de se baigner dans l'eau et d'activer l’entièreté de son corps. Mais je trouve que la piscine est aussi excellent endroit pour pratiquer la méditation et l'attention.
- En attendant le bus
Et si on s'inspirait de la méditation en attendant le bus plutôt que râler et trouver le temps interminable ?
- En attendant le bus
Et si on s'inspirait de la méditation en attendant le bus plutôt que râler et trouver le temps interminable ?
On dit parfois : "Je ne peux pas pratiquer la méditation de l'attention portée à la respiration, puisque je suis asthmatique. Que dois-je faire ?" Il se trouve que je suis, moi aussi, asthmatique. En fait, le fait de respirer bien ou mal n'a rien à voir avec la pratique de l'attention telle qu'est enseignée par le Bouddha. Il s'agit de prêter attention à la respiration, pas de la réguler à tout prix. Même pendant une crise d'asthme, on continue à inspirer et expirer. Vous le faites difficilement du fait de la crise, mais vous le faites, sinon vous seriez mort. Il faut seulement prendre conscience de cette conscience de cette respiration et laisser l'esprit se calmer et se libérer de lui-même.
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