J'habite
dans une forêt profonde
d'année
en année poussent les lianes vertes
en
outre nulle affaire des hommes ne vient me harceler
de
temps à autre j'entends un bûcheron chanter
au
soleil je rapièce ma bure de moine
sous
la lune je récite des vers bouddhiques
j'aimerais
dire à ceux qui pratique la Voie,
pour
se contenter on n'a pas besoin de beaucoup
Ryôkan
Hayami Gyoshû (Japon, 1894-1935) |
Aujourd'hui,
de nombreuses mouvances écologiques se revendiquent de la
« simplicité volontaire », l'idée de réduire sa
consommation de bien pour vivre plus en harmonie avec la Nature. Or
s'il y a un homme qui a incarné ce concept de « simplicité
volontaire », c'est bien le maître zen Ryôkan (1758-1839).
Chez Ryôkan, la simplicité n'est même plus volontaire, elle est
spontanée. Vivre avec le moins possible, s'adonner tranquillement à
des activités simples, être heureux et se réjouir de ce que l'on
a, Ryôkan incarne tout cela avec une innocence et une joie touchante
et inspirante.
Ryôkan
a passé beaucoup de temps à collecter les enseignements de maître
Dôgen. Et il est difficile de ne pas penser aux poèmes de Dôgen
quand on lit ceux de Ryôkan. Pourtant, là où Dôgen instille un
jeu subtil entre la spontanéité de la perception de la Nature et
une signification mystique plus profonde, on a l'impression que
Ryôkan est beaucoup plus simple, voire enfantin dans sa manière
d'écrire les poèmes : encouragement à vivre une vie simple,
sans artifice, impermanence des choses qui nous entourent et de
nous-mêmes, les difficultés de la vie. Voilà tout le message de
Ryôkan. On est loin des grands développements philosophiques et
poétiques de Dôgen, loin des subtilités des textes canoniques du
bouddhisme. Et pourtant Ryôkan derrière sa simplicité apparente
nous laisse en creux ressentir une réalité plus profonde.
Étrange
sentiment que cette lecture qui a quelque chose d'irrésistiblement
inspirant.
Certes,
on ne vit pas dans un ermitage isolé dans les montagnes. On peut
avoir un travail et être « harcelé
par les affaires des hommes ».
Mais Ryôkan nous rappelle que les enjeux de s'élever au-dessus des
autres n'ont aucun sens. Sa solitude nous rappelle que l'on doit
d'abord aller dans le sens de l'humain : « de
temps à autre j'entends un bûcheron chanter ».
Je me tiens à l'écart des autres ; pourtant je sais les
entendre. Quand on appris à vivre dans la solitude, on peut d'autant
mieux apprécier ses congénères humains, sans pour autant
s'attacher à ces affaires humaines, avec leurs lots de mesquinerie,
de rivalité ou de concurrence.
Ryôkan
entretient sa robe de moines sur un plan physique et récite des
textes bouddhiques sur le plan de sa conscience. C'est peu, mais
c'est bien comme ça, pas besoin d'en rajouter. « J'aimerais
dire à ceux qui pratique la Voie, pour se contenter on n'a pas
besoin de beaucoup ». On peut désencombrer tout ce qui est
superflu dans notre vie. On peut alléger notre vie.
Robert Doisneau, La poterne des peupliers, 1932 |
Ryôkan,
Moine errant et poète, Hervé Collet et Cheng Wing Fun, Albin
Michel/Spiritualités vivantes, Paris, 2012, p. 62.
Ryôkan
Voir
tous les articles et les essais du "Reflet de la lune"
autour de la philosophie bouddhique ici.
C'est vrai que pour se contenter nous n'avons pas besoins de beaucoup de choses. Tout le monde ne vit pas en ermites dans les montagnes ou ailleurs .... aller dans le sens de l'humain tout en restant à l'écart . Merci pour votre bel article et le partage de ce bel enseignement. Aujourd'hui à Genève il neige c'est magique. Excellent wee. Paix et sérénité .
RépondreSupprimerHier aussi, il a neigé dans la région de Liège. J'ai pris la vieille luge familiale et je suis parti faire quelques glissades avec mes neveux et ma nièce.
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