De l'art de la paix en
temps de zombification massive
(Attention : cet article est tout entier un spoiler de l'épisode 4 de la 6ème saison!)
Récemment, j'ai publié
un article sur la série télévisée américaine « The Walkind
Dead » où je parlais de l'idéologie qui sous-tend toute la
série : L'homme
est un zombie pour l'homme. J'essayais de mettre en valeur la
mentalité conservatrice et religieuse, l'idée que l'homme
représente toujours une menace pour son prochain et que le port des
armes à feu est une nécessité vitale pour contrer tout le mal que
les morts et les vivants pourraient nous faire. Je n'avais pas vu à
ce moment-là le dernier épisode où l'on peut sentir comme une
inflexion idéologique dans le discours.
L'épisode est centré
sur le personnage de Morgan Jones qui était apparu en présence de
son fils au tout début de la série. C'est lui qui explique à Rick
Grimes comment le monde est devenu et comment il peut échapper aux
zombies, comment il peut les tuer définitivement. On le revoit dans
un épisode de la saison 3 où il a perdu son fils et semble devenu
complètement fou et paranoïaque. Cet épisode, très beau, montre
comment il a évolué et s'est sorti de sa folie meurtrière et de son désespoir absolu grâce à
un psychiatre, Eastman qui pratique l'aïkido, qui est végétarien et
pour qui le respect de toute vie est un principe central de son
action dans ce monde en proie au chaos. Eastman donne un livre
intitulé « L'art de la paix » à Morgan pour lui
suggérer une autre approche de l'existence. « L'Art de la
Paix » est un recueil de pensée de Morihei Ueshiba, le
fondateur de la discipline de l'aïkido. Morihei Ueshiba y dit
notamment : « Blesser un adversaire, c’est se blesser
soi-même. Contrôler une agression sans infliger de blessure, c’est
l’Art de la Paix ». La pratique des arts martiaux doit
idéalement nous amener à ne pas nous battre.
Bien que Morgan ait
attaqué à plusieurs reprises Eastman, celui-ci ne cherche pas à le tuer ou
le neutraliser. Il lui demande seulement de retrouver le sens de la
vie. Eastman conserve un optimisme dans l'idée de changer les hommes, à les amener à se transformer dans le sens du bien. Eastman évoque le fait qu'il était en charge de détenus avant la catastrophe dont il devait examiner s'il pouvait sortir de son prison : sur plus de 800 cas examinés, seul un était véritablement un monstre, dit-il. Pour lui, tout le monde peut guérir et retrouver l'équilibre. « Tant qu'il y a de la vie, il y a du potentiel ». Il passe beaucoup de temps à enseigner sur les berges du fleuve les principes tant physiques que spirituels de l'aïkido à Morgan : « Il s'agit de dévier et d'éviter, tout en se souciant du bien-être de ton adversaire ».
Cet enseignement de la
non-violence tranche nettement avec la frénésie pour les armes à
feu qui traverse toute la série et la violence à l'égard des
autres comme moyen ultime de défense. Néanmoins, je ne suis pas
certain que cette inflexion idéologique soit un véritable virage,
d'une part parce que les concepteurs de la série sont suffisamment
malins pour ne pas s'enfermer dans un discours linéaire et monotone
qui finirait par ennuyer les spectateurs par sa prévisibilité. Le
fait qu'il y ait des inflexions idéologiques comme Norman qui se
convertit à la non-violence ou comme les homosexuels qui
apparaissent au fil des saisons après un discours conservateur très
centré sur la famille (Tara, lesbienne, qui rallie le clan de Rick
après le combat dans la prison avec le Gouverneur et Aaron qui
recrute le groupe de Rick pour venir vivre à Alexandria et qui vit
avec son compagnon Eric). Il y a donc des rebondissements pas
seulement dans l'intrigue, mais aussi dans la ligne idéologique qui
fluctue avec les personnages qui viennent peupler la série.
D'autre part, cette
non-violence de Norman ne va pas sans poser de problème. Il se
contente ainsi de neutraliser les deux voyous de la bande des Wolves
qui, par la suite, attaquent Alexandria au moment où Rick et ses
compagnons jouent les « bergers de zombie » en essayant
d'emmener une horde de milliers de zombie à plus de 30 miles
d'Alexandria. S'il les avait tués, rien de cela ne serait arrivé.
Implicitement, c'est une façon de dire que la violence est plus
efficace pour régler ses problèmes que « l'Art de la Paix ».
Par ailleurs, l'attitude de laisser en vie le gars des Wolves sans
prévenir les habitants d'Alexandria est une source future de
problèmes pour cette communauté... Norman va-t-il convertir le
voyou à sa philosophie d'harmonie avec le monde ou ce dernier
va-t-il en profiter pour causer encore plus de tort aux habitants
déjà éprouvés d'Alexandria ? Les prochains épisodes le diront.
Voir l'article plus général sur la série "The Walking Dead" : L'homme est un zombie pour l'homme
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire