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vendredi 6 avril 2018

Sororité




Sororité




     Sororité. Voilà un néologisme forgé par les féministes sur le modèle de « fraternité » dont l'étymologie vient de « frater » en latin alors que « soror » désigne la sœur dans la même langue. La sororité désigne donc la fraternité qui peut régner ou devrait régner entre les femmes dans leur combat contre l'oppression masculine. Ce concept de sororité soulève une question : est-ce que ce concept est pertinent ?


   Ma réponse est d'emblée de dire non. Et ce pour deux raisons :


     - 1°) Ce concept est gênant du point de vue du féminisme même. C'est une fraternité, mais moins universelle que peut l'être la fraternité, puisqu'elle s'applique à moitié moins de gens. Le concept de sororité renforce paradoxalement l'idée que l'universel, le général est du côté masculin de la même façon que le terme « homme » peut désigner à la fois un mâle de l'espèce humaine ainsi qu'une personne humaine que cette personne soit homme ou femme.


    - 2°) Ce concept manque complètement de pertinence parce qu'il n'y a pas de classe sociale distincte qu'on pourrait appeler les « femmes » ou la « féminité » sur le modèle d'humanité : l'ensemble de toutes les femmes. On peut bien sûr considérer une femme ou des femmes en particulier et avoir l'envie légitime de défendre leurs droits et lutter pour que ces femmes arrêtent de subir des inégalités et des injustices. Par exemple, toutes les études statistiques montrent que les femmes sont moins bien payées que les hommes en moyenne. Mais ces statistiques nous induisent en erreur quand elles nous font voir un groupe social homogène qui serait les « femmes » de la même façon qu'on pourrait concevoir un groupe social dans les ouvriers, les travailleurs en lutte face aux patrons ou des groupes ethniques et racisés comme les « Blancs » ou les « Noirs ». Les ouvriers fréquentent essentiellement les ouvriers. Ils vont rarement boire un verre au café du coin avec le patron multi-milliardaire de la multinationale qui les emploie.


     Les femmes sont elles par contre intrinsèquement liées à des hommes qu'elles fréquentent au jour le jour, que ce soit leur mari, leur compagnon, leurs frères, leur père, leurs fils, les membres masculins de la famille, leurs amis hommes, les collègues de bureau. Il y a bien sûr des groupe de sociabilisation qui sont plutôt réservés aux femmes comme des clubs de sport féminin, des réunions Tupperware ou des assemblées féministes non-mixtes ainsi que des lieux réservés aux femmes distincts de ceux des hommes comme les douches et les vestiaires à la piscine communale. Mais l'intimité des relations qu'elles ont avec les hommes font qu'elles se conçoivent en tant que femmes uniquement sur un plan individuel. Et quand elles pensent aux femmes, c'est beaucoup plus sur un mode de concurrence et de jalousie que sur un mode de fraternité. Qui va le plus plaire aux hommes ? Qui sera la plus populaire ? Qui sera la plus admirée ou la mieux réputée ?


      Je pense que les féministes font erreur quand elles imaginent la domination masculine comme une sorte de complot organisé par les hommes à l'encontre des femmes. Les hommes ne se réunissent au café du coin le soir ou dans les vestiaires d'un club de foot pour décider comment ils vont opprimer les pauvres femmes sans défense. Aucune concertation entre les hommes pour imposer la domination masculine. En fait, cette domination masculine se transmet tant par les hommes que par les femmes. Que ce soit par l'éducation, des jugements négatifs et des commérages prononcés à l'égard de telle ou telle femme dite de mauvaise vie, les femmes ne sont pas en reste pour propager tout le substrat culturel du machisme. Le choix sexuel et amoureux des femmes se portent davantage envers les hommes qui détiennent tous les codes de la phallocratie : agressivité, sens de la conquête et de la domination, possessions matérielles et détention du capital financier, social ou culturel. Pourquoi les hommes cesseraient-ils de se comporter en macho si cela les rend moins désirables aux yeux des femmes ?


       Récemment, j'ai passé à mes étudiants (âgés de 17 à 18 ans) le documentaire féministe « Sexe sans consentement » qui explore la zone grise entre le consentement mutuel explicite dans une relations sexuelle et le viol, toutes les fois où une jeune femme peut ne pas avoir envie d'un acte sexuel, mais où le garçon insiste encore et encore jusqu'à ce que la jeune femme finisse par céder à contrecœur. Ce qui m'a semblé intéressant à noter, c'est que les réactions virulentes venaient d'un groupe de filles qui pensaient que les jeunes femmes interviewées l'avaient bien cherché et qu'elles auraient du assumer au lieu de venir se lamenter devant la caméra. Elles avaient bu et aguiché des garçons ; et c'étaient donc leur faute si elles avaient subi une relation sexuelle sans consentement. J'ai essayé de leur expliquer qu'une femme pouvait avoir envie d'embrasser un garçon à une soirée bien arrosée, sans que pour autant elle désire avoir un acte sexuel avec lui. Elle m'ont répondu de manière intransigeante que c'étaient des allumeuses et des débauchées et qu'elles ne devaient pas venir se plaindre... Comme quoi, non, le féminisme n'est pas nécessairement l'apanage des femmes...


      En conclusion, pour moi, la sororité est un mot que l'on pourrait employer comme un parfait synonyme de « fraternité » : valable autant à l'adresse des hommes que des femmes. Ce terme servirait à rappeler que tous les êtres humains sur Terre sont frères et sœurs et que l'entraide et la solidarité est une valeur noble entre tous. Mais brandir la « sororité » comme un étendard des femmes qui cherchent à écraser les hommes ne m'apparaît ni très juste, ni très pertinent, car ce genre de conception élude la responsabilité des femmes dans les inégalités et les injustices que subissent d'autres femmes ; et elle fait porter complaisamment le chapeau aux hommes seulement.



















Concernant le féminisme, la drague de rue et le hashtag #metoo ou #balancetonporc : 



















Ruslan Lobanov








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