Tous
les êtres sont dans le Nirvāna,
Et,
ici-bas, les racines de bien ne sont jamais des objets
d'appréhension.
Qui
aspire à cette doctrine,
Je
déclare qu'il est dans le Nirvāna sans reste.
Les
centaines de bouddhas du passé
N'ont
cependant discipliné aucun être.
Si
des êtres devaient naître ici-bas,
Ils
ne passeraient jamais dans le Nirvāna.
Ainsi
cette Voie ne présente pas d'obstacles,
Il
n'y a jamais en elle de liens.
Ceux
qui aspirent à cette doctrine
N'auront
pas l'esprit asservi par la soif.
Les
Questions d'Upali (Upalipariprccha)
Togyu Okumura - Fleur Morning Glory - 1950 |
Si
l'on en croit la philosophie bouddhiste du Grand Véhicule, tous les
phénomènes, tous les êtres baignent déjà dans la réalité
absolue. Il n'est aucun besoin d'atteindre cette réalité absolue :
tout votre être est déjà dans le Nirvāna, l'au-delà des peines
et des souffrances. Cela semble difficile à croire tant nous pouvons
être affligés par cette existence. Mais derrière cette affliction
apparente, nous disent les Soûtras du Grand Véhicule, il y a la
paix suprême du Nirvāna, intacte, pure, noble, immaculée, claire
et rayonnante.
Le
travail dans le Dharma ne consiste donc pas tant à « atteindre »
le Nirvāna par toutes sortes d'efforts et de discipline, mais plutôt
de laisser ce Nirvāna dissiper toutes les illusions de ce monde.
« Et, ici-bas, les racines de bien ne sont jamais des objets
d'appréhension ». Toutes les causes favorables de l’Éveil
comme notre nature-de-Bouddha, l'esprit d’Éveil, la conduite
éthique, la concentration de l'esprit ou la sagesse, ne sont pas des
objets d'appréhension : ils ne peuvent être saisis comme ayant
une existence propre, une existence ultime qui résisterait à toute
analyse. Ces racines de bien sont vides d'une existence propre. Et
donc le fait que notre être soit déjà dans le Nirvāna ne signifie
pas qu'il y ait quelque chose en nous qui soit dans le Nirvāna. Le
Nirvāna n'a tout simplement pas d'existence ultime, comme son
inverse, le samsāra, le cycle malheureux des existences, n'a pas non
plus d'existence ultime.
Vous
êtes déjà dans le Nirvāna ; mais ce qui souffre en vous, ce
qui s'emporte dans les émotions perturbatrices, ce qui s'illusionne
et se perd ne passera dans le Nirvāna, car rien de tout cela n'a
d'existence propre. Le paradoxe est là qui dit que les Bouddhas
enseignent un chemin qui mène à la cessation définitive et
complète de la souffrance, mais qu'il n'y a aucun être qui soit là
pour expérimenter la souffrance ou expérimenter la cessation de la
souffrance. « Les centaines de bouddhas du passé n'ont
cependant discipliné aucun être ». Rien ne passe dans le
Nirvāna, car rien n'existe dans le samsāra qui puisse passer dans
le Nirvāna qui n'existe pas non
plus.
Voilà
pourquoi le texte appelle à ne pas avoir « l'esprit
asservi par la soif »
puisque, du point de vue du Nirvāna, de la réalité absolue, peu
importe que le samsāra se présente à nous de telle ou telle
manière, car rien de ce qu'on expérimente en ce monde ne passera
dans cette réalité absolue. Le Dharma dans son sens le pur n'est
donc assujetti à aucune contrainte, à aucun lien de ce monde :
il est la liberté fondamentale de l'esprit qui existe depuis
toujours et vient rayonner dans l'existence sans être touché par
elle. « Ainsi cette
Voie ne présente pas d'obstacles, il n'y a jamais en elle de
liens ».
Reste
cette existence, cette réalité relative dans laquelle nous vivons,
dans laquelle nous subissons toutes sortes de problèmes. Cette
réalité relative ne disparaît pas, même si les Bouddhas, les
maîtres et les philosophes bouddhistes nous expliquent que cette
réalité relative, ce « samsāra » n'existe pas. Dans ce
samsāra, il y aura des efforts à fournir, des choses à faire et à
ne faire, des choses à ajouter et des choses à enlever pour
améliorer un tant soit peu cette existence. Mais il est bon de se
rappeler de temps en temps que tout cela n'est pas gravé dans le
marbre d'une existence ultime. Toutes les choses passeront, mais il y
a une liberté que ce monde n'a jamais pu et ne pourra jamais
emprisonner.
Shawn van Eeden |
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