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mercredi 15 mai 2019

Les grandes notions de la métaphysique




Les grandes notions de la métaphysique





La métaphysique est le questionnement philosophique autour de tout ce qui est au-delà du monde naturel et sensible ("meta" en grec signifiant : "au-delà" et physique dérivant de "physis" la nature). Ce texte a pour but d'esquisser à grands traits quelques problématiques de la métaphysique sans rentrer dans les détails et restant très concis.




  • 1°) Dogmatisme et scepticisme

Le premier antagonisme est celui qui oppose les dogmatiques, c'est-à-dire les tenants d'une vérité qu'ils jugent certaines, aux sceptiques, ceux qui pensent qu'en matière de métaphysique, on ne peut être certain d'aucune vérité. Est-ce que Dieu existe ? Où va-t-on après la mort ? Pourquoi sommes-nous là sur Terre ?... À toutes ces questions, les sceptiques répondent qu'on ne peut pas vraiment savoir. Tout ce qu'on peut savoir, c'est ce qui est à portée de perception. Les dogmatiques, eux, affirment qu'il y a une réponse, mais qui diffèrent d'un dogmatique à l'autre.... Certains croient en Dieu, d'autres croient qu'il n'existe pas... Certains croient que l'âme existe ; d'autres sont persuadés que notre esprit n'est jamais que le produit des neurones de notre cerveau.... 


Dans sa Critique de la Raison Pure, Emmanuel Kant compare les débats incessants et les disputes entre dogmatiques à un champ de bataille où tout le monde veut imposer son opinion ; tandis que les sceptiques y sont comparés à des nomades de la raison qui n'appartiennent à aucun camp et qui vont d'une vérité à une autre, sans s'y attacher.




  • 2°) La Raison et la Foi

La métaphysique est un domaine de la philosophie, plutôt du domaine de la Raison, du Logos donc; mais la religion s'y intéresse beaucoup aussi. Une position qu'on entend beaucoup est de dire que la raison humaine ne peut pas connaître toute seule les vérités de la métaphysique, la raison a nécessairement besoin de la foi pour être illuminée. Ainsi, les théologiens pensent pour nombre d'entre eux qu'on ne peut connaître Dieu que par la foi, et non pas par la raison. Toute tentative de connaître Dieu par la raison serait vouée à l'échec. Au XVIIème siècle, Blaise Pascal, philosophe, scientifique et fervent chrétien, critiquait toutes les philosophes qui réfléchissaient à Dieu au moyen de la raison comme René Descartes par exemple. Son Dieu était une formule célèbre : « Dieu de Moïse et d'Abraham, et non Dieu des géomètres et des philosophes ». Toute la question est donc : que peut connaître la raison humain ?




  • 3°) Cause première et finalité

Quand on essaye de déterminer les causes et les conditions d'un phénomène (le pull que vous portez par exemple), on peut être amené à se demander quelles sont les causes de cette cause. Par exemple, si la cause du fait que vous possédez un pull est que vous l'avez acheté dans tel ou tel magasin, vous pourriez vous demander : pourquoi ce magasin vendait-il ce pull ? Parce que c'est la mode. Pourquoi dès lors y a-t-il la mode ? Parce que les magazines en parlent. Pourquoi en parlent-ils ? Pour vendre des exemplaires de leur revue ? Pourquoi vendent-ils des exemplaires de leur revue ? Pour faire de l'argent et des bénéfices ? Pourquoi veut-on avoir de l'argent ? Etc... Jusqu'à l'infini... Le métaphysicien est comme un enfant qui ne se satisfait jamais des réponses qu'on lui donne, qui demande toujours : « Mais pourquoi ? », jusqu'à ce que ses parents s'arrachent les cheveux...


Les métaphysiciens ont deux possibilités face à cet enchaînement de causes et de conditions :
  • soit il n'y a pas de commencement à cet enchaînement de causes et de conditions et on peut remonter ainsi à l'infini, comme quand on se pose la question : qui est le premier de l’œuf ou de la poule ?

  • Soit on fait commencer le monde avec ce qu'Aristote appelait le « premier moteur de toutes choses ». Le premier moteur est la première cause qui serait à l'origine de toutes les choses dans ce monde. Pour les croyants, ce serait Dieu qui est au commencement de ce monde. Mais alors se demanderont certains métaphysiciens, pourquoi Dieu existe-t-il ? Pourquoi y a-t-il un premier moteur de toutes choses ? Ou en d'autres mots : qui a créé le créateur ?





  • 4°) L’Être et le devenir

Pour Aristote, la métaphysique est d'abord « la science de l’Être en tant qu’Être ». Qu'est-ce que « être » veut dire ? Les sciences s'intéressent à des objets (la physique à la chute des corps par exemple, la biologie à la faune et à la flore, la chimie aux réactions chimiques, la géométrie aux triangles, au cercle et aux formes géométriques). Mais en métaphysique, on interroge le fait d'être en lui-même. Quand on dit « je suis un homme » ou « ce poisson est rouge », que signifie le « suis » et le « est » ? On peut par exemple être en substance et être en qualité. Y a-t-il un Être fondamental que le philosophe devrait penser ?


Deux grands penseurs de l'Antiquité s'opposent sur cette question de l’Être : Parménide d’Élée et Héraclite d’Éphèse. Parménide pense qu'il y a un Être éternel et immuable derrière les apparences changeantes. Une formule célèbre de Parménide est : « L’Être est et le non-être n'est pas ». Tout ce qui bouge, se transforme et évolue n'est qu'une illusion au regard de l’Être. Zénon d’Élée, un disciple de Parménide, a essayé de démontrer que le mouvement est une illusion. Ce sont le paradoxe de la tortue et d'Achille et le paradoxe de la flèche où Achille n'arrive jamais à rattraper la tortue et la flèche ne parvient jamais à sa cible car quand la flèche franchit la moitié de la distance, il lui reste la moitié à parcourir. Elle franchit la moitié de cette moitié et il lui reste encore la moitié à parcourir et ainsi de suite 1....


Héraclite, au contraire, est convaincu que rien ne reste pareil et identique dans le monde. Tout change, tout se transforme constamment, tout finit par dépérir. Panta rhei... : « Tout coule ». C'est là une formule célèbre d'Héraclite. L'existence est comme un fleuve qui s'écoule constamment. « On ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière » disait-il aussi. Tout l'univers est donc soumis au devenir et rien ne reste identique à lui-même, si ce n'est le Logos qui régit le monde et qui le soumet à ce perpétuel changement.




  • 5) Essence et existence

Voilà une distinction fondamentale en philosophie : l'essence et l'existence.


1°) L'essence.
L’essence dit ce que nous sommes, elle dit notre être profond qui ne varie pas. Ainsi : « je suis un être humain », « je suis un être sensible », « je suis un être conscient »… Notre essence est invariable, n’est pas modifiée par des changements ou des événements survenus durant notre vie. Les philosophes ont essayé de décrire l’essence des choses ainsi que l’essence de l’homme. Citons en vrac deux auteurs qui décrivent l'essence de l'être humain : « Le désir est l’essence même de l’homme » (Spinoza), « L’homme est une substance pensante » (René Descartes).


2°) L'existence.
L’existence est ce qui nous arrive et ce qui compose notre vie au cours du temps. Classiquement les philosophes considèrent que l’essence du « je » et de l’homme est là d’abord comme un fondement pour notre existence. Il faut d’abord comprendre notre essence, ce que nous sommes fondamentalement pour éclairer et comprendre notre existence. Dans ce cas-là, on dit que « l’essence précède l’existence ».


Mais pour Jean-Paul Sartre, il faut d’abord comprendre les différentes facettes de l’existence pour voir une essence se dessiner à travers toutes ses manifestations de l’existence. C’est parce que je me mets souvent en colère que l’on dit de moi : « il est colérique » (et pas l’inverse pour Sartre). C’est sa célèbre formule : « L’existence précède l’essence ». Sartre a été le fondateur de l’école existentialiste fin des années ’40, « existentialiste » justement parce que ce courant philosophique place en premier l'existence.


Pour conclure, il faut ajouter qu'il n’est pas toujours facile de dire ce qu’il relève de l’essence et de l’existence.





  • 6°) Idéalisme et matérialisme

Une autre grande ligne de fracture dans la philosophie est l'opposition entre les idéalistes et les matérialistes. Les idéalistes pensent qu'il y a un principe spirituel indépendant de la matière, qu'on appelle ce principe « âme », « conscience » ou « esprit ». Le plus célèbre des idéalistes est Platon pour qui il y a un monde des Idées au-dessus du nôtre. Ces Idées sont donc transcendantes : elles sont au-delà de notre perception sensorielle (avec nos yeux, nos oreilles, notre corps....). Ces Idées sont permanentes, éternelles, parfaites. Notre monde n'est qu'une copie ou une ombre de ces Idées. Dans le monde des Idées, il y a une Idée de l'arbre. Les arbres que l'on peut voir dans notre monde n'est jamais que la copie imparfaite de l'idée de l'Arbre.


Les matérialistes comme Épicure ou Démocrite dans l'Antiquité pensent que tout est fait de matière. L'esprit est lui-même fait de matière. Aujourd'hui, les neurobiologistes essayent de rendre compte de l'esprit en l'expliquant par le fonctionnement des neurones. Jean-Pierre Changeux avait écrit un livre intitulé « L'homme neuronal » où il déclarait qu'on n'a pas besoin de postuler une conscience immatérielle. Tout l'esprit peut s'expliquer par les courants électriques qui traversent le cerveau. « L'esprit est un épiphénomène du cerveau », disent les neurobiologistes dans une perspective tout à fait matérialiste.






  • 7°) La phénoménologie

La phénoménologie est un grand courant de la philosophie du XXème siècle avec des grands noms comme Edmund Husserl, Martin Heidegger, Jean-Paul Sartre ou Maurice Merleau-Ponty. Pour la phénoménologie, l’Être d'un objet ne peut se penser en-dehors du monde, l’Être est au monde, il se pense et s'appréhende dans la succession des perceptions de cet objet dans tous les angles possibles. Si je veux connaître un livre, je dois le regarder successivement de face, de derrière, selon la tranche du livre, en ouvrant le livre... C'est la succession des perceptions qui fait que je peux appréhender l’Être du livre. Il en va de même d'une ville ou d'une personne.










1 Précisons que ce paradoxe de Zénon a beaucoup fait réfléchir les mathématiciens et a contribué à élaborer la notion de limite.












Randy Scott Slavin







Voir également : 


- Qu'est-ce que contempler ?


Le cerveau et l'esprit


- Ce cosmos dont tu es une partie


L'entrelacement de tous les phénomènes


Le rêve du papillon


- Obscurcir cette obscurité


Un vol de grues dans le ciel


Transcendance et rationalité


Spéculation




l'envers et l'endroit d'une feuille


Deux messages sur la plage


Manquer à être


Quand nous n'avons aucun lieu où demeurer



- Une conscience universelle























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