Shôbôgenzô
Trésor
de l'Œil du Véritable Dharma
Les
vagues meurent sur le rivage,
Le
vent a fini de souffler
Une
barque abandonnée,
La
lune à minuit
Brille
de tout son éclat.
Dôgen
Zenji (1200-1253), Sanshô Dôei, Les chants de la Voie du
Pin Parasol, 4.
Dôgen a donné comme titre à son très court poème « Shôbôgenzô » ou en français « Trésor de l'Œil du Véritable Dharma ». Or le Shôbôgenzô désigne le vaste recueil de 96 de ses textes philosophiques et spirituels sur le Dharma. Il serait tentant de voir dans ce court poème un condensé de toute sa philosophie, de toute son expérience spirituelle et mystique, avec le risque de peut-être surcharger de significations et de symbolisme, un poème qui doit se laisser prendre dans la simplicité et l'intuition. C'est souvent le problème des commentaires qui viennent expliquer point par point des textes zen souvent poétiques et paradoxaux : ces commentaires font perdre l'attrait poétique, mais en plus ratent l'intuition mystique qui animait le texte. Un peu comme un scientifique qui voudrait expliquer rationnellement l'attrait d'une rose en décortiquant la rose et en arrachant les pétales pour découvrir le secret de la rose : la rose découpée en morceaux aura forcément perdu beaucoup de son attrait !
Dôgen a donné comme titre à son très court poème « Shôbôgenzô » ou en français « Trésor de l'Œil du Véritable Dharma ». Or le Shôbôgenzô désigne le vaste recueil de 96 de ses textes philosophiques et spirituels sur le Dharma. Il serait tentant de voir dans ce court poème un condensé de toute sa philosophie, de toute son expérience spirituelle et mystique, avec le risque de peut-être surcharger de significations et de symbolisme, un poème qui doit se laisser prendre dans la simplicité et l'intuition. C'est souvent le problème des commentaires qui viennent expliquer point par point des textes zen souvent poétiques et paradoxaux : ces commentaires font perdre l'attrait poétique, mais en plus ratent l'intuition mystique qui animait le texte. Un peu comme un scientifique qui voudrait expliquer rationnellement l'attrait d'une rose en décortiquant la rose et en arrachant les pétales pour découvrir le secret de la rose : la rose découpée en morceaux aura forcément perdu beaucoup de son attrait !
Essayons
tout de même d'indiquer une direction pour interpréter ce court
poème de Dôgen, en gardant bien à la conscience toute ce qu'une
interprétation peut avoir de limité, voire d'erroné quand
l'explication manque l'intuition d'origine ; il peut y avoir une
certaine vulgarité à tout expliquer, c'est pourquoi il faut ne
qu'effleurer le texte par notre interprétation, et rester modeste
dans nos explications, ne pas donner l'impression que l'on a tout
expliqué du poème par nos commentaires savants.
Une
image récurrente dans le bouddhisme est d'atteindre « l'autre
rive » de l'existence, là où la conscience n'a plus à
renaître et à mourir indéfiniment, là où on est définitivement
en paix avec soi-même et le monde. Les vagues symbolisent tous les
événements qui agitent et troublent notre existence ; le vent
qui crée les vagues, ce sont les passions, nos désirs et nos
répulsions. Une fois que l'on franchit cette mer en furie et que
l'on gagne la sagesse, on atteint l'autre rive où les vagues ne
peuvent plus nous atteindre. Le vent s'éteint de lui-même, on est
gagné par la sérénité.
La
barque qui nous a servi pour la traversée et qui n'est autre que la
pratique du Dharma, la Voie du Bouddha. C'est une image que le
Bouddha emploie dans le « Soutra de la Maîtrise du
Serpent » (Alagaddûpama Sutta) : il compare le Dharma à une barque ou un
radeau qui sert à franchir un fleuve ou une étendue d'eau. Quand la
traversée est accomplie, plus rien ne sert de s'attacher à la
barque et porter la barque sur sa tête. Pareillement, on ne devrait
pas s'attacher au Dharma inconsidérément : le Dharma a une
fonction pratique qui est de nous libérer définitivement et
complètement de l'emprise de la souffrance. Une fois ce but atteint,
une fois le samsâra transcendé, rien ne sert de s'attacher au
Dharma. La conséquence est que le rivage paisible atteint voit un
radeau ou une barque abandonnée, objet désormais inutile. Tout
comme la barque était utile à traverser les flots, le Dharma était
utile pour se libérer des liens qui asservissent l'existence, mais
il n'est plus utile pour qui s'est libéré, pour qui mène une
existence véritablement libre.
Que
reste-t-il alors de ce monde ancien ? Une conscience, mais une
conscience pure et lumineuse comme la pleine lune immaculée qui
manifeste sa clarté dans les ténèbres en haut du ciel à minuit.
Ainsi en est-il d'un être libéré dans la perfection de sagesse et
le plein Éveil : il a certes atteint l'autre rive pour
lui-même, mais sa réalisation irradie pour tous les êtres
sensibles qui errent au gré des flots sur l'océan des existences.
Sa clarté illumine dans les ténèbres de notre ignorance. En cela,
la réalisation d'un être éveillé est utile et bénéficie tous
les autres êtres qui croisent d'une manière ou d'une autre cet être
dans le cheminement de leur existence.
Bai Wenshu,
le 5 janvier 2015.
Rayon de la création,yantra, par Gabriele Gelatti |
On trouvera une traduction du Sanshô Dôei dans : Jacques Brosse, Polir la lune et labourer les nuages, Albin Michel/Spiritualités vivantes, Paris, 1998, pp. 211-244.
On trouvera une traduction française du Alagaddûpama Sutta, le Soutra de la Maîtrise du Serpent dans l'excellent ouvrage de Môhan Wijayaratna : "La philosophie du Bouddha", éditions LIS, Paris, 2000, pp. 144-155. Une traduction et un commentaire du même soutra se trouve dans le livre de Thich Nhat Hanh, "Le silence foudroyant", Albin Michel, 1997.
On trouvera une traduction française du Alagaddûpama Sutta, le Soutra de la Maîtrise du Serpent dans l'excellent ouvrage de Môhan Wijayaratna : "La philosophie du Bouddha", éditions LIS, Paris, 2000, pp. 144-155. Une traduction et un commentaire du même soutra se trouve dans le livre de Thich Nhat Hanh, "Le silence foudroyant", Albin Michel, 1997.
Autour de Dôgen Zenji sur Le Reflet de la Lune :
Commentaires au Genjôkôan:
1ère partie 2ème partie 3ème partie 4ème partie
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1ère partie 2ème partie 3ème partie 4ème partie
Genjôkôan: - étudier la Voie du Bouddha
- éveil et reflet de la lune
Sanshô Doei : - la voix des gouttes de pluie
- Adoration
- Trésor de l'Œil du Véritable Dharma
- Quand nous n'avons lieu où demeurer
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Poèmes chinois de l'Eihei Kôroku:
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