Sororité
Sororité.
Voilà un néologisme forgé par les féministes sur le modèle de
« fraternité » dont l'étymologie vient de « frater »
en latin alors que « soror » désigne la sœur dans la
même langue. La sororité désigne donc la fraternité qui peut
régner ou devrait régner entre les femmes dans leur combat contre
l'oppression masculine. Ce concept de sororité soulève une
question : est-ce que ce concept est pertinent ?
Ma
réponse est d'emblée de dire non. Et ce pour deux raisons :
-
1°) Ce concept est gênant du point de vue du féminisme même.
C'est une fraternité, mais moins universelle que peut l'être la
fraternité, puisqu'elle s'applique à moitié moins de gens. Le
concept de sororité renforce paradoxalement l'idée que l'universel,
le général est du côté masculin de la même façon que le terme
« homme » peut désigner à la fois un mâle de l'espèce
humaine ainsi qu'une personne humaine que cette personne soit homme
ou femme.
-
2°) Ce concept manque complètement de pertinence parce qu'il n'y a
pas de classe sociale distincte qu'on pourrait appeler les « femmes »
ou la « féminité » sur le modèle d'humanité :
l'ensemble de toutes les femmes. On peut bien sûr considérer une
femme ou des femmes en particulier et avoir l'envie légitime de
défendre leurs droits et lutter pour que ces femmes arrêtent de
subir des inégalités et des injustices. Par exemple, toutes les
études statistiques montrent que les femmes sont moins bien payées
que les hommes en moyenne. Mais ces statistiques nous induisent en
erreur quand elles nous font voir un groupe social homogène qui
serait les « femmes » de la même façon qu'on pourrait
concevoir un groupe social dans les ouvriers, les travailleurs en
lutte face aux patrons ou des groupes ethniques et racisés comme les
« Blancs » ou les « Noirs ». Les ouvriers
fréquentent essentiellement les ouvriers. Ils vont rarement boire un
verre au café du coin avec le patron multi-milliardaire de la
multinationale qui les emploie.
Les
femmes sont elles par contre intrinsèquement liées à des hommes
qu'elles fréquentent au jour le jour, que ce soit leur mari, leur
compagnon, leurs frères, leur père, leurs fils, les membres
masculins de la famille, leurs amis hommes, les collègues de bureau.
Il y a bien sûr des groupe de sociabilisation qui sont plutôt
réservés aux femmes comme des clubs de sport féminin, des réunions
Tupperware ou des assemblées féministes non-mixtes ainsi que des
lieux réservés aux femmes distincts de ceux des hommes comme les
douches et les vestiaires à la piscine communale. Mais l'intimité
des relations qu'elles ont avec les hommes font qu'elles se
conçoivent en tant que femmes uniquement sur un plan individuel. Et
quand elles pensent aux femmes, c'est beaucoup plus sur un mode de
concurrence et de jalousie que sur un mode de fraternité. Qui va le
plus plaire aux hommes ? Qui sera la plus populaire ? Qui
sera la plus admirée ou la mieux réputée ?
Je
pense que les féministes font erreur quand elles imaginent la
domination masculine comme une sorte de complot organisé par les
hommes à l'encontre des femmes. Les hommes ne se réunissent au café
du coin le soir ou dans les vestiaires d'un club de foot pour décider
comment ils vont opprimer les pauvres femmes sans défense. Aucune
concertation entre les hommes pour imposer la domination masculine.
En fait, cette domination masculine se transmet tant par les hommes
que par les femmes. Que ce soit par l'éducation, des jugements
négatifs et des commérages prononcés à l'égard de telle ou telle
femme dite de mauvaise vie, les femmes ne sont pas en reste pour
propager tout le substrat culturel du machisme. Le choix sexuel et
amoureux des femmes se portent davantage envers les hommes qui
détiennent tous les codes de la phallocratie : agressivité,
sens de la conquête et de la domination, possessions matérielles et
détention du capital financier, social ou culturel. Pourquoi les
hommes cesseraient-ils de se comporter en macho si cela les rend
moins désirables aux yeux des femmes ?
Récemment,
j'ai passé à mes étudiants (âgés de 17 à 18 ans) le
documentaire féministe « Sexe sans consentement »
qui explore la zone grise entre le consentement mutuel explicite dans
une relations sexuelle et le viol, toutes les fois où une jeune
femme peut ne pas avoir envie d'un acte sexuel, mais où le garçon
insiste encore et encore jusqu'à ce que la jeune femme finisse par
céder à contrecœur. Ce qui m'a semblé intéressant à noter,
c'est que les réactions virulentes venaient d'un groupe de filles
qui pensaient que les jeunes femmes interviewées l'avaient bien
cherché et qu'elles auraient du assumer au lieu de venir se lamenter
devant la caméra. Elles avaient bu et aguiché des garçons ;
et c'étaient donc leur faute si elles avaient subi une relation
sexuelle sans consentement. J'ai essayé de leur expliquer qu'une
femme pouvait avoir envie d'embrasser un garçon à une soirée bien
arrosée, sans que pour autant elle désire avoir un acte sexuel avec
lui. Elle m'ont répondu de manière intransigeante que c'étaient
des allumeuses et des débauchées et qu'elles ne devaient pas venir
se plaindre... Comme quoi, non, le féminisme n'est pas
nécessairement l'apanage des femmes...
En
conclusion, pour moi, la sororité est un mot que l'on pourrait
employer comme un parfait synonyme de « fraternité » :
valable autant à l'adresse des hommes que des femmes. Ce terme
servirait à rappeler que tous les êtres humains sur Terre sont
frères et sœurs et que l'entraide et la solidarité est une valeur
noble entre tous. Mais brandir la « sororité » comme un
étendard des femmes qui cherchent à écraser les hommes ne
m'apparaît ni très juste, ni très pertinent, car ce genre de
conception élude la responsabilité des femmes dans les inégalités
et les injustices que subissent d'autres femmes ; et elle fait
porter complaisamment le chapeau aux hommes seulement.
Concernant le féminisme, la drague de rue et le hashtag #metoo ou #balancetonporc :
Ruslan Lobanov |
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