Dernièrement,
dans la rubrique des faits divers dans les journaux français ont
figuré quelques faits de dégradations à l'encontre de boucherie ou
de restaurants cuisinant principalement de la viande. Ces faits de
dégradation et de vandalisme ont été commis par des personnes se
revendiquant du véganisme et de l'antispécisme et consistent
principalement en des tags et des slogans condamnant le spécisme et
l'exploitation des animaux, par de la peinture rouge jeté à la
façade de ces bâtiments et par des bris de vitrine.
Les
journaux montent en épingle ces faits divers, car ça leur permet de
condamner l'ensemble des véganes et des antispécistes, pratiquer
l'amalgame et les stigmatiser comme étant des gens violents et
radicaux. Les syndicats d'éleveurs et de bouchers ont évidemment
saisi la balle au bond pour se victimiser et réclamer à l’État
une protection contre ces dangereux énergumènes. Des journalistes
et des hommes politiques comme récemment des leaders
d'extrême-droite sont montés au créneau pour dénoncer le
« terrorisme », le « para-terrorisme » ou
« l'éco-terrorisme » de ces défenseurs de la cause
animale et proposer des mesures coercitives à leur encontre. C'est
évidemment n'importe quoi. Les faits commis sont des actes de
dégradation et de vandalisme sont des actes punissables par la loi,
mais il ne s'agit en rien de terrorisme.
Pour
ceux qui ne connaîtraient pas le « Reflet de la Lune »,
je m'appelle Frédéric Leblanc et je suis végane. Je n'approuve pas
ces comportements. Dans cet article, je vais m'adresser à ceux et
celles qui commettent ces actes de dégradation et de vandalisme en
pensant défendre la cause animale. Peut-être certains d'entre eux,
au détour d'algorithmes d'internet, liront ces lignes et auront
envie de réfléchir aux idées qui y sont contenues.
Je
pourrais commencer mon argumentation en faisant l'apologie de la
non-violence. Mais je ne le ferai pas, parce que ceux qui
commettent ce genre d'actes ne sont pas sensibles à tout le discours
de la non-violence. On trouve d'une part de plus en plus d'argumentaires
propagés par l'organisation 269Life et sa porte-parole Tiphaine
Lagarde qui défendent l'opinion que « la non-violence sert les
intérêts de l’État » (sic) et que « la violence est
nécessaire pour changer les choses » (encore sic). Je trouve
ce genre d'argumentaire très douteux, mais je n'ai pas le temps de
l'examiner ici sérieusement. Il y a d'autre part l'argument qui consiste à
dire que la violence vient du camp d'en face : après tout,
c'est la toute la filière de la viande qui vit et prospère sur une
violence horrible exercée à l'encontre des animaux et sur une
exploitation honteuse de ces animaux. Cet argument n'est pas faux :
il y a de fait une violence colossale exercée à l'encontre des
animaux tant dans l'élevage et les abattoirs. Mais est-ce que cela
justifie en retour une violence des activistes de la cause animale ?
Je ne le pense par personnellement.
Mais
plutôt que de me baser sur des arguments moraux et sur la question
de savoir si la question de l'emploi de la violence est justifié ou
non, j'ai plutôt envie de réfléchir sur la question de
l'efficacité stratégique de ce genre d'actes de dégradation et de
vandalisme. Est-ce que taguer la devanture d'une boucherie des
slogans antispécistes sert à faire avancer la cause ? Est-ce
que le sort des animaux qui vivent l'enfer dans les élevages et les
abattoirs va s'en trouver amélioré ? J'ai l'impression que
non. D'abord, qui va être convaincu de devenir végane et
d'embrasser la défense des animaux parce qu'il aura vu ce genre de
messages peinturlurés sur la façade de la boucherie où il va
acheter ses saucissons et son beefsteak ? J'ai l'impression que
pas grand-monde en fait. (N'hésitez pas à me communiquer dans les
commentaires le témoignage du gars ayant connu une révélation
mystique et s'étant converti au véganisme après avoir vu de tels
slogans sur la boucherie du coin, je suis quelqu'un de curieux).
Par
ailleurs, ce qui est gênant, c'est que cela permet à des gens qui
sont COUPABLES de se faire passer pour des VICTIMES. Nous avons des
bouchers, des éleveurs, des patrons d'abattoirs qui sont coupables
de maltraiter, coupables de tuer, coupables de violer, coupables de
séparer des mères de leurs petits, coupables de faire vivre les
animaux dans des conditions infernales et coupables de tirer un
profit financier de toute cette détresse animale ; et tous ces
gens qui sont coupables se sont aujourd'hui passer pour de pauvres
petites victimes de l'acharnement des méchants véganes et
antispécistes. Cela leur permet de détourner les regards sur leurs
fautes morales et leurs crimes tout en rejetant la culpabilité sur
ceux qui défendent la libération animale. Cela permet ensuite aux
journalistes et aux politiques d'employer une rhétorique délirante
(« terroristes » ou « éco-terroristes »)
pour brider les marges d'action de toutes les organisations de
libération animale.
En
outre, le fait de s'attaquer à petits indépendants nous rend
particulièrement antipathiques. Au moins, quand on s'attaque à une
élevage industriel ou un abattoir, on s'attaque à une entreprise,
un groupement de personnes. Cela demande plus de courage puisque la
riposte risque d'être beaucoup dangereuse. S'attaquer au patron d'un
restaurant ou d'une boucherie est par contre beaucoup plus lâche.
Entendez-moi bien : en tant que végane, la profession de
boucher n'est certainement pas une profession honorable à mes yeux.
Mais bon, si les bouchers existent, c'est parce que des gens,
l'immense majorité des gens, consomment de la viande. Et les
bouchers, même avec un tablier blanc maculé du sang des bêtes,
restent un être humain qui mérite un minimum de respect et qui doit
pouvoir vivre avec un sentiment de sécurité. C'est un indépendant
qui se bat pour survivre dans le système capitaliste. Pareillement,
le harcèlement sur internet n'est pas là pour nous rendre
particulièrement sympathiques aux yeux du grand public. C'est
quelque chose de franchement désagréable (et qui se retourne
régulièrement contre les véganes jugés pas suffisamment
radicaux).
*****
Voilà.
En conclusion, je dirai donc, amis casseurs, que vous n'êtes pas du
tout efficaces, que vous ne faites pas progresser la cause et le
bien-être des animaux, que vous n'enrayez en rien l'exploitation à
l'encontre des animaux. Par contre, vous permettez de plus en plus de
mesures et répression à l'encontre des organisations qui défendent
efficacement la cause animale.
Aujourd'hui,
l'enjeu majeur est de convaincre les gens d'adopter une alimentation
et une consommation comportant de moins en moins de produits animaux,
et si possible, de passer carrément au véganisme. Pour cela, il y a
d'abord tous ceux qui contribuent à donner une image positive du
véganisme doivent être salués et encouragés : toutes les
personnes qui produisent des recettes purement végétales et qui
montrent que l'on peut s'alimenter de manière végane tout en
restant en bonne santé et surtout en prenant plaisir à ce qu'on va
manger. Récemment, un leader d'extrême-droite comparait les véganes
à des néo-cathares. Il faut montrer que manger végane n'a rien
d'une ascèse et qu'on peut avoir beaucoup de plaisir en mangeant
uniquement du végétal. Personnellement, je ne ressens jamais le
véganisme comme une privation. (Il est d'ailleurs inquiétant que
l'extrême-droite française compare les véganes aux cathares quand
on sait le sort qui a été réservé à ces derniers en France au
moyen-âge...)
Ensuite,
il y a les sportifs véganes qui montrent et démontrent qu'on peut
être végane en n'étant pas seulement pas en bonne santé, mais
performant sur le terrain de sport et en compétition. Citons en vrac
le strongman Patrick Baboumian, la surfeuse Tia Blanco, le sprinter
Carl Lewis, l'athlète de street workout Frank Medrano, les
bodybuilders Jon Venus et Nimai Delgado, le champion de triathlon
Rich Roll.
Enfin,
tous les penseurs et philosophes qui tendent à réfléchir sur
l'implication éthique et morale de l'exploitation animale.
N'oublions pas tous les activistes et les militants qui travaillent
au quotidien pour rendre cette cause audible auprès du grand public.
Bien
sûr, les casseurs diront que les choses n'évoluent pas suffisamment
vite, que les progrès sont lents, et qu'il faut passer à la vitesse
supérieure en se radicalisant toujours plus. Mais en faisant cela,
la seule conséquence, ce sera de mettre des bâtons dans les roues
des personnes et des organisations qui militent réellement pour le
véganisme et l'antispécisme.
Frédéric
Leblanc
Seraing,
le 8 juillet 2018.
Voir également :
- Souffrance et exploitation
- Vers un monde végane - lentement mais sûrement
- Antispécisme et humanisme
- Pourquoi les véganes sont dans le vrai (1ère partie et 2ème partie)
- Le carnisme intériorisé
- La notion de zoocide chez Matthieu Ricard
- La vertu du véganisme
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la libération animale ici.
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour du végétarisme et du véganisme ici.
Voir toutes les citations du "Reflet de la Lune" ici.
Sinon tu as le transanimalisme qui se développe:
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=vwZee0r_ICs