En
fait, quand vous lâchez prise, ce n’est pas la situation dans sa
globalité que vous devez accepter, mais juste ce minuscule segment
appelé instant présent.
Eckhart
Tolle, « Le pouvoir du moment présent ».
Alors
je dis tout de suite que je ne suis pas un grand fan d'Eckhart Tolle.
Je n'ai rien contre lui ; mais pour moi, il n'est qu'un ersatz
de Thich Nhat Hanh. Il a un peu le même genre de message sur
l'importance de l'instant présent que le moine vietnamien, mais en
plus fade. Cependant, je trouve que cette citation me parle et pointe
directement sur quelque chose d'essentiel. Dans la spiritualité et
dans certaines philosophies, on parle de l'acceptation. Accepter les
événements qui nous arrivent, même si ceux-ci sont déplaisants.
Au lieu d'être déprimé ou aigri par ces choses choses négatives,
on les accepte.
On
retrouve cela dans le bouddhisme bien sûr, mais aussi dans le
stoïcisme (amor fati, l'amour du destin), chez Spinoza ou
encore chez Swami Prajñanpad. Mais une critique que l'on fait à ces
philosophies de l'acceptation, c'est qu'elles conduisent à la
résignation et au défaitisme, ou encore que cette acceptation est
tellement au-delà de nos forces qu'elle en est contre-nature.
C'est
l'époque des examens. Vous êtes peut-être un étudiant qui s'est
perdu sur ce blog alors qu'il devait étudier. Si vous n'en êtes
pas un, imaginez que vous êtes un étudiant à un ou deux jours d'un
examen. La pression est maximale, le stress est à son comble :
votre estomac est noué, et vous êtes de plus en plus fébrile à
mesure que le temps passe. Imaginez que vous faites une pause dans
votre étude et que vous vous mettez à pratiquer la méditation.
Vous pourriez vous dire qu'il faut accepter pleinement ce processus
des examens et retrouver la sérénité. Cela va peut-être marcher
quelques minutes, mais très vite, le stress va reprendre le dessus
de plus belle.
Ce
qu'il importe de faire, c'est d'accepter le stress dans ce moment
présent, pas tout le stress des examens, car vous n'allez pas être
capable de porter le fardeau dans son entièreté, ni d'être serein
face à tout cela. Mais laissez un espace d'ouverture au stress qui
se profile dans le moment présent. Lâchez prise avec ce stress qui
apparaît ici et maintenant, laissez-le apparaître et laissez-le
disparaître. Ne cherchez pas à être plus fort que lui, arrêtez
simplement de le saisir le temps d'un instant. Le moine thaïlandais
Ajahn Chah donnait cette image : tenez un gros livre dans votre
main à bout de bras, cela ne pose pas de problème. Tenez maintenant
ce livre une heure durant à bout de bras, et ce sera un exercice
particulièrement éprouvant. La méditation est justement ce moment
où on se permet de relâcher les choses et de cesser de porter le
poids de l'existence pour quelques instants.
Quand
une situation stressante ou pénible comme des examens ou une maladie
se produit, il faut voir que cette situation se décompose en toute
une série d'instants stressants ou pénibles. C'est dans ces
instants que vous avez une possibilité d'action, une possibilité de
lâcher-prise, une possibilité de changer quelque peu votre relation
à cette situation pénible ou stressante.
Cette
situation peut être aussi une injustice. Et souvent on dit que les
philosophies prônant l'acceptation conduise à la résignation, à
l'inaction et à la passivité. Prenons l'exemple d'un militant des
droits de l'homme qui a été arrêté en Chine. Cela nous révolte.
Certains diront que ceux qui prônent l'acceptation sont du côté de
la dictature et de la police chinoise en acceptant ce qui est
inacceptable. Mais c'est un contresens, précisément si on comprend
qu'on n'accepte pas toute la situation d'injustice dans sa globalité,
mais ce petit segment dans le temps qui est cet instant où on prend
connaissance de ce fait révoltant. L'acceptation se joue là dans
cet instant précis. L'acceptation ne préconise rien, ne dit pas que
l'inaction est la règle. L'acceptation délivre notre cœur de la
colère et de la rancœur. Mais elle n'interdit pas l'action ou la
réaction. Protester devant l'ambassade de Chine par exemple ou
répondre à une action d'Amnesty International par exemple.
Voilà
donc. Je ne suis pas sûr d'adhérer à la globalité des propos
d'Eckhart Tolle. De lui, je n'ai lu que des bouts de livres et
regarder des bouts de conférences. J'avoue que ses livres me tombent
des mains et que ses conférences me font bailler. Mais au moins,
j'accepte et j'approuve ce minuscule segment de son œuvre, cette
courte citation dont je viens de vous parler.
Manifestation à Oakland |
Lire également :
- Résignation et acceptation (Non, ces deux termes ne sont pas synonymes!)
- Joie (Qu'est-ce que la joie spirituelle prônée par le Bouddha ?)
- Les trois dimensions temporelles de la méditation
- Bardo
- La boîte de Pandore
- Changer les choses
- La perspective de changer les choses
Le yoga nous amène au moment présent, le seul endroit où la vie existe |
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