Un nomade de la raison
sur les chemins d’Élis à Taxila
2ème
partie
2ème
partie
Voir la première partie
Le voyage de Pyrrhon
Au
tout début de la préface de sa « Critique
de la Raison pure »,
Emmanuel Kant oppose les dogmatiques qui s’affrontent entre eux
pour la conquête du pouvoir de la raison sur ce champ de bataille
qu’est la métaphysique, aux sceptiques, « une
espèce de nomades, qui ont en horreur tout établissement stable sur
le sol, rompant de temps en temps le lien social1 ».
« Nomades », le mot est lancé, et il faut bien dire que
l’histoire de la philosophie sceptique en Occident commence par une
expérience du nomadisme, une oscillation entre deux mondes, à
savoir la pérégrination de Pyrrhon jusqu’en Inde et la mutation
qui s’exerça en lui, ce voyage intérieur qu’il accomplit vers
la fin des certitudes. On peut d’ailleurs se demander si c’est le
scepticisme qui conduit à l’errance loin de tout port d’attache,
qui prédispose à cette transhumance, ou si c’est le voyage qui
induit un sentiment de doute quant aux principes les mieux établis
de notre éducation. Comme le dit Victor Brochard : « Ceux
d’entre eux surtout qui avaient, comme Pyrrhon, accompagné
Alexandre n’avaient pu passer à travers tant de peuples divers
sans s’étonner de la diversité des mœurs, des religions, des
institutions. On l’a souvent remarqué, il n’y a rien de tel que
le contact des peuples étrangers pour inspirer aux âmes les mieux
trempées des doutes sur leurs croyances, même les plus invétérées.
(…) Les voyages sont une école de scepticisme2
».
On peut se poser la question, d’autant plus que rien ne
semblait prédisposer au départ le jeune Pyrrhon à l’attitude
radicale d’annihilation de toute forme de jugement qui
caractérisera par la suite sa vie philosophique. Il semble que c’est
son voyage qui ait rompu en lui les amarres des vérités dogmatiques
et des certitudes proclamées. Ou du moins peut-on dire que c’est
son voyage qui a été le théâtre de sa transformation intérieure
au point de disloquer en sa conscience le sens de l’intention
première de son périple, à savoir : conquérir le monde au
côté d’Alexandre dans une sorte de chevauchée fantastique, où
rien ne semblait pouvoir résister au jeune roi fougueux et téméraire
entouré de ses Compagnons, aucune muraille, aucune armée, aucune
mer, aucun désert, aucune montagne, et pas même le gigantesque
empire perse de Darius qui devait se disloquer après la défaite de
Gaugamèles3.
Pyrrhon, comme tant d’autres jeunes
soldats grecs ou macédoniens avec lui, devait être alors tout
obnubilé par ses rêves de gloire et de bravoure qu’autorisait
sans retenue l’avancée fulgurante et impétueuse des troupes
d’Alexandre à travers l’empire perse, qui volaient alors de
victoires en victoires avec une assurance insolente. Et cette
assurance, cet aplomb dans la conquête ne devait pas laisser
beaucoup de place aux doutes, aux hésitations et tergiversations de
l’âme, et pas non plus à l’indécision. Avancer, avancer,
avancer toujours plus loin dans les terres de l’Asie pour arriver
jusqu’au grand océan par-delà le Gange et rejoindre ainsi les
sources du Nil jusqu’aux colonnes d’Hercule dans la Libye
grecque, voilà l’aventure périlleuse toute auréolée de gloire
dans laquelle s’étaient lancés Alexandre et ses Compagnons. On le
voit, ses préoccupations n’avaient rien de très spirituel, et
rien non plus de proprement philosophique (je veux dire ici
« philosophique » au sens d’une recherche désintéressée
de la sagesse ou d’une vie théorétique toute dévouée à la
contemplation et à la cogitation). Pourtant, ce serait une erreur de
ramener l’entourage d’Alexandre à de simples militaires rustres
et braillards seulement intéressés par les conquêtes, les faits
d’armes et les pillages de richesses des terres conquises. La
dimension philosophique n’a jamais été absente dans la vie
tumultueuse d’Alexandre. Il faut en souligner les contours pour
comprendre l’influence que cela a pu exercer sur le jeune Pyrrhon,
le préparant ainsi à être d’autant plus marqué par les
« gymnosophistes » indiens :
1°)
On sait qu’Alexandre lui-même a été l’élève d’Aristote,
élève pas toujours très docile, n’hésitant pas à contredire
les positions dogmatiques notamment sur la question des rapports
entre Grecs et barbares comme on va le voir, mais il porte
certainement l’empreinte de la philosophie. « Son
véritable viatique, nous
dit Plutarque,
était l’étude de la philosophie et le souvenir des leçons qui
lui avaient été données sur l’intrépidité, le courage et aussi
la modération et la grandeur d’âme4 ».
2°)
Alexandre vouait une fascination certaine pour Diogène le Chien. On
connaît la célèbre sentence d’Alexandre à propos de Diogène :
« Si
je n’étais pas Alexandre, je voudrais être Diogène
». Si Alexandre n’avait pas l’amour de la sagesse au point de
renoncer à son prestige et à son pouvoir ainsi que sa prodigieuse
volonté de conquête, au moins considérait-il cette esthétique
d’existence inspirée par la sagesse comme ce qu’il y avait de
plus enviable et de plus beau directement après son exercice du
pouvoir et sa vie d’empereur5.
3°)
Toute une série de philosophes accompagnaient Alexandre dans
son périple: notamment Callisthène, un péripatéticien qui n’était
autre que le neveu d’Aristote. On trouvait aussi Anaxarque d’Abdère
dont Pyrrhon a été le disciple. Anaxarque se rattache à l’école
démocritéenne puisqu’il a été le disciple de Diogène de
Smyrne, lui-même disciple de Métrodore de Chios6,
un étudiant de Démocrite d’Abdère. Le moins que l’on puisse
dire, c’est qu’il n’a pas gagné les suffrages de Plutarque et
d’Arrien qui, tous deux, le qualifient de vil sophiste et de
courtisan parvenu. Néanmoins, ce personnage singulier que l’on
surnommait le « Bienheureux », peut-être en référence
à Démocrite, trouve les faveurs de Diogène Laërce.
Autre
compagnon-philosophe d’Alexandre : Onésicrite, un cynique
disciple de Diogène le Chien, qui jouissait d’une estime
particulière auprès du fougueux empereur puisqu’il était le
pilote de son navire lors du retour des Indes (périple de Néarque7).
Alexandre devait avoir en lui une entière confiance à la fois dans
ses capacités de marin, mais aussi et surtout dans sa fidélité.
Ceci montre qu’Alexandre n’était pas dupe des conventions
sociales qui valaient une mauvaise réputation aux cyniques pour leur
comportement indécent et licencieux. Alexandre comprenait au
contraire les soubassements moraux du cynisme, le rejet des
apparences sociales pour revenir à un état de nature.
4°)
Il n’est pas interdit dans ce cadre de penser qu’Alexandre ait
intimement vécu ses conquêtes comme une expérience philosophique
exaltante qui repoussait la condition existentielle de l’homme dans
un mouvement qui tenait à la fois de l’Hybris
et du Logos.
Hybris
dans la mesure (ou plutôt dans la démesure) où Alexandre se voit
animé d’un désir immodéré et obsessionnel d’aller toujours
plus loin, de transgresser toutes les frontières, toutes les limites
du monde connu, de faire vaciller l’ordre même du monde pour lui
signifier sa royale emprise. Alexandre agit comme si même les
montagnes et les océans devaient s’incliner sur son passage. Rien
n’a semblé pouvoir l’arrêter, surtout pas sa conscience.
Flavius Arrien, pourtant admiratif à son égard, lui reproche ainsi
de manquer de sophrosuné
(σωφροσύνη), cette sagesse intuitive faite de modération et
de tempérance, et d’oublier dans son exaltation héroïque sa
condition de simple mortel soumis aux lois du monde. Alexandre
semblait être l’homme dont la carrure était de taille à
s’affronter à la démesure, à la chevaucher pour accomplir de
grandes œuvres, là où n’importe qui d’autre aurait été broyé
par cette même démesure ; cette folie des grandeurs aurait
conduit un autre chef d’armée à un désastre sans nom.
Mais
il n’y avait pas que la passion dévorante des conquêtes et de
l’aventure qui animait Alexandre, on trouve chez lui une réelle
disposition à l’universalité, une vision cosmopolite du monde qui
est en même temps un autre regard sur l’homme. Alexandre s’écarte
donc de la conception traditionnelle grecque ainsi que de la doctrine
de son maître, Aristote. Ce dernier voyait en effet une supériorité
de nature au peuple grec qui alliait des qualités innées de courage
(thymos)
et de raison. Aristote concevait dès lors que les grecs avaient un
destin naturel à gouverner les autres peuplades : « C’est
pourquoi elle (la race des Hellènes) mène une vie libre sous les
meilleures auspices politiques et est capable de commander à tous
les peuples, pour peu qu’elle arrive à une organisation politique
unique8 ».
Alexandre réalisera bien ce dernier vœu, mais pour unifier aussi le
genre humain sous sa férule. Ce qui n’alla pas sans faire grincer
les dents de ses généraux… Alexandre respecta en effet les us et
coutumes des peuples conquis, mais aussi leur culture et leur
religion. Alexandre assurait à ces peuples qu’ils garderaient leur
dignité et leur intégrité, et que, par ailleurs, ils auraient des
responsabilités et des pouvoirs dans la gestion de son immense
Empire. On voyait ainsi des Perses et des Iraniens porter le titre de
satrape. Plutarque décrit ainsi le projet d’Alexandre : « Le
dessein même de son expédition pose Alexandre en philosophe, dès
lors qu’elle ne devait pas lui procurer les délices du luxe, mais
assurer entre tous les hommes la concorde, la paix et la communauté
des intérêts9 ».
Alexandre se démarque donc sensiblement de son maître Aristote
quand ce dernier lui recommande de se comporter en despote envers les
peuples asservis : « Aristote
lui conseillait de conduire les Grecs en roi (hégeminikôs), et les
Barbares en maîtres (despotès), de traiter les premiers comme des
proches ou des amis, et les autres, comme des animaux ou des
plantes10 ».
Alexandre, au contraire, prône une conception plus égalitaire et
universaliste entre les peuples (même si pour autant, ce n’est pas
du tout une conception égalitaire de la société) dans un idéal de
fraternité et de concorde. « Il
voulait soumettre la Terre entière à une même loi de raison, à
une forme unique de gouvernement, faire de l’humanité toute
entière un peuple unique : tel était l’idéal auquel il
conformait son personnage11 ».
Cette vision cosmopolite doit être rapprochée au cosmopolitisme des
cyniques comme Diogène et Onésicrite.
Avec
Alexandre, le monde grec centré autour de la notion de « Cité »,
comme c’est le cas dans la République
de Platon ou la Politique
d’Aristote, c’est-à-dire une ville entourée des campagnes et
des bourgs environnants, parfois dotée de quelques colonies, ce
monde grec de la Cité disparaît en s’ouvrant à un empire
constellé d’une myriade de petits royaumes gouvernés par des
satrapes, mais sans même que les Hellènes y occupent la place
centrale qui leur semblait naturellement promise. Toutes les valeurs
des Grecs ainsi que la pensée politique qui s’est incarnée à
Athènes dans Périclès, dans Platon ou dans Aristote se trouvent
périmées et caduques du fait même de la disparition de son
fondement, la Cité grecque. Alexandre est dès lors lui-même la
césure, l’homme du basculement entre l’âge démocratique et
l’âge hellénistique. Anaxarque et Pyrrhon ont dû être sensibles
à ce revirement radical de situation et à la perte de repères
déconcertante pour les Hellènes qui en a découlé.
5°)
Cet antagonisme philosophique va éclater au grand jour lors de deux
événements douloureux : le meurtre de Clitus et la controverse
de la prosternation (proskynesis).
Arrien, qui nous narre ces deux histoires l’une à la suite de
l’autre pour bien illustrer les dérives et la démesure qui
saisissaient Alexandre de temps en temps, et de rappeler à cette
occasion quelques principes moraux à la saveur toute stoïcienne :
« rien
de tout cela (les conquêtes et les victoires) n’est de quelque
utilité pour le bonheur de l’homme, si l’homme qui accompli des
hauts faits, à ce qu’il semble, ne possède pas, en même temps la
maîtrise des passions12 ».
Clitus (ou Kleitos en grec), alors complètement saoul tout comme
Alexandre d’ailleurs, en vient à se disputer avec lui sur une
obscure affaire de sacrifices à faire soit à Dionysos, soit aux
Dioscures. Le ton monte, les reproches deviennent plus personnels ;
et Alexandre, dans un accès de rage, finit par lui planter une lance
dans le ventre. Tout de suite après, Alexandre se repent de ce
meurtre et se lamente trois jours durant, sans rien manger, sans rien
boire, sans prendre soin aucunement à son bien-être, tout
inconsolable qu’il est d’avoir tué l’ami de toujours, l’ami
de son père, le fidèle parmi les fidèles, et se traite lui-même
d’assassin.
Or
ce qui est frappant, c’est l’intervention d’Anaxarque, mandé à
son chevet afin de le consoler. Son argument était le suivant :
Alexandre n’était pas coupable puisqu’un roi, par son action
même de roi, redéfinit et redessine les contours du bien et du mal.
« Pourquoi
les anciens philosophes avaient-ils placé la Justice assise aux
côtés de Zeus ? C’était parce que tout ce qui était décidé
par Zeus était accompli avec justice ; en conséquence, il
était nécessaire que fussent considérées comme justes aussi
toutes les actions d’un grand roi, d’abord par ce souverain
lui-même, ensuite par les autres hommes13 ».
On croirait entendre un autre citoyen d’Abdère, le sophiste
Protagoras… L’argument est redoutable parce que plus rien ne sert
alors de fondement pour les actions bonnes ou mauvaises. La divinité
ou la proximité d’avec le divin suffit à transformer la
conception que l’on se fait de la morale. Mais réciproquement
aussi, les actes, comme les actes posés lors d’une conquête ou
d’une investiture royale remodèlent à leur façon le divin, en
tous cas les frontières entre le divin et le profane. Les fondements
du sacré se voient aussi menacés. La thèse d’Anaxarque fait
tenir en dépendance réciproque les vertus de ce monde avec les
qualités divines de l’au-delà, comme deux cartes qui se tiennent
l’une contre l’autre, sans que l’on puisse retirer l’une sans
faire tomber l’autre. L’argument a évidemment marqué les
esprits, et certainement celui de Pyrrhon.
6°)
Venons-en maintenant à la controverse sur la prosternation qui
oppose Anaxarque et Callisthènes, le neveu d’Aristote. Alexandre
avait commencé par se voir nommé « fils d’Ammon-Zeus »
par l’oracle en Lybie14,
et puis au fil de sa progression en Asie, il se mit à exiger que
l’on imitât les us et coutumes des régions conquises, à savoir
la prosternation devant sa personne divine. Cela n’alla pas sans
faire grincer les dents au sein des Compagnons d’Alexandre, tout
imbus qu’ils étaient de l’idéal d’homme libre, si cher à la
culture des Grecs et des Macédoniens.
Pour
Anaxarque, il était tout à fait légitime de considérer Alexandre
comme un dieu de son vivant, parce « qu’il
serait plus indiqué de l’honorer de son vivant plutôt que mort,
quand les honneurs ne lui seraient plus d’aucune utilité15 ! »
Anaxarque réduisait donc ouvertement la divinité à un rôle
pratique et politique sans le moindre scrupule ! La
prosternation pouvait servir le pouvoir, donc elle était de
facto
fondée !
Callisthènes
répond à cela en opérant des distinctions de niveau existentiel et
en rétablissant la hiérarchie naturelle qui sied aux hommes et aux
dieux. « Alexandre
n’est indigne d’aucun des honneurs qui conviennent à l’homme.
Mais les hommes ont établi de nombreuses distinctions entre les
honneurs qui conviennent aux hommes et ceux qui conviennent aux
dieux16 ».
Le principe hiérarchique vaut même pour les dieux entre eux :
« même
entre les dieux, il y a des distinctions dans les honneurs qu’on
leur rend ».
Alexandre lui-même ne supporterait pas qu’un imposteur vienne se
proclamer roi sans raison ; voilà pourquoi il ne faut pas
honorer un homme, simple mortel, comme un dieu, ce serait une
transgression insupportable selon l’ordre divin.
Mais
on sait que la prosternation fut désormais la règle ; et les
Hellènes n’avaient plus qu’à ravaler leur orgueil d’homme
libre et d’accepter sans broncher la démesure de leur roi. Quant à
Callisthènes, ses relations avec Alexandre ne firent que se dégrader
jusqu’au point où il fut impliqué à tort ou à raison dans le
complot des pages. On l’enchaîna alors à la suite de l’armée,
puis il fut mis à mort. Comme le dit Victor Brochard : « Les
survivants durent se résigner et garder pour eux leurs réflexions.
Mais ils avaient vu comment on fait un dieu17 ».
Voir la troisième partie.
Pour consulter les autres parties d'un Nomade la Raison, voir le sommaire.
Pour consulter les autres parties d'un Nomade la Raison, voir le sommaire.
1
Emmanuel
KANT, « Critique
de la Raison Pure »,
traduction de Delamarre et Marty sous la direction de Ferdinand
Alquié, Gallimard, Paris, 1980, p. 32, A IX.
2
Victor
BROCHARD, « Les
sceptiques grecs »,
(Livre I, chap. II), Librairie générale française, Paris, 2002,
p. 56.
3
L’expédition d’Alexandre nous est connue principalement par
deux textes assez tardifs, puisqu’ils sont l’œuvre d’une part
de Flavius Arrien, le disciple d’Epictète, qui se base sur les
récits de Ptolémée de Lagos (un des Compagnons qui régna ensuite
sur l’Alexandrie d’Egypte) et d’Aristobule, et d’autre part
de Plutarque.
4
PLUTARQUE, « Sur la
fortune et la vertu d’Alexandre »,
328 a, dans les « Œuvres
morales », tome V, p.
118, Les Belles Lettres, Paris, 1990.
5
Enfin, du moins est-ce ainsi que j’interprète la réplique
d’Alexandre. Plutarque lui donne une toute autre signification :
si je ne pratiquais pas la philosophie par mes actions, je la
professerais par des paroles. Plutarque, dans sa manie d’encenser
sans retenue les grands hommes, voit donc en Alexandre l’incarnation
même du philosophe à l’œuvre dans sa splendide mission
civilisatrice et éducatrice, et même plus, il voit en Alexandre la
sagesse même qui surgit dans le monde, et vainc les obstacles par
la puissance de sa vertu.
Arrien
est plus modéré sur le sujet : quand bien même il admire
Alexandre en soulignant ses grandes qualités de courage et de
générosité, il ne manque pas non plus de rappeler les excès et
la démesure de l’homme ainsi que ses errements et ses fautes
morales.
6
Diogène LAËRCE, « Vies
et doctrines des philosophes illustres »,
(Livre IX, 58), Librairie générale française, Paris, 1999. Marcel
CONCHE, « Pyrrhon
ou l’apparence »,
Presses Universitaires de France, Paris, 1994 (2e
éd.), p. 34.
8
ARISTOTE,
« Les
politiques »,
(traduction et présentation par Pierre Pellegrin), GF Flammarion,
Paris, 1990, livre VII, chap. 7, p. 471.
12
Flavius
ARRIEN, « Histoire
d’Alexandre. L’Anabase d’Alexandre le Grand »,
(traduction de Pierre Savinel), Editions de Minuit, Paris, 1984, p.
129, IV, 7, 5. Cependant, dans ce même passage, Arrien, un Romain
qui a vécu entre le premier et le deuxième siècle et qui fut
l’étudiant du célèbre stoïcien Epictète, condamne aussi les
concessions faite par Alexandre aux cultures barbares, par exemple
son adoption de l’accoutrement des Mèdes et des Perses, attitude
qui tranche avec le cosmopolitisme des tous premiers stoïciens tels
que Zénon ou Chrysippe. Plutarque, lui, est beaucoup plus
enthousiaste quant au cosmopolitisme d’Alexandre.
Pour
Arrien, c’est la perte de repère due à la contamination des
coutumes barbares qui plonge Alexandre dans tous ces excès,
notamment la beuverie qui va être fatale à Clitus et qui est une
habitude « tout
à fait digne des barbares »
selon lui.
13
ARRIEN,
ibidem,
p. 131, IV, 9, 7. Inutile de préciser qu’Arrien désapprouve avec
force ce genre d’argument sophistique…
17
Victor BROCHARD, op.
cit.,
p. 56. On voit par là
qu’il est périlleux, voire impossible d’appliquer tels quels
nos propres critères politiques d’hommes modernes pour comprendre
la mentalité qui prévalait dans l’Antiquité : la
prosternation d’un homme devant un autre homme nous semble un acte
parfaitement rétrograde et indigne de la condition humaine. On ne
peut que s’identifier à la conception de l’homme libre qui
existait chez Aristote et Callisthène. Cependant, la conception
aristotélicienne d’une supériorité des Hellènes sur les
« Barbares » nous semble réactionnaire et colonialiste.
L’action d’Alexandre est donc complètement ambivalente de notre
point de vue moderne.
Alexandre le Grand sur son cheval Bucéphale, détail de la mosaïque romaine de Pompéi représentant la bataille d'Issos, musée national archéologique de Naples. (Photographie : Berthold Werner) |
Concernant Pyrrhon, voir également :
Voir aussi :
- La notion de sagesse selon les philosophes grecs
Quelles sont les différentes acceptation du terme "sagesse" dans la philosophie grecque. "Sophia", "phronésis" et "sophrosyné" dans les textes de Platon, Aristote et Épicure.
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