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lundi 1 juillet 2019

Comme une olive mûre






Considérer sans cesse combien de médecins sont morts, qui ont si souvent froncé les sourcils sur leurs malades; combien d’astrologues, après avoir prédit, comme chose d’importance, la mort d’autrui; combien de philosophes, après mille discussions sur la mort ou l’immortalité; combien de chefs, qui ont fait mourir beaucoup d’hommes; combien de tyrans, qui, avec un terrible orgueil, ont usé, comme des dieux, de leur pouvoir sur la vie des hommes; combien de villes entières sont, pour ainsi dire, mortes: Hélice, Pompéi, Herculanum et d’autres sans nombres. Ajoutes-y tous ceux que tu as connus, l’un après l’autre; l’un rend les honneurs funèbres à un autre; puis, il est lui-même étendu par un autre, qui reçoit les honneurs d’un autre encore; et tout cela en peu de temps. Bien voir toujours au total combien sont éphémères et sans valeur les choses humaines; hier un peu de morve; demain une momie ou des cendres. Ce petit instant du temps de la vie, le traverser en se conformant à la nature, partir de bonne humeur, comme tombe une olive mûre, qui bénit celle qui l’a portée et rend grâce à l’arbre qui l’a fait pousser.

Marc-Aurèle, Pensées, IV, 48, trad. Emile Bréhier.





















Une très belle évocation de l'impermanence qui hante toute vie et toute chose par l'empereur stoïcien Marc-Aurèle. Memento mori... Se rappeler que tout être humain est mortel, y compris le médecin qui tente de sauver la vie des hommes, y compris le philosophe qui philosophe sur la mort et l'éternité, y compris le conquérant qui a pris tant de vies sur le champ de bataille. Et les villes ou les pays eux-mêmes disparaissent : Pompéi et Herculanum avaient disparu quand Marc-Aurèle a régné sur l'empire romain, mais l'empire romain n'a survécu que quelques siècles après la vie de Marc-Aurèle.


On assiste à un enterrement ; mais bientôt, c'est à votre propre enterrement qu'on assistera. Et ceux qui ont assisté à votre enterrement seront enterrés à leur tour. C'est un des premiers gestes philosophiques : prendre conscience de l'impermanence et la mort, bien voir le caractère éphémère des choses et la vanité de les posséder. La vie passe vite : un instant, un bébé qui a toute la vie devant lui, et un claquement de doigt plus tard à l'échelle de l'univers, ce même bébé devenu un vieillard qui passe de vie à trépas et qu'on enterre, qu'on momifie ou qu'on incinère selon la culture de son pays.


D'où l'importance de saisir cette brièveté de la vie et de comprendre que nous sommes comme une olive aujourd'hui encore attachée à la branche de notre olivier qui nous donne vie et sachant que cela ne durera pas : quand nous serons mûres, nous tomberons de cet olivier. On pourrait trouver cela triste ou accablant, mais cela ne l'est pas quand on s'intègre au grand cycle de la Nature. Si l'on accepte notre sort, on pourra partir joyeux plein de grâce envers le monde comme l'olive qui rend grâce à son olivier et à la terre nourricière qui a porté cet olivier. Nous sommes la partie d'un Tout ainsi que le moment d'un Tout.

















Oliviers à la Salis près d'Antibes
Peinture d'Henri Zuber - vers 1890











Voir également :


telle la génération des feuilles









Concernant Marc-Aurèle, voir aussi : 


Bientôt...


la meilleure façon de se venger



l'entrelacement de tous les phénomènes



Ce cosmos dont tu es une partie



Les craquelures du pain



Nés pour collaborer



Souviens-toi quand tu temporises



















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