Je
voudrais réagir ici à la déferlante de haine qui se dessine suite
aux attentats de Bruxelles, et notamment contre le hashtag #stopIslam
qui a apparemment été plus employé que le hashtag #PrayForBrussels
mardi le jour de l'attentat (102 000 tweets avec la hashtag
#prayforBrussels, 250 000 pour #stopIslam). Je trouve déplorable
cette utilisation bête et stupide de ce genre de slogan. Si les
terroristes qui ont perpétré leurs crimes répugnants se
revendiquaient bien de l'islam, tous les musulmans ne se
reconnaissent pas dans cet islam-là. En fait, les combattants de
Daesh combattent en priorité des musulmans : ils font la guerre
aux musulmans chiites d'Irak, ils affrontent les forces de Bashar
El-Assad qui sont composées de musulmans chiites, alaouites, druzes
et aussi de sunnites. Ils massacrent aussi tous les musulmans
sunnites qui s'opposent à leur vision totalitaire et barbare de leur
pseudo-califat. Et en matière de terrorisme, les premiers pays
touchés sont la Turquie à Ankara ou à Istanbul, l'Irak, la
Tunisie, l’Égypte, la Libye, le Mali, tous des pays musulmans. Et
je ne parle pas des pays ensanglantés depuis plus de vingt ans par
les attentats à répétition et le climat de guerre civile féroce
que l'on doit imputer aux jihadistes fidèles à Al-Qaida et sa
nébuleuse : l'Afghanistan, le Pakistan, l'Inde, l'Indonésie,
là aussi des pays musulmans ou des pays où la population musulmane
est très représentée...
Par
ailleurs, ce qui est gênant avec cette stigmatisation incessante des
musulmans, c'est que cela contribue à un climat de haine propice à
la discrimination, aux tensions sociales et aux différentes petites
injustices. Or c'est exactement ce que veut le prétendu État
Islamique : plus les populations musulmanes se sentiront
malheureuses et mal intégrées dans les pays occidentaux, plus il
sera facile facile de faire passer un message de haine et de faire
basculer plus de jeunes paumés dans la radicalisation et
l'extrémisme religieux.
Répandre
la haine est en fait le moyen le moins efficace et même le plus
contre-productif pour combattre cette vague terroriste. Je comprends
bien que la colère et la haine soient des réactions compréhensibles
en ces moments difficiles où la Belgique est frappée de plein fouet
par la violence aveugle du terrorisme. Mais se laisser aller à
exprimer des idées racistes ou xénophobes sous le coup de l'émotion
n'est vraiment pas une réaction intelligente. Notre colère qui peut
être justifiée quand elle va à l'encontre des terroristes ne l'est
plus du tout quand elle s'étend sans réflexion à l'ensemble des
musulmans qui n'ont rien à voir pour la plupart avec ces
psychopathes dangereux. Il faut, je pense, un sursaut citoyen et
démocratique de notre société : déraciner la haine d'où
qu'elle vienne est un devoir majeur. La plupart des musulmans
condamnent sans appel ces attentats. Ne les mettons pas dans le même
sac que les crapules sanguinaires qui trouvent normal d'aller se
faire exploser dans un aéroport ou dans une rame de métro.
Dans
ce genre de moment, il est bon de se rappeler cette formule du
Bouddha dans le Dhammapada :
« En
vérité,
La
haine ne s'apaise jamais par la haine.
La
haine s'apaise par l'amour.
Ceci
est une loi éternelle ».
Il
faut avoir la force de dépasser la haine, car la haine est très
mauvaise conseillère et a la fâcheuse tendance d'être extrêmement
contagieuse. Je sais que si j'appelle à la suite du Bouddha
d'apaiser la haine par l'amour et la bienveillance, on me dira que je
suis naïf et trop idéaliste. On va me sortir l'éternel argument :
« On ne vit pas dans un monde de bisounours ».
Certainement qu'on ne vit pas dans un monde de bisounours, il suffit
de regarder le journal télévisé ou d'écouter les informations
pour s'en rendre compte. Mais enchaîner les réflexions racistes et
les commentaires stupides pleins de haine n'est pas ce qui va
résoudra notre problème.
Répandre
l'amour bienveillant autour de soi dans la méditation ne fait pas de
nous un bisounours, inconscient des troubles qui secouent le monde,
pas plus que faire preuve de raison et d'essayer d'apporter des
réponses intelligentes et structurées aux problèmes que
rencontrent nos sociétés. Je ne suis pas dogmatique dans la mise en
pratique de mes principes moraux et citoyens : peut-être que
nous n'aurons d'autres choix que d'employer la violence et de faire
résonner les armes à l'encontre du prétendu État Islamique,
peut-être qu'il faudra employer plus de moyens ou donner plus de
latitudes à la justice pour traquer sans répit les candidats aux
attaques kamikaze ; mais il faudra faire cela sans oublier que
la violence n'est jamais une bonne chose. La violence crée une
énorme souffrance autour de soi et partout dans le monde. Si l'on
bombarde les positions de Daesh en Syrie ou en Irak, on risque de
tuer des civils innocents qui subissaient déjà la tyrannie du
prétendu califat. Il faut donc systématiquement garder raison et
faire un usage raisonné de cette violence pour que celle-ci ne se
retourne pas contre nous et ne devienne incontrôlable.
Que
ce message soit compris comme un appel à la bienveillance aussi bien
qu'un appel à la Raison.
Voir aussi:
- Ce matin à Bruxelles
- Pacifique ou pacifiste ?
- Faut-il arrêter de bombarder Daesh ?
- Ce matin à Bruxelles
- Faut-il arrêter de bombarder Daesh ?
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