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jeudi 21 juin 2018

Tous les êtres sont dans le Nirvāna




Tous les êtres sont dans le Nirvāna,
Et, ici-bas, les racines de bien ne sont jamais des objets d'appréhension.
Qui aspire à cette doctrine,
Je déclare qu'il est dans le Nirvāna sans reste.
Les centaines de bouddhas du passé
N'ont cependant discipliné aucun être.
Si des êtres devaient naître ici-bas,
Ils ne passeraient jamais dans le Nirvāna.
Ainsi cette Voie ne présente pas d'obstacles,
Il n'y a jamais en elle de liens.
Ceux qui aspirent à cette doctrine
N'auront pas l'esprit asservi par la soif.

Les Questions d'Upali (Upalipariprccha)









Togyu Okumura - Fleur Morning Glory - 1950








      Si l'on en croit la philosophie bouddhiste du Grand Véhicule, tous les phénomènes, tous les êtres baignent déjà dans la réalité absolue. Il n'est aucun besoin d'atteindre cette réalité absolue : tout votre être est déjà dans le Nirvāna, l'au-delà des peines et des souffrances. Cela semble difficile à croire tant nous pouvons être affligés par cette existence. Mais derrière cette affliction apparente, nous disent les Soûtras du Grand Véhicule, il y a la paix suprême du Nirvāna, intacte, pure, noble, immaculée, claire et rayonnante.


     Le travail dans le Dharma ne consiste donc pas tant à « atteindre » le Nirvāna par toutes sortes d'efforts et de discipline, mais plutôt de laisser ce Nirvāna dissiper toutes les illusions de ce monde. « Et, ici-bas, les racines de bien ne sont jamais des objets d'appréhension ». Toutes les causes favorables de l’Éveil comme notre nature-de-Bouddha, l'esprit d’Éveil, la conduite éthique, la concentration de l'esprit ou la sagesse, ne sont pas des objets d'appréhension : ils ne peuvent être saisis comme ayant une existence propre, une existence ultime qui résisterait à toute analyse. Ces racines de bien sont vides d'une existence propre. Et donc le fait que notre être soit déjà dans le Nirvāna ne signifie pas qu'il y ait quelque chose en nous qui soit dans le Nirvāna. Le Nirvāna n'a tout simplement pas d'existence ultime, comme son inverse, le samsāra, le cycle malheureux des existences, n'a pas non plus d'existence ultime.


        Vous êtes déjà dans le Nirvāna ; mais ce qui souffre en vous, ce qui s'emporte dans les émotions perturbatrices, ce qui s'illusionne et se perd ne passera dans le Nirvāna, car rien de tout cela n'a d'existence propre. Le paradoxe est là qui dit que les Bouddhas enseignent un chemin qui mène à la cessation définitive et complète de la souffrance, mais qu'il n'y a aucun être qui soit là pour expérimenter la souffrance ou expérimenter la cessation de la souffrance. « Les centaines de bouddhas du passé n'ont cependant discipliné aucun être ». Rien ne passe dans le Nirvāna, car rien n'existe dans le samsāra qui puisse passer dans le Nirvāna qui n'existe pas non plus.


       Voilà pourquoi le texte appelle à ne pas avoir « l'esprit asservi par la soif » puisque, du point de vue du Nirvāna, de la réalité absolue, peu importe que le samsāra se présente à nous de telle ou telle manière, car rien de ce qu'on expérimente en ce monde ne passera dans cette réalité absolue. Le Dharma dans son sens le pur n'est donc assujetti à aucune contrainte, à aucun lien de ce monde : il est la liberté fondamentale de l'esprit qui existe depuis toujours et vient rayonner dans l'existence sans être touché par elle. « Ainsi cette Voie ne présente pas d'obstacles, il n'y a jamais en elle de liens ».


      Reste cette existence, cette réalité relative dans laquelle nous vivons, dans laquelle nous subissons toutes sortes de problèmes. Cette réalité relative ne disparaît pas, même si les Bouddhas, les maîtres et les philosophes bouddhistes nous expliquent que cette réalité relative, ce « samsāra » n'existe pas. Dans ce samsāra, il y aura des efforts à fournir, des choses à faire et à ne faire, des choses à ajouter et des choses à enlever pour améliorer un tant soit peu cette existence. Mais il est bon de se rappeler de temps en temps que tout cela n'est pas gravé dans le marbre d'une existence ultime. Toutes les choses passeront, mais il y a une liberté que ce monde n'a jamais pu et ne pourra jamais emprisonner.

















 Shawn van Eeden










Voir aussi : 


- Rosée que ce monde (Kobayashi Issa)



- L'apparence de l'arbre 



Apparence et vacuité (Longchenpa)



Ce qui, non-duel, est duellement perçu (Longchenpa)



Le diamant qui coupe l'illusion (Soûtra du Diamant)






- Formes sur fond vide (Dai'an Puzhuang)







Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.


Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.




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