Seul
existe l'individu dans sa relation au monde
L'humanité
est un concept qui ne recouvre rien
Soutenu
pas les débats idéologiques.
Miche,
Udayaditya Kashyap |
Voilà
un aphorisme-poème intéressant. En philosophie, on appelle cela une
position nominaliste : seul existe l'individu qui vit, qui
bouge, qui parle, qui pense, qui expérimente le monde, qui interagit
avec le monde et qui ne se réduit à une quelconque humanité. Et
c'est une vieille question philosophique de se demander :
« Qu'est-ce que l'homme ? » Diogène le Chien, dans
l'Antiquité, portait ce questionnement en dérision en se prenant en
pleine journée avec une lanterne et demandait aux passants où était
l'homme, l'être humain. C'était vraisemblablement un moyen de se
moquer de Platon et de son mythe de la caverne où le philosophe est
censé sortir l'humanité de son obscurité avec la lumière de la
Raison pour qu'elle puisse contempler à l'extérieur de la caverne
qu'est ce monde le Ciel des Idées. Or quand on se promène dans la
rue d'Athènes ou de Paris, on ne croise pas l'Idée de l'Homme,
l'Idée de l'Humanité, mais des hommes, des femmes, et tous ces
hommes et ces femmes sont des êtres particuliers qui ne se réduisent
pas une définition de ce qu'est un être humain, définition souvent
dictée par telle ou telle conception idéologique : pour
Descartes, l'homme est un être de raison, pour Spinoza, l'essence
même de l'homme est le désir, etc....
Je
ne sais pas pourtant si l'on peut dire que le concept d'humanité ne
recouvre rien. L'humanité est un concept, ça, c'est sûr. Mais il
permet quand même de penser ce que des êtres ont un commun. Je suis
un humain et je fais partie de l'humanité, pas mon chat, ni la
mouche qui erre sur ma fenêtre. Je dirais que l'humanité est comme
un parapluie conceptuel qui recouvre ma réalité d'être humain,
mais imparfaitement, tout comme un parapluie vous protège la pluie,
mais jamais de manière totalement idéale : parfois il est trop
grand et encombrant, parfois, il est trop petit et vous laisse trempé
sur une partie du corps, parfois il ne se referme plus, parfois, il
es troué, parfois il s'envole avec le vent, parfois, vous ne savez
pas où le remettre quand il est replié et qu'il ne sert plus à
rien. L'humanité désigne essentiellement deux choses :
l'ensemble biologique des êtres humains ainsi qu'une valeur morale,
« faire preuve d'humanité ». Le fait de faire preuve
d'humanité, c'est l'opposé de se comporter de manière inhumaine,
et dans son paroxysme, c'est l'opposé du crime contre l'humanité.
Un crime contre l'humanité ne tue qu'une partie de l'humanité, et
pourtant moralement, c'est comme si cela entachait toute l'humanité.
Un tueur en série ou un génocidaire peut avoir commis des crimes
inhumains ; pourtant, il y a en lui une part inaliénable
d'humanité. C'est ce que toutefois affirme la Déclaration
Universelle des Droits de l'Homme.
Je
ne me réduit pas à l'humanité, même si je sens que je suis un
membre de la communauté humaine et que j'essaie, tant que faire se
peut, d'être le plus humain dans mes actes et mes attitudes. Je ne
me réduit pas à l'humanité, car il y a en moi aussi de l'animal,
il y a en moi du vivant, il y a en moi de la matière, il y a en moi
de l'esprit, il y a en moi d'incessantes interactions avec le monde,
une longue chaîne d'interdépendance qui se déploie d'instant en
instant dans une situation à chaque fois unique, à chaque fois
renouvelée dans la singularité d'un instant qui fait pourtant écho
à l'universel de chaque être humain.
J'en
retiens donc que ce concept d'humanité ne doit pas être une prison
conceptuelle qui vous empêche de voir le monde et de vous sentir
vous-mêmes, d'expérimenter le monde ici et maintenant. Mais pour
autant, je ne rejetterai pas non plus radicalement le travail de la
Raison qui essaie de penser l'humain et l'humanité, je ne rejetterai
pas cette confiance dans l'humain, cet espoir dans l'humain, ce pari
sur l'humain que l'on appelle « l'humanisme » comme
beaucoup de penseurs ont pu le faire au XXème siècle et
avant...
Bill Perlmutter, Italie, 1956 |
Voir également :
- L'homme n'est ni ange, ni bête
- Regarde bien, petit
- Rien n'est plus utile
- Comprendre les actions humaines
- Dépasser l'homme, Sénèque, Nietzsche & Montaigne
- Antispécisme et humanisme
- L'animalisme est-il un humanisme ?
- Humanisme et égalité : réponses à Yves Bonnardel et David Olivier
N'hésitez pas à apporter vos avis et vos commentaires ainsi qu'à partager cet article. Ils sont les bienvenus !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire