Le
maître spirituel
1ère
partie
Je
voudrais entamer ici une série de réflexions sur le maître
spirituel. La plupart des traditions bouddhiques parlent de
l'importance du maître spirituel ; mais régulièrement, la
presse fait mention d'abus de pouvoir perpétrés par des maîtres
spirituels. Le relation de maître à disciple est-elle donc
absolument indispensable quand on chemine sur une Voie spirituelle ?
J'essayerai d'évoquer cette question sous différents angles et avec
différents textes.
Tout
d'abord, il me semble important de distinguer deux termes : le
maître spirituel et l'ami spirituel.
Maître
spirituel : guru en sanskrit, lama en
tibétain ou encore sensei en japonais. Il est noter qu'il
faut peut-être différencier le guru au sens indien du terme du mot
français « gourou » qui a pris une connotation
particulièrement péjorative suite aux différents scandales liés
aux sectes inspirées par la spiritualité indienne. « Guru »
désigne un maître en Inde, mais sans cette connotation de
charlatanisme et d'abus en tous genres. Le mot français « maître »
implique une ambiguïté : parle-t-on du maître au sens
hiérarchique du terme ? Le maître de l'esclave, le maître du
valet ? Ou parle-t-on du maître au sens pédagogique ? Le
maître d'école qui apprend quelque chose à quelqu'un ? Il y a
donc une notion d'autorité dans l'idée de maître spirituel, que
cette autorité soit le fait d'un pouvoir sur une disciple ou qu'elle
provienne d'une connaissance que le maître a et que le disciple n'a
pas.
Par
ailleurs, est-ce que la relation du maître au disciple est-elle
juste un lien social au même titre qu'une relation entre un patron
et son ouvrier ou la relation d'un enseignant avec son élève ?
Ou y a-t-il aussi une dimension plus mystique dans cette relation
comme le laisse supposer la spiritualité tibétaine avec son
« guru-yoga » et ses chants d' « Appel au
lama de loin » ? Le maître spirituel doit-il se
comprendre au travers de la transmission spirituelle et d'une lignée
de maître à disciple qui relie le premier de tous les maîtres, le
Bouddha pour les bouddhistes au disciple d'aujourd'hui ?
Ami
spirituel : kalyana mitra en sanskrit. Un ami
spirituel cherche à aider d'autres pratiquants en les conseillant,
en les encourageant ou en leur apportant du réconfort. C'est une
relation beaucoup plus égalitaire : un ami envers un autre ami,
même si l'ami spirituel peut connaître des choses que l'autre ne
connaît ou être plus avancé sur la voie spirituel. Mais l'ami
spirituel n'en profite pas pour essayer de dominer l'autre d'une
manière ou d'une autre.
Il
est noter cependant que, très souvent, « maître spirituel »
et « ami spirituel » sont employés comme de parfaits
synonymes. Par exemple, Arnaud Desjardins a écrit un ouvrage
justement intitulé : « L'ami spirituel ».
Or, Arnaud Desjardins parle bien de maîtres spirituels dans cet
ouvrage. Dans le bouddhisme tibétain aussi, quand on parle d'ami
spirituel, on parle bien de guru ou de lama.
Mais
personnellement, je fais la distinction parce qu'elle m'apparaît
importante. Peut-on penser une relation spirituelle en-dehors d'une
relation hiérarchique et d'une structure religieuse pyramidale ?
Il me semble que oui, et c'est que j'appelle l'amitié spirituelle.
Cela doit être mon côté anarchiste qui fait que je suis rétif à
toute organisation qui enferme le disciple dans la soumission et une
discipline auquel il n'aurait pas consenti rationnellement, mais
qu'on lui impose de l'extérieur. Ni Dieu, ni maître... En
tant qu'ami spirituel, j'aspire à conseiller le mieux possible les
gens et essayer d'apporter de la sagesse et de la bienveillance à ce
monde. Ce qui en veut pas dire que je pense tout connaître sur tout
ou que je suis convaincu d'être quelqu'un de parfait.
Néanmoins,
on peut se demander si l'organisation d'une sangha, une communauté
spirituelle n'implique pas le respect d'une certaine autorité et le
respect d'une structure hiérarchique ? Est-ce qu'une amitié
spirituelle basée sur un sentiment d'égalité n'est pas un frein au
développement sur le temps long d'une communauté spirituelle ?
Si l'on veut transmettre de génération en génération l'héritage
philosophique du bouddhisme ne faut-il pas recourir à des modes
d'organisation qui nécessitent des chefs, du commandement et des
gens pour obéir aux ordres ?
Voilà
en quelques mots les questions auxquelles je tenterai de répondre
dans les parties suivantes. J'essayerai d'expliquer ce que disent les
textes des différentes périodes du bouddhisme et des différents
courants du bouddhisme à propos du guru, du lama, du senseï. Je me
poserai la question de la réception de la réception de cette idée
oriental de maître spirituel dans l'Occident moderne. Et j'essayerai
de répondre, ou en tous cas d'apporter une réflexion à la question
de savoir s'il faut un maître spirituel et quel doit être ce maître
spirituel. Quelles sont les qualités requises pour être un maître ?
Qu'est-ce que le maître doit faire ? Et que doit-il éviter ?
Quelles sont d'un autre côté les qualités requises pour être un
disciple ? En quoi consiste l'engagement d'un disciple envers un
maître spirituel ? En quoi le maître fait-il le disciple ?
Et en quoi le disciple fait-il le maître ? Voilà quelques
questions auxquelles j'aimerai réfléchir dans les textes suivants.
Lire également :
- Qui était le Bouddha ?
- Quand dire, c'est prendre refuge
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Un thème très, très, très intéressant
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