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dimanche 14 mai 2023

Savoir ce qu'est la mort


Zilu demande comment il convient de servir les esprits ?

Le maître Confucius lui dit :

« Tant qu'on ne sait pas servir les hommes,

comment peut-on servir les morts ? »

Zilu l'interroge alors sur la mort. Le maître répond :

« Tant qu'on ne sait pas ce qu'est la vie,

comment peut-on savoir ce qu'est la mort ? ».


Les entretiens de Confucius (XI, 11),

traduction d'Anne Cheng, Points/Sagesses, éd. du Seuil, Paris, 1981, p. 89.






Confucius (-551 - -479, 孔子,  Kongzi en chinois)






J'aime cette réflexion de Confucius à son disciple Zilu. Très souvent, on s'interroge sur la mort, sur ce qu'il y a après la mort. Et on veut des réponses. Claires et catégoriques. C'est ce qu'on demande aux spiritualités et aux religions, à la philosophie aussi : répondre à la question de savoir ce qu'est la mort et sur ce qui nous attend après celle-ci. Et nous aimons des réponses pleines de certitudes et de conviction. Cela apaise probablement pour un temps notre angoisse de la mort. Mais ce que dit ici Confucius, c'est que c'est prendre la problématique par le mauvais bout !


En fait, il vaut mieux se demander ce qu'est la vie et comprendre cette vie qui coule dans nos veines, qui fleurit et bourgeonne tout autour de nous. La priorité est là, plutôt que de spéculer sur ce qu'il y a après la mort. La vie est là : en nous, devant nous, autour de nous. Voilà ce dont il faut prendre conscience, ce à quoi il faut faire attention. Comprendre la vie et la rendre meilleure pour nous et les autres vivants autour de nous.


Et s'il faut penser à la mort, c'est en tant que caractéristique de la vie : l'inéluctable achèvement de la vie. Il faut y penser et prendre conscience de cette mort pour entrer en contact avec l'angoisse de la mort qui traverse nos vies, et hante nos jours et nos nuits. Apprendre à accepter la mort comme un fait qui appartient à la vie. Apprendre à vivre avec elle et s'apaiser devant son idée comme devant sa réalité. À tout moment, des cellules meurent par milliers dans votre corps, et à tout moment des cellules y naissent. La Nature entière bruisse de ce cycle de naissances, de vies et de mort. « Telle la génération des feuilles, telle la génération des hommes » disait Homère. Notre temps viendra aussi sûrement que la feuille qui se décroche de l'arbre, mais une autre génération viendra orner les branches de l'arbre au printemps. Il vaut mieux côtoyer et fréquenter ce mystère de la Vie dans l'ici et maintenant plutôt que vouloir à tout prix une réponse et s'accrocher à une croyance.













 Marc Riboud, Huang Shan, province de l'Anhui, Chine












Voir également : 



Telle la génération des feuilles



Méditer longuement l'impermanence



Panta Rhei.



Vivre sans pourquoi



Vie et mort



La vie selon François-Xavier Bichat



Une charogne (Baudelaire)



Le Vallon (Lamartine)




Concernant Confucius et le confucianisme : 


- Apprendre


- Un débat pédagogique dans le confucianisme antique






mardi 9 mai 2023

Errances du bouddhisme tibétain

 

En 2017 éclatait au grand jour l'affaire Sogyal Rimpotché du nom de ce lama tibétain qui se croyait tout permis et qui commettait des humiliations, du harcèlement, des abus de pouvoir, des abus financiers ainsi que des abus sexuels à l'encontre de ses disciples. Cela faisait d'ailleurs plus de vingt ans qu'il commettait tous ces crimes, tout cela dans la plus grande impunité, et surtout le silence complice des autorités tibétaines, à commencer par le dalaï-lama lui-même.


En août 2017 toutefois, le dalaï-lama avait fini par répudier Sogyal Rimpotché : « Sogyal Rinpoché, my very good friend. Now he is disgraced » (Sogyal Rimpotché, mon très bon ami. Maintenant, il est en disgrâce). L'union bouddhiste de France (UBF), très lente également à la détente, avait fini par critiquer ouvertement Sogyal et retiré son mouvement, Rigpa, de la liste de ses membres. On aurait pu penser qu'un changement réel allait avoir lieu au sein du bouddhisme tibétain. Mais en fait, non.


Pire que cela, Sogyal a été réhabilité en douce. Les centres Rigpa ont été réintégrés par l'UBF, les documents où l'UBF et Matthieu Ricard critiquaient Sogyal ont disparu mystérieusement de leur site respectif... Et avant-hier, je suis tombé sur un article du blog « Dans le sillage d'Advayavajra » daté du 7 mai et intitulé : « Des liens indestructibles : Shechen Rabjam chez Rigpa ». Cet article raconte la visite de Shechen Rabjam au centre Rigpa de Lérab Ling dans le sud de la France, qui était le quartier général de Sogyal Rimpotché. Cela m'a mis extrêmement en colère. Shechen Rabjam est l'abbé du monastère de Shechen à Katmandou (Népal), le monastère de Matthieu Ricard. Il est aussi le petit-fils de Dilgo Khyentsé Rimpotché, et c'est un membre important et respecté de l'école Nyangmapa, une des quatre grandes écoles du bouddhisme tibétain, dont font partie les centres Rigpa.


Rendre visite à un centre, cela revient à le cautionner. Shechen Rabjam fait comme si l'affaire Sogyal Rimpotché n'avait pas eu lieu. Pire que cela, une grande photo de Sogyal Rimpotché trône toujours dans le temple de Lérab Ling. Ici, pas de disgrâce pour le gourou abuseur ! Je trouve cela abject. Quand on va sur le site de Rigpa France, on peut tomber sur une biographie de Sogyal Rimpotché, ou plutôt une hagiographie. Une petite phrase mentionne bien ses délicatesses avec la justice, mais très succinctement : « Après avoir été Directeur Spirituel de Rigpa durant quarante ans, Sogyal Rinpoché s’est retiré, suite à des accusations d’inconduite provenant d’anciens étudiants ». C'est tout. On ne sait pas si ces accusations sont fondées ou non, et comment les responsables des centres Rigpa se situent par rapport à ce scandale, et comment ils comptent faire en sorte que cela ne se reproduise jamais. Ces gens font comme si de rien n'était. Et c'est extrêmement gênant !


Je reprendrai à mon compte la réflexion qui conclut l'article de « Dans le sillage d'Advayavajra » : « La sortie du Dalaï-lama, les “accusations concordantes”, contre Sogyal Lakar, qui “correspondent en aucun cas à l’éthique bouddhiste et se révèlent injustifiables à tous points de vues” (UBF 03/08/2017), ainsi que le rapport Rapport Lewis-Silkin, n’empêchent en rien le discret retour en grâce post-mortem du gourou “disgracié”. Les “grands lamas” nyingmapas semblent avoir aucun mal à s’associer avec le portrait grandeur nature de Sogyal Lakar, trônant au centre du temple de Lerab Ling. Le silence du Bouddhisme digère tout, sans avoir à s’excuser, dédommager, réhabiliter les victimes, s’adapter, s’amender ; c'est simplement une question de détermination et de temps ».



Frédéric Leblanc, le 9 mai 2023






Une enseignante de Rigpa fait un discours sous la photo de Sogyal Rimpotché






Shechen Rabjam fait sa joyeuse entrée au centre Rigpa "Lerab Ling" 



NB : ces deux photos sont tirées de la page Facebook de Lerab Ling





Lire également :


- L'affaire Sogyal (réflexion sur comment les abus de pouvoir peuvent être commis au sein du bouddhisme tibétain)



- Une dictature bienveillante (critique du livre du lama Dzongzar Djamyang où celui-ci défend l'obéissance aveugle au lama, même si ce dernier a un comportement critiquable et répugnant)





lundi 8 mai 2023

Le bouddhisme est-il une religion ?

 

Je viens de tomber sur un communiqué de presse du Centre d'Action Laïque (CAL) en Belgique francophone qui conteste au bouddhisme sa qualité de « philosophie ». Avant d'aborder le sujet, je pense qu'il est bon de faire un petit récapitulatif de ce qu'est la « laïcité » dans la conception belge, parce qu'il y a des différences notables par rapport à ce qu'on entend par « laïcité » en France notamment. En France, la laïcité est un principe de séparation du pouvoir politique du pouvoir religieux. Et la France est une république laïque, contrairement à la Belgique où l’Église n'est pas séparée de l’État belge. En Belgique, l’État finance l’Église ; et chaque année, il y a une messe de Te Deum célébrée en l'honneur du Roi, et la famille royale ne se cache pas d'être très catholique, et même proche des milieux conservateurs au sein de ce catholicisme, comme le renouveau charismatique. La Belgique reconnaît néanmoins d'autres cultes comme le protestantisme, l'orthodoxie, le judaïsme, l'islam et l'anglicanisme qui reçoivent des fonds de l’État.


La Belgique reconnaît aussi un courant philosophique non-confessionnel dans les associations laïques, c'est-à-dire le Centre d'Action Laïque en Belgique francophone et l'Unie Vrijzinnige Verenigingen (UVV) en Belgique néerlandophone. Historiquement, ce courant laïque s'est construit en opposition frontale avec l’Église catholique très influente dans le paysage politique belge du XIXème et du XXème siècle. Ce qui fait que « laïque » et « libre-penseur » sont devenus des synonymes d'athée en Belgique.


C'est dans ce contexte politique que, depuis une vingtaine d'années, les associations bouddhistes réclament d'être reconnues par l’État belge. Mais pas comme une religion au côté du christianisme, du judaïsme ou de l'islam, mais plutôt comme courant philosophique non-confessionnel tout comme la laïcité et faisant concurrence en quelque sorte à cette laïcité à la belge. Et ce 17 mars 2023, le ministre fédéral de la justice a approuvé un avant-projet de loi qui reconnaît l'Union Bouddhiste Belge (UBB) le bouddhisme comme courant philosophique non-confessionnel 1.


Cela chagrine le Centre d'Action Laïque qui reprend le 21 avril 2023 un communiqué2 de l'Association belge des Athées (association constitutive du CAL s'il fallait encore une preuve qu'en Belgique laïcité = athéisme) : « Le 17 mars 2023, le gouvernement belge a adopté un avant-projet de loi qui accorde au bouddhisme une reconnaissance officielle comme philosophie non confessionnelle. Autant la reconnaissance du bouddhisme va de soi à nos yeux, autant sa qualification comme philosophie non confessionnelle est un contre-sens ».


Qu'en est-il ? Le bouddhisme est-il une religion ou une philosophie (non-confessionnelle) ? En réalité, les deux. Selon les gens, le bouddhisme sera plutôt une philosophie ou plutôt une religion. Cela dépend des conceptions et des pratiques de chaque personne se revendiquant « bouddhiste ». Néanmoins, des deux, la philosophie du Bouddha est une première, le culte du Bouddha vient ensuite. Toute sa vie, le Bouddha a enseigné une philosophie consistant essentiellement en une conduite éthique, en la pratique de la méditation ainsi qu'en la vision juste des phénomènes, c'est-à-dire la sagesse. La religion liée au Bouddha vient directement après sa mort, au moment où des familles nobles se disputent pour savoir qui aura le privilège de bâtir un stoupa en l'honneur du Bouddha. Quelques temps auparavant, le Bouddha avait refusé que les moines se soucient d'une telle chose. Ānanda avait demandé : « De quelle façon, ô Vénéré, devons-nous comporter envers le corps de l'Ainsi-Allé (le Bouddha) ? », et le Bouddha avait répondu de manière assez tranchée : « Ne vous occupez pas de rendre un culte au corps de l'Ainsi-Allé, ô Ānanda. Occupez-vous de votre propre tâche. Engagez-vous dans votre propre tâche. Demeurez attentifs, vigilants, ardents, résolus dans votre propre tâche. Il y a, ô Ānanda, des érudits aristocrates, des érudits brahmanes et des érudits chefs de famille qui sont particulièrement contents de l'Ainsi-Allé : ceux-là rendront un culte au corps du de l'Ainsi-Allé » 3. Après la crémation du Bouddha, un brahmane un plus avisé que les autres partagent les cendres du Bouddha en huit parts pour chaque famille importante afin que personne ne soit lésé, et ces cendres seront collectées dans huit stoupas dont il est à noter qu'on a complètement perdu la trace aujourd'hui ! Les moines ne se préoccupaient pas à cette époque de ce genre d'édifice religieux. Cela leur était complètement égal : « leur tâche » n'était pas de vénérer des lieux de culte, mais bien de mettre de mettre en pratique le Dharma, le Noble Octuple Chemin, le chemin philosophique qui mène à la libération. « Leur tâche » était aussi de transmettre l'enseignement du Bouddha. Et cela a été fait puisqu'on a conservé beaucoup d'enseignements du Bouddha, mais pas les endroits où ses restes ont été conservés.


Au fil de siècles, ce culte du Bouddha a pris de l'ampleur au point de faire de l'ombre au message philosophique du Bouddha. Dans de très nombreux coins d'Asie, le bouddhisme se résume plus à la vénération un peu idolâtre de statue de Bouddha ainsi qu'à des chants et des rituels en effet qu'à la pratique du Dharma dans ses trois composantes essentielles : conduite éthique, méditation et sagesse. Je le regrette personnellement.


C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec le Centre d'Action Laïque quand ils disent : « Le bouddhisme est certes aussi une philosophie, une sagesse qui aide à vivre, mais cette dimension philosophique et éthique est tout aussi incontestablement présente dans le judaïsme, le christianisme et l’islam. L’inexistence dans les traditions bouddhiques d’un Dieu créateur ou d’un Être suprême n’autorise pas à exclure le bouddhisme de la sphère religieuse ». Dans les traditions religieuses comme le judaïsme, le christianisme et l'islam, il y a d'abord une profession de foi envers un Dieu créateur, un texte révélé qui ne peut pas être remis en question et la croyance en un clergé ou une communauté religieuse qui incarne cette volonté de Dieu, puis ensuite, éventuellement, des gens qui ont un discours philosophique au sein de cette religion comme Saint-Augustin, Saint-Thomas d'Aquin, Maïmonide, Averroès ou Avicenne. Mais ceux-ci ne viennent que bien après la profession de foi originelle et l'établissement de la religion.


Dans le bouddhisme, il y a d'abord un discours philosophique qui ne doit pas être cru comme une révélation religieuse, mais comme un discours qui fait sens tant dans sa logique et sa rationalité que dans l'expérience individuelle du pratiquant qui fait l'expérience du Dharma. C'est le sens du célèbre message que le Bouddha adresse au peuple des Kālāmas : « Il est juste pour vous que vous soyez dans le doute et d'être dans la perplexité. Car le douté est né chez vous à propos d'une matière douteuse. Venez, ô Kālāmas, ne vous laissez pas guider par des révélations, ni par une tradition religieuse, ni par ce que vous avez entendu dire. Ne vous laissez pas guider par l'autorité des textes religieux, ni par ce qui semble logique ou les allégations, ni par les apparences, ni par la spéculation sur des opinions, ni par des vraisemblances probables, ni par la pensée que "ce religieux est notre maître bien-aimé".


Cependant, ô Kālāmas, lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses sont défavorables, que de telles choses blâmables sont condamnées par les sages et que, lorsqu'on les met en pratique, ces choses conduisent au mal et au malheur, alors à ce moment-là, abandonnez-les. (...) Lorsque vous savez par vous-mêmes que certaines choses sont favorables, que de telles choses louables sont pratiquées par les sages et que, lorsqu'on les met en pratique, ces choses conduisent au bien et au bonheur, alors pénétrez-vous de ces choses et pratiquez-les ».


Dans le bouddhisme, il y a d'abord ce choix philosophique, puis seulement après, parce que le Bouddha a atteint une forme d'absolu ou de transcendance, les gens se sont mis à vénérer le Bouddha, à construire des statues et faire des rituels au lieu de pratiquer la conduite éthique, la méditation et la sagesse. Le culte du Bouddha s'est développé un peu comme la taille des statues du Bouddha et aux dépens souvent de la philosophie du Bouddha. Mais il n'en reste pas moins que cette philosophie est première, et la seule chose essentielle du bouddhisme. Je pense donc qu'on ne peut pas exclure totalement le bouddhisme de la sphère religieuse certes, mais on ne peut pas non plus exclure trop vite le bouddhisme de la sphère de la philosophie comme les voudraient les laïques.


En outre, le bouddhisme est composé de toutes sortes de courants qui, en Asie, sont considérés comme des religions ou courants philosophiques radicalement différents. Un peu comme en Occident, on considère que le catholicisme et le protestantisme comme des religions différentes. Sauf que les différences sont encore plus marquées entre le bouddhisme tibétain, le bouddhisme Zen, le bouddhisme de la Terre Pure, le bouddhisme Theravāda qu'entre les différents courants du christianisme. Au moins les chrétiens reconnaissent la Bible comme fondement de leur religion. Certains bouddhistes reconnaissent seulement les soûtras du canon pâli, d'autres les soûtras du Grand Véhicule et d'autres mettent les tantras au-dessus des soûtras. Dans toute cette diversité, il n'est pas inutile de se reconnaître un plus petit dénominateur commun aux yeux de la société belge, et ce plus petit dénominateur commun n'est autre que la philosophie du Bouddha.



Frédéric Leblanc, le 8 mai 2023




1 « Reconnaissance du bouddhisme » (17 mars 2023) sur le portail officiel News Belgium : https://news.belgium.be/fr/reconnaissance-du-bouddhisme


2 « Le bouddhisme est une religion » (21 avril 2023) sur le site du CAL : https://www.laicite.be/le-bouddhisme-est-une-religion/


3 Mahā Parinibbāna Sutta, le Soûtra de la Grande Extinction Finale, qui raconte les derniers mois de la vie du Bouddha. Môhan Wijayaratna, « Le dernier voyage du Bouddha. Avec la traduction intégrale du Mahā Parinibbāna Sutta », éditions LIS, Paris, 1998, p. 96.









La tour japonaise à Laeken (Bruxelles) construite entre 1900 et 1904, 
et proche de l'Atomium et du palais royal.








Voir également à propos de la conception du bouddhisme comme philosophie ou religion :


















Le Bouddha Amida (Amithaba) 
dans le parc de Mariemont (Hainaut, Belgique)







dimanche 23 avril 2023

Pour quoi l'école ?



Dans son émission « Quelle époque ! » (France 2) du 22 avril 2023, Léa Salamé demande à un footballeur et à un basketteur : « Gagner autant d'argent, est-ce que cela fait péter les plombs ? ». Le basketteur répond : « On pose trop cette question en France ! » Léa Salamé rétorque : « Justement, je pose la question parce que vous dites tous les deux dans vos interviews qu'aux États-Unis ou à Londres, on ne pose jamais la question ». Et le footballeur d'enfoncer le clou : « C'est le rêve américain. Qu'est-ce qu'on dit à nos enfants ? Les enfants, on les envoie à l'école pour quoi ? Pour quoi on dit à nos enfants : il faut que tu travailles bien à l'école, que tu ais un super-boulot ? Pourquoi ? » Une invitée sur le plateau répond : « Pour gagner de la thune ! »


Puis Léa Salamé demande : « Vous pensez que les Français ont un problème avec la réussite ou avec l'argent ? » Et le footballeur répond : « Avec la jalousie ». Tout le monde applaudit sur le plateau, et la journaliste Christine Ockrent en rajoute une couche : « Les Français ont un problème avec l'argent des autres. Le leur, il le cache. Et la jalousie bien sûr face au succès, c'est très français ».


Je ne vais pas m'étendre sur ce tabou de l'argent en Europe comparé à la facilité d'en parler aux États-Unis. Je rappelle qu'une prof d'arts plastiques a été virée au pays des libertés parce qu'elle avait montré à ses élèves une photo du David de Michel-Ange 1 ! Je préfère vivre dans un pays où un certain tabou pèse sur l'argent plutôt que de vivre dans un pays où le puritanisme fait la loi et réprime l'art. Ce tabou ne me semble pas vraiment être si problématique que cela : il exprime, il me semble, par sa gêne et son embarras l'idée et la conscience qu'une réussite trop éclatante se fait quasiment toujours aux dépens des autres et du bien commun. Évidemment, les ultra-riches préfèrent que ce tabou perdure pour que les mécaniques libérales qui vont les rendre encore plus riches s'exercent sans complexe et sans régulation. C'est ce qu'exprimait sur Twitter la personne qui a partagé l'extrait interpellant de cette émission de France 2 : « Il n'y a rien de pire que l'entre-soi bourgeois. Enfin si : l'entre-soi bourgeois qui se moque des pauvres ».


Mais ce que je trouve le plus gênant dans cette séquence, c'est la réflexion du footballeur : « Les enfants, on les envoie à l'école pour quoi ? Pour quoi on dit à nos enfants : il faut que tu travailles bien à l'école, que tu ais un super-boulot ? ». En tant que prof, je trouve cela catastrophique. On ne va pas à l'école pour plus tard « gagner de la thune ». On va à l'école pour devenir un citoyen, pour recevoir en transmission un héritage culturel et pour contribuer au bien commun. Bien sûr, tous les parents veulent que leurs enfants gagnent un salaire décent. Mais ce n'est pas la même chose : les parents veulent simplement que leurs enfants soient dans la sécurité financière et la sécurité de l'emploi qui leur permettront de mener une vie digne et heureuse, de fonder éventuellement une famille à leur tour. Gagner un salaire, un moyen d'existence, ce n'est pas du tout la même chose que de « gagner de la thune », s'en mettre plein les poches, augmenter ses profits toujours plus.


En fait, même pour des parents dont l'ambition seraient que leurs enfants gagnent plein d'argent, soient capitaine d'industrie ou sportifs aux contrats mirobolants, je ne conseille pas de raconter à leurs enfants que travailler à l'école, c'est pour gagner de l'argent plus tard. Tout simplement parce qu'une motivation lointaine est beaucoup plus difficile à tenir que le plaisir immédiat d'apprendre et de progresser. Les enfants qui réussissent le mieux à l'école sont ceux qui trouvent une gratification et un accomplissement dans ce qu'ils apprennent. Celui qui se dit : « je vais gagner de l'argent plus tard » finit par s'ennuyer ferme sur les bancs de l'école et souvent décroche de son cursus scolaire. Tout ramener à l'argent, c'est étouffer la curiosité, l'envie de savoir et tarir la joie de la découverte. Je trouve cela très dommageable tant pour les enfants que pour la société.



Frédéric Lelanc, le 23 avril 2023





La séquence de « Quelle époque ! » du 22 avril 2023

https://twitter.com/jdicajdisrien/status/1650023499510038528





samedi 5 novembre 2022

La pleine conscience, une dérive sectaire ?

 


Je viens de tomber sur le rapport 2022 de la Miviludes, la mission interministérielle française contre les sectes et les « dérives sectaires ». Assez étonnamment, il y a quelques pages consacré à la méditation de pleine conscience dans ce rapport (pp. 111-117). C'est de prime abord assez choquant, mais surtout c'est le contenu de ces pages qui pose question et qui me laisse très dubitatif. Je voulais donc faire ici une petit compte-rendu et fournir une réflexion critique.


Tout d'abord, qu'est-ce que la méditation de pleine conscience ? C'est la méditation basée sur l'attention et la vigilance prônée dans le bouddhisme, qui peut parfois être associée à des pratiques issues du yoga hindouiste. Au XXème siècle, le psychiatre Jon Kabat-Zinn a repris ce terme de pleine conscience (mindfulness en anglais) au moine vietnamien Thich Nhat Hanh pour en faire une pratique thérapeutique expurgée de son contexte bouddhique et toute croyance métaphysique comme la théorie du karma. Je précise aussi que Kabat-Zinn a coupé la pleine conscience de la conduite éthique et de la sagesse (la compréhension juste des phénomènes) en ne gardant que la méditation. Or le Dharma du Bouddha se divise en 3 grandes sections : la conduite éthique, la méditation et la sagesse, et la méditation ne peut pas être pleinement comprise sans une conduite juste et apaisée ainsi qu'un effort de compréhension du monde et des phénomènes. Pour être juste avec Kabat-Zinn, précisons que le fait de se séparer artificiellement la méditation de toute discipline et de tout effort de sagesse était déjà en vigueur dans le bouddhisme que les hippies pratiquaient depuis les annnées '60. Kabat-Zinn n'a finalement fait que reprendre quelque chose qui était dans l'air du temps et qu'il a adapté au monde médical.


Ensuite cette méditation de pleine conscience médicalisée ou MBSR (Mindfulness Based Stress-Reduction, la réduction du stress basée sur la Pleine Conscience) s'est propagée dans toutes sortes de milieu, notamment le développement personnel, mais aussi et surtout s'est intégré avec le New-Age et son patchwork de croyances et de pratiques variées et colorées. Ce qui fait qu'aujourd'hui, parler de « méditation de pleine conscience » ne nous dit pas grand-chose sur ce qui va nous être proposé ! Comme le dit la rapport de la Miviludes (p. 111) : « La méditation peut être entendue comme une simple technique, être présentée comme authentiquement orientale, occidentalisée ou laïque, être associée à une approche religieuse, spirituelle ou philosophique. Elle peut aussi être associée à des soins (rééquilibrage ou soins énergétiques, hypnose, sophrologie, médecine ayurvédique, etc.), à des techniques de développement personnel (ennéagramme, pensée positive, communication non violente), voire au magnétisme, à l’astrologie et même au chamanisme ». C'est un peu le gloubi-boulga. Ce qui rend gênant de critiquer la méditation de pleine conscience dans sa globalité, sauf à vouloir jeter facilement l'opprobre sur une catégorie de la population.


Quels reproches fait donc la Miviludes à la méditation de pleine conscience ? Premièrement, des gens se plaignent de voir une chose tout à fait différente de l'idée qu'ils se fond de la « méditation de pleine conscience ». Ainsi, la Miviludes nous dit (p. 111) : « les saisines de la MIVILUDES montrent des pratiques diverses et parfois éloignées de l’idée générale que l’on peut avoir de la méthode et de ses objectifs) ou de promesses trompeuses (mise en avant de bienfaits et de résultats pouvant relever de la publicité mensongère) ». C'est précisément ce que l'on vient de dire : la pleine conscience est un terme qui regroupe tellement de pratiques disparates que cela engendre forcément la tromperie, la publicité mensongère et les promesses trompeuses. Quelqu'un qui souhaite pratiquer la méditation du Bouddha et qui se retrouve dans un rituel chamanique ne peut être que désorienté !


La Miviludes met aussi le doigt sur des abus financiers (p.111) : « Plusieurs signalements font également état d’exigences financières disproportionnées eu égard aux moyens économiques des personnes concernées, ainsi qu’une certaine marginalisation et des changements importants dans les trajectoires personnelles des pratiquants ». on aurait aimé des précisions et des cas précis. Il y a des cas au sein du bouddhisme traditionnel (je pense à l'affaire Sogyal Rimpotché notamment), mais aussi dans le développement personnel et le New Age. Malheureusement, la Miviludes ne s'étend pas sur ce sujet sensible. Ce qui est pourtant sa fonction.


La Miviludes termine sa liste des critiques en mettant les retraites intensives de méditation et les personnes qui craquent psychologiquement n(p. 111) : « Enfin, s’ils sont peu nombreux, la MIVILUDES a reçu quelques signalements circonstanciés de personnes très ébranlées et perturbées par des retraites méditatives silencieuses ou d’épisodes consécutifs dépressifs. S’agissant des mineurs, la MIVILUDES a réceptionné des signalements, mentionnant un isolement excessif générateur d’angoisse, des conditions matérielles trop rigoureuses et des privations ». Une retraite de méditation intensive peut effectivement être éprouvante psychologiquement ; c'est pourquoi il vaut mieux y être préparé par une pratique quotidienne de la méditation. Il vaut mieux prendre son temps et y aller progressivement. Je sais que, malheureusement, ce n'est pas une opinion partagée par tout le monde : je pense notamment aux retraites vipassana où on pousse des gens qui n'ont jamais médité de leur vie à faire 10 jours au rythme de 15 heures par jour assis en lotus. Certains trouvent cela génial, mais on parle peut-être moins de ceux qui moins bien vécu la chose !


Concernant, la méditation pour les enfants, j'ai déjà exprimé par le passé mon scepticisme (voir mon article « Si tous les enfants de huit ans »). Pour faire bref, je pense que la méditation est surtout un truc d'adultes et qu'il faut être très vigilant et très souple dès lors qu'on parle de méditation aux enfants, notamment à l'école. Je pense aussi qu'il faut ne pas trop attendre de la méditation qui leur est destinée et, surtout, ne pas être trop exigeant envers ces enfants. Néanmoins, quand la Miviludes dit avoir « réceptionné des signalements, mentionnant un isolement excessif générateur d’angoisse, des conditions matérielles trop rigoureuses et des privations », on ne sait pas très bien de quoi elle parle, certainement pas de méditation pour les enfants pratiquées dans les écoles, mais probablement de signalement de sectes comme OKC où les enfants étaient séparés de leurs parents. Je trouve que ce flou entretenu par la Miviludes est extrêmement criticable ! Cela permet en parlant de faits liés de toute évidence à UNE secte en particulier d'attaquer TOUS les pratiquants de la méditation de pleine conscience. C'est assez méprisable comme procédé.



Ensuite, tout l'argumentaire de la Miviludes va être de remettre en question le bien-fondé des expériences qui accordent des bienfaits à la méditation de pleine conscience : « Des scientifiques s’emparent ainsi du sujet et cherchent à travailler sur les effets mesurables de la pratique de la méditation de pleine conscience. Toutefois, les études menées posent question notamment en ce qui concerne l’indépendance des chercheurs, et par conséquent l’objectivité des études. Par qui ou par quel organisme sont-elles financées ? Sur les 2 000 publications traitant de la méditation, combien d’entre elles sont rigoureusement étayées et contrôlées ?  »


Personnellement, je me méfie de la volonté de tester scientifiquement la méditation. Non pas que je sois contre la science, j'ai au contraire le plus grand intérêt pour la science. Mais je ne pense pas que la science puisse expliquer tout ce qui se passe en méditation, et je ne pense pas non plus qu'on devrait toujours s'en remettre à la science. Si la méditation de pleine conscience guérit la dépression dans 70% des cas, et alors ? Vous n'êtes pas 70% ! Vous êtes une personne unique qui ne se réduit pas à une statistique, vous pouvez très bien être dans les 70% sur qui la pleine conscience va diminuer votre dépression, ou dans les 30% sur qui votre dépression va continuer à vous pourrir la vie. Que vous soyez ou non guéri de la dépression ne devrait pas être le critère central de votre décision pour faire ou non de la méditation. Le critère, vous devez aller le chercher dans votre expérience personnelle. Ce qui est important, ce n'est pas la dépression elle-même, mais comment vous allez vivre subjectivement cette dépression. (NB : Je précise que j'ai inventé à titre d'exemple les « 70% », je ne connais pas les chiffres des études, et peu m'importe ici, l'idée est de ne pas trop s'attacher aux statistiques des études scientifiques, même favorables)


Est-ce que selon vous la méditation vous semble justifiée ou non ? Est-ce que cela vous apporte quelque chose ou non ? Vous ne devriez pas vous en remettre totalement à la science, car la science étudie des objets (avec le plus d'objectivité possible, les deux mots sont liés). Or vous, vous êtes un sujet, pas un objet, la méditation n'est pas comme un médicament dont on observe l'efficacité sur un panel de cobayes. Dans la méditation, c'est vous qui vous changez vous-mêmes, la logique n'est pas du tout la même qu'un médicament avec ses substances actives.


Mais j'en reviens à la charge de la Miviludes contre les études scientifiques sur la méditation de pleine conscience (p. 113) : «  (Des scientifiques) mettent en évidence plusieurs biais méthodologiques : absence d’essais randomisés, échantillonnages restreints, non-respect des protocoles en double-aveugle, et absence de groupes témoins ». Ils mentionnent également des études retirées et des résultats partiaux, mais aussi des résultats probants de Richard Davidson, mais qu'ils tempèrent directement et remettent en question : « Plus récemment, en 2018, l’équipe de Richard Davidson, de l’université du Wisconsin (Madison, États-Unis) et d’Antoine Lutz, du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (2018) montre, à partir de l’observation du cerveau de 90 volontaires, que la méditation de pleine conscience aiderait à apaiser la zone du cerveau responsable de la peur et du stress, l’amygdale. Ces résultats sont cependant à nuancer au regard des limites méthodologiques précédemment citées » (p. 114). Cette « nuance » s'opère de manière totalement partiale, mais les rédacteurs de la Miviludes font mine d'ignorer que la partialité ne va pas que dans un sens.


Personnellement, je l'ai déjà dit, les études scientifiques, qu'elles soient positives ou négatives, doivent être considérées avec suspicion et esprit critique. Une étude qui met en lumière des effets positifs de la méditation n'est pas une preuve absolue des bienfaits de la méditation exactement comme une étude qui nierait ces bienfaits ou les considérait comme négligeable n'est pas non plus une preuve invalidant la méditation et la renvoyant à la superstition. La science n'est pas et ne devrait pas être le caractère essentiel pour vous décider de faire de la méditation ou pas. C'est la conscience qui devrait être le juge principal pour cela. Et encore une fois, je répète que je ne suis pas anti-science, la science est une activité essentielle pour comprendre objectivement le monde, mais cela ne devrait pas le guide de chacun de vos gestes et chacune de vos pensées.


Ceci étant dit, qu'on trouve que la science soit pertinente ou non pour avoir le dernier mot sur la méditation de pleine conscience, on peut légitimement s'interroger sur la place qu'occupe les études scientifiques dans le rapport de la Miviludes. S'il agissait de se questionner sur le bien-fondé d'implémenter telle ou telle pratique de la pleine conscience dans des unités de soin des hôpitaux publics français, je pourrais encore le comprendre, même si c'est à des médecins, des psychiatres ou à des psychologues de trancher sur cette question. Mais ici, il s'agit uniquement de jeter le discrédit en supposant que c'est un complot pour mieux répandre cette pratique dans la population (p. 114) : « Dans ce foisonnement d’études, il est alors possible de se demander si les scientifiques s’emparent du sujet dans l’objectif de mesurer précisément les effets de la méditation de pleine conscience sur la santé ou si cet intérêt scientifique croissant ne s’inscrit pas dans une stratégie plus large de diffusion et de promotion de la méditation de pleine conscience en Occident » (p. 114). Ou encore le complot de toucher les royalties de la méditation (pour une pratique qui, rappelons-le, dans son versant bouddhiste, est vieille de plus de 2500 ans) : « Quels intérêts économiques et quelles motivations se trouvent derrière la volonté d’implanter la méditation dans tous les domaines de la vie des citoyens, et ce dès l’enfance? A l’instar d’autres pratiques, existera-t-il un copyright attaché à la « mindfulness » qui bénéficierait financièrement à ses fondateurs ? » (P. 115) C'est là où on se rend compte que le complotisme n'est pas nécessairement là on le croit d'habitude....


Enfin, la Miviludes mentionne des effets secondaires négatifs et des contre-indications à la méditation de pleine conscience, notamment pour les personnes souffrant de dépression, d’addictions, de schizophrénie, de troubles bipolaires ou risque psychotique. Effectivement, présenter à ces personnes la méditation comme un médicament comme un remède n'est pas vraiment une chose recommandée. Que cela aggrave les choses, je n'en suis pas certain par contre (je parle bien entendu de méthodes sérieuses de pleine conscience, pas du gloubi-boulga new-age où on peut raconter tout et n'importe quoi).


Le rapport mentionne aussi le témoignage d'une néphrologue de l'hôpital de la Pitié-Salpétrière à Paris : « Dans une phase où les symptômes de dépression sont trop intenses, un programme qui consiste à retourner le projecteur vers soi-même et à explorer ses émotions serait assimilable à une torture » (p. 115) Je pense que cela est vrai, et pas seulement pour des personnes dépressives, il suffit de traverser un moment de désespoir dans la vie pour rendre l'attention à notre discours mental, au flot intérieur de pensées particulièrement pénible car cela nous confronte directement à la partie sombre de nous-mêmes. Et c'est une épreuve particulièrement difficile. C'est pourquoi je réfute fermement l'assimilation de la méditation à un « médicament ». Cela n'a rien d'un médicament qui rendrait notre vie plus confortable. La méditation est souvent une épreuve très dure à vivre parce qu'elle nous confronte directement à l'existence qui est souvent difficile. On n'y plane pas comme sur un petit nuage comme un certain stéréotype de la méditation voudrait nous le faire croire ! Pour moi, cela n'est pas une « contre-indication » à la méditation, vocabulaire médicamenteux, mais bien quelque chose dont les enseignants doivent prévenir ceux qui veulent se lancer dans la méditation : « la méditation n'est pas une pilule du bonheur. C'est une voie qui n'est pas facile tous les jours. Vous aurez affaire à la peur, à l'angoisse, à la haine et au ressentiment, à la culpabilité, à la tristesse et au désespoir et toutes sortes d'émotions négatives ; tout cela fait partie de votre esprit ! ». C'est comme un guide de montagnes qui se doit de dire aux gens qu'ils guident : « oui, il y aura des pentes ardues, des descentes glissantes, des ravins et des escarpements dangereux ». Les pentes difficiles et les sentiers étroits le long d'un ravin ne sont pas une contre-indication à la pratique de la randonnée ! La méditation ne vous guérit pas du désespoir, c'est juste un moyen d'aller au-delà du désespoir et de vivre avec ce désespoir.






*****





En conclusion, je réaffirme que ces quelques pages du rapport de la Miviludes sont problématiques, qu'il s'agit d'une tentative malveillante de discréditer l'entièreté de la pratique de la méditation de pleine conscience comme irrationnelle et dangereuse. Il m'aurait semblé préférable de faire la part des choses, d'insister d'emblée sur les différentes conceptions qui sont regroupées sous le vocable « pleine conscience » et de préciser des problématiques spécifiques et les remèdes qui peuvent être apportés pour améliorer la situation. Mais cela n'a pas été fait dans ce rapport tant était forte la volonté de jeter le discrédit sur un ensemble de personnes qui sont aussi des citoyens.



Frédéric Leblanc, 

le 5 novembre 2022

















Lire également : 


- Philosophie eudémoniste et développement personnel


- Si tous les enfants de 8 ans (1ère partie & 2ème partie) : Critique de la méditation adressée aux enfants


Mushotoku, sans but, ni profit  : On entend beaucoup parler ces temps-ci de méditation dans les entreprises, des bienfaits de la pleine conscience ou mindfulness dans le management. Mais est-il judicieux de réduire la méditation à une pratique prometteuse en terme d'augmentation de la productivité ?












vendredi 4 novembre 2022

Les bienfaits de l'Esprit d'Éveil (I, 12)

 

Les bienfaits de l'Esprit d'Éveil (I, 12)

Commentaire du Bodhisattvacaryāvatāra de Shāntideva


12. Tel un bananier qui a donné des fruits,

Toutes les autres vertus s'épuisent.

Mais l'arbre de l'esprit d'Éveil toujours fructifie

Et croît sans s'épuiser.



Il est difficile de maintenir une qualité morale sur le long terme. Par exemple, la générosité peut s'exercer une fois sans trop de problème. Mais quand on est constamment sollicité, notre générosité s'épuise, nos moyens ne sont pas illimités. Pareillement, persévérer dans nos efforts conduit à un moment ou un autre à l'épuisement. L'esprit d'Éveil ou bodhicitta ne répond pas à cette logique : le souhait ardent que tous les autres êtres sensibles soient libérés de toute souffrance et de toute confusion existentielle peut constamment être renouvelé encore et encore et s'intensifier. Et même quand on s'est suffisamment imprégné de cet esprit d'Éveil, celui-ci se manifeste spontanément sans qu'aucun effort ne soit nécessaire.








Hidenobu Suzuki







Voir aussi : 

Les bienfaits de l'Esprit d'Eveil (I, 1 à 3)

Les bienfaits de l'Esprit d'Eveil (I, 4)

Les bienfaits de l'Esprit d'Eveil (I, 5)

Les bienfaits de l'esprit d'Eveil (I,6)

Les bienfaits de l'esprit d'Eveil (I,7)

Les bienfaits de l'esprit d'Eveil (I,8)

- Les bienfaits de l'esprit d'Eveil (I, 9, 10 & 11)