L'essentiel
est d'accepter que le monde soit cette fête en larmes.
Jean
d'Ormesson
Guinguette dans la banlieue parisienne, le 14 juillet 1945 Robert Doisneau |
Jolie
sens de la formule chez un auteur que j'avoue n'avoir jamais lu,
peut-être à tort. Il m'a toujours semblé un peu trop convenable
comme auteur. C'est certainement un préjugé pour cet écrivain très
médiatique dans la vie littéraire française. Mais c'est surtout
ici cette petite sentence qui m'intéresse, plus que son auteur. En
une petite phrase ramassée, elle me parle de trois thèmes
importants : l'acceptation, la joie et l'insondable tristesse de
ce monde. Sarva
dukkham :
« Tout est souffrance », nous a dit le Bouddha. Au XIXème
siècle, les érudits occidentaux voyaient dans le bouddhisme une
forme de pessimisme radical. Une mélancolie qui ne trouverait son
remède que dans l'anéantissement total. Ils n'avaient pas eu
l'occasion de beaucoup parler à des maîtres bouddhistes... S'ils
l'avaient fait, ils seraient rendu compte de la joie et du sourire
que ceux-ci manifestent régulièrement dans la vie quotidienne. La
joie dans la philosophie du Bouddha est une des quatre qualités
incommensurables avec l'amour bienveillant, la compassion et
l'équanimité. Cette joie célèbre ce qu'il y a de bon et de
lumineux dans l'existence. Pourtant, elle n'est pas de la frivolité,
un oubli, un divertissement ; cette joie reste très lucide face
à la douleur qui envahit le monde. Une fête en larmes.
Voilà
ce qu'il nous faut accepter. Ce mélange indissoluble de joies et de
peines, de rencontres et de pertes, de vies et de morts,
d'enthousiasmes et d'ennuis, d'espoirs et de craintes. En même
temps, cette acceptation donne une direction. Il s'agit aussi de
célébrer la convivialité, le partage, la camaraderie, l'amitié,
tout un art de vivre pour rendre notre présence en ce monde agréable
et plaisante aux autres. Que ce passage sur Terre soit une fête,
cela aussi, il faut y travailler. Ce sera une fête en larmes, mais
au moins ce sera une fête. La convivialité, la chaleur humaine et
la joie rendront nos instants plus beaux.
Bal du 14 juillet à Paris, 1934. Brassaï |
Voir aussi :
- Joie
Qu'est-ce que la joie spirituelle prônée par le Bouddha ?
- Le bonheur et les autres
Le bonheur est-il en nous ? Ou se trouve dans notre relation avec les autres ?
- Le bonheur et les autres
Le bonheur est-il en nous ? Ou se trouve dans notre relation avec les autres ?
Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
Assez jolie formule de D'Ormesson, mais j'ai pour ma part un souci énorme avec la fête, je ne supporte pas la fête à vrai dire ou alors la fête au sens de célébration, et encore... j'ai du mal, il suffit que je pense à la frénésie collective qui s'empare d'une masse lors d'une fête pour que me vienne la nausée. Je sais, j'ai un souci, la fête comme réjouissance ne peut m'être qu'individuelle ou partagée à deux ou trois, au plus. Mais au juste, le recueillement est-il considéré comme une fête ? Il ne me semble pas que cela soit le cas chez mes congénères, pourtant, un moment de recueillement, ou de contemplation, m'est bien davantage source de joie que n'importe quelles festivités, source de joie ou de larmes j'entends, les larmes n'étant d'ailleurs pas forcément des larmes de détresse mais de compassion, pour soi et pour autrui. Je parlerais donc plutôt de larmes en fête en ce qui me concerne, du moins, parfois, quand ce n'est le spleen qui m'accable.
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai toujours aimé la fête, cette idée de la réjouissance autour de la célébration de quelque chose, parfois, souvent même, la célébration de l'instant présent que l'on passe ensemble. Néanmoins, il est vrai que je me suis souvent senti comme un martien dans les fêtes diverses que j'ai traversées : trop d'alcool, trop de drogues, trop de malheur qu'un peu de sagesse aurait dissipé, trop de superficialité, trop de poses, trop de frime qui laissent de côté tout ce que la fête devrait à mon sens comporter de fraternité...
RépondreSupprimer