La boîte de Pandore
Voilà
un des mythes les plus célèbres de la mythologie grecque. Tout
commence avec Prométhée qui, décidément, agissait un peu trop en
faveur des humains aux yeux de Zeus, le roi de l'Olympe. Quand
Prométhée et son frère Épiméthée avaient été chargés de
créer et d'ordonner le monde des mortels, alors qu'Épiméthée
avaient oublié de donner des dons et des qualités aux êtres
humains tel qu'il l'avait fait pour le reste des animaux, Prométhée
avait rattrapé le coup en allant voler le feu dans la forge
d'Héphaïstos, le dieu forgeron, et les savoirs techniques dans la
bibliothèque d'Athéna. Pour éviter que l'utilisation du feu et des
armes ne se retournent contre les humains, il avait intercédé
auprès de Zeus et Hermès pour inscrire dans le cœur des hommes le
sens de la justice et le sens de la honte afin que les mauvaises
actions ne prolifèrent pas et rendent impossible toute fondation
d'une Cité, un État politiquement organisé qui permet aux hommes
de dépasser leurs faiblesses individuelles.
Pour
ce vol du feu et des techniques et d'autres forfanteries en faveur
des humains, Zeus avait condamné Prométhée au châtiment horrible
d'être enchaîné dans les montagnes du Caucase et d'avoir le foie
dévoré chaque jour par un aigle encore et encore, le corps de
Prométhée se reconstituant chaque nuit. Je ne m'étendrais pas ici
sur la portée philosophique du geste de Prométhée et de son infâme
condamnation. Je reviendrai peut-être dans une publication prochaine
autour de toute cette résonance importante du mythe prométhéen sur
la philosophie ancienne comme moderne.
Revenons
donc aux humains, car Zeus avait voulu aussi punir l'humanité :
en effet, munis du feu et de la connaissance, les hommes avaient fait
preuve d'orgueil et de démesure. Chaque jour, ils développaient
leur puissance et se prenaient de plus en plus pour des dieux. Zeus
ne pouvaient laisser pareille chose impunie. Hésiode dans « Les
Travaux et les Jours » nous raconte ainsi que Zeus a donc
commencé par enterrer la nourriture au sein de la Terre. Les hommes
qui vivaient dans un âge d'or où tout leur était donné ont du
donc commencer à travailler à la sueur de leur front pour cultiver
des champs. Mais ce n'était pas suffisant. Zeus leur a réservé un
châtiment encore plus infâme : la femme. Oui, parce
qu'auparavant, il n'y a avait que des êtres humains de sexe masculin
sur la Terre. Et quoi de mieux pour troubler la sérénité des
hommes que de leur adjoindre la femme ?
Zeus
a donc convoqué les dieux pour qu'ils façonnent la première femme.
Hephaïstos eut la charge de façonner cette première femme avec de
l'argile et de l'eau à l'image des plus belles déesses. Athéna lui
conféra la vie, l'habilla et lui apprit des savoirs techniques comme
l'art du tissage. Aphrodite lui inculqua l'art de la séduction
tandis que Peitho, la déesse de la persuasion, lui conféra l'art de
convaincre. Aphrodite lui inspira aussi un « lui
inspirer les violents désirs et les soucis dévorants ».
comme l'explique Hésiode. Les
Charites ornèrent son cou d'un magnifique collier d'or pour mettre
en valeur sa grande beauté, et les Heures couronnèrent sa tête de
fleurs. Apollon lui donna l'art de chanter ainsi que le goût des
belles choses. Et enfin Hermès, le messager, lui donna la parole et
fit naître en elle une , mais Zeus insista fortement pour qu'il
inculque à cette première femme mortelle sur la Terre la capacité
de mentir effrontément. On donna à cette première femme le nom de
Pandore, en grec Pandora :« tous
les dons ».
Zeus
demanda à Hermès d'amener Pandore à Épiméthée, le frère un peu
crétin de Prométhée et de la proposer en mariage. Épiméthée
tomba immédiatement sous le charme et s'empressa d'accepter cette
demande en mariage alors même que Prométhée lui avait expressément
demandé, avant d'être envoyé sur son rocher dans le massif du
Caucase, de n'accepter aucun don de Zeus, car cela se retournerait
contre l'humanité chérie de Prométhée. Et cela ne manqua. En
fait, dans le mythe d'Hésiode, le simple fait d'avoir introduit la
femme dans l'humanité était une calamité sans nom.
Zeus
ricana d'ailleurs devant Prométhée en lui disant : « Fils
de Japet, qui en sais plus que tous les autres, tu ris d'avoir volé
le feu et trompé mon âme, pour ton plus grand malheur, à toi,
comme aux hommes à naître : moi, en place du feu, je leur ferai
présent d'un mal, en qui tous, au fond du cœur, se complairont à
entourer d'amour leur propre malheur ».
Oui, parce que les femmes que les hommes aiment tant sont
terriblement dures à satisfaire : pour leur payer les objets
luxueux qu'elles désirent tant et la bonne nourriture, les hommes
doivent travailler d'autant. Et quand ils sont abandonnés des
femmes, ils se lamentent sans fin de leur solitude. Elles sont en
plus trompeuses, méchantes et acariâtres. Si bien qu'en leur
compagnie, les hommes connaissent un « un
chagrin sans bornes, une douleur incurable ».
Une damnation sans fin.
On
passera sur la misogynie absolument abyssale de ce mythe d'Hésiode !
Parce que, même si Pandore est en elle-même une calamité, le
courroux de Zeus ne s'arrête pas là. Comme cadeau de mariage avec
Épiméthée, Zeus offrit à Pandore une belle boîte, une très
célèbre boîte : la boîte de Pandore ! (Pour être tout
à fait exact, c'était une jarre. Mais passons...). Zeus recommanda
de ne jamais ouvrir cette boîte sous aucun prétexte. Évidemment,
la curiosité maladive de Pandore fit qu'elle ne résista pas très
longtemps à la tentation d'ouvrir cette boîte. Or celle-ci
contenait tous les maux de l'existence : la misère, la guerre,
la folie, la violence, la haine, la famine, la vieillesse, la
maladie, le froid, la chaleur intense, le vice, la tromperie, la
dissension, la jalousie, etc... Et tous ces maux s'échappèrent et
envahirent le monde au moment même où Pandore entrouvrit la boîte.
Pandore referma immédiatement la boîte, mais trop tard. La seule
chose qui n'avait pas eu le temps de s'échapper de la boîte, c'est
l'espérance qui resta donc dans la boîte.
John William Waterhouse, Pandore, 1896. |
*****
Alors
la question philosophique qui se pose immédiatement, c'est pourquoi
l'espérance se trouvait dans cette boîte contenant tous les
malheurs du monde ? Je voudrais livrer quelques interprétations
de ce mythe. La première est de penser qu'après tout, Zeus était
quand même gentil : il a livré à l'humanité des maux
terribles, sachant pertinemment que Pandore ne résisterait pas à
l'envie de voir ce que la boîte contenait. Mais dans le même temps,
il a adjoint l'espérance à tous ces maux pour avoir la capacité de
supporter ces maux quand ils viennent nous frapper dans l'existence.
« L'espoir fait vivre... » nous dit le dicton.
La
seconde interprétation, c'est de considérer l'espoir comme une
calamité. Une calamité d'autant plus dangereuse qu'on la garde
enfermée dans notre cœur, de la même façon que Pandore a gardé
l'espoir dans sa boîte, alors que les autres calamités ne touchent
jamais l'ensemble de l'humanité en même temps. Tel mal touche telle
personne, et pas son voisin ; telle guerre touche tel pays, et
pas un autre. Tous les hommes par contre espèrent un avenir meilleur
qui, la plupart du temps, n'arrive jamais. L'espoir fait peut-être
vivre, mais il fait mal vivre. Cet espoir empoisonne notre existence
plus qu'il ne constitue une force pour nous.
Cette
vision de l'espoir comme un mal, on la retrouve dans des différentes
philosophies de l'Antiquité grecque et romaine, essentiellement chez
les stoïciens et les épicuriens. Le Sage est celui qui accepte de
vivre dans l'ici et maintenant (hic
et nunc),
et ne se projette pas continuellement dans un avenir fantasmé. On
retrouve cette notion dans la philosophie antique indienne, notamment
dans le bouddhisme (même si le Bouddha parle moins de l'espoir que
du désir, notion nettement plus large que celle de l'espoir) et dans
l'hindouisme. Le texte hindou du Sāmkhya Sūtra
cite un extrait de l'épopée indienne du Mahābhārata : « Seul
le désespéré est heureux ; car l'espoir est la plus grande
torture qui soit, et le désespoir le plus grand bonheur ».
On retrouve cette idée dans les textes taoïstes en Chine où
l'accent est mis sur le fait de s'abandonner au Tao, à la Voie, le
cours des événements : laissez-vous guider par le flux de
l'existence plutôt qu'espérer changer les choses par son travail et
son effort personnel.
Quels
sont les reproches habituellement adressés à l'espérance ?
-
1°) L'espoir porte sur quelque chose de futur : j'espère avoir
l'argent pour acheter une belle maison, j'espère que ma carrière
progressera bien, j'espère que je vais gagner au loto. Tous ces
événements doivent se produire dans le futur. L'espérance nous
projette dans le futur, nous fait entrevoir un futur idéalisé, et
du coup, nous fait perdre de vue le moment présent. L'espérance
agit comme une drogue qui nous ferait oublier le moment présent
douloureux ou insatisfaisant. Or le futur n'existe pas encore, seul
existe ce moment présent. L'espérance nous enferme dans l'illusion
de l'avenir.
À
ce propos, le Bouddha affirmait :
« Le
passé n'est plus.
Le
futur n'est pas encore.
Ne
vous attachez pas au passé,
Ne
vous laisser submerger par le futur ».
-
2°) L'espoir semble être quelque chose de très positif à première
vue. « L'espoir fait vivre... », mais en fait, cet espoir
est inextricablement lié à la crainte. Si j'espère réussir mon
examen, c'est inévitablement que du même coup j'ai peur de rater ce
même examen. Dans le livre III de son Éthique, Baruch
Spinoza affirme : « Il n'y a pas d'espoir sans crainte,
ni de crainte sans espoir ». L'espoir a donc ce fâcheux
inconvénient d'inviter constamment en nous cet hôte indésirable
qu'est la crainte, la peur, l'angoisse...
-
3°) L'espoir projette constamment un futur idéalisé, correspondant
parfaitement à nos désirs. Il a donc le pouvoir de rendre très
décevant le moment présent qu'il a tendance à rendre beaucoup plus
insatisfaisant qu'il n'est réellement. L'espoir nous fait voir la
situation présente uniquement sous l'angle de ce qui y est pénible,
morne ou ennuyeux. Si on avait la sagesse d'apprendre à se contenter
de qu'on a dans l'ici et maintenant, on verrait d'insoupçonnées
richesses dans l'instant présent. Et on pourrait d'autant plus agir
pour améliorer ce présent.
-
4°) L'espoir nous précipite dans la passivité. L'espoir est
souvent vécu comme une attente. J'attends passivement que les choses
s'améliorent, que l'argent tombe du ciel, que ma santé revienne.
Cet espérance contribue donc à nous rendre faible et impuissant à
changer les choses.
*****
On
voit que cette conception de l'espérance présente dans différents
philosophies antiques s'oppose frontalement à la religion chrétienne
pour qui l'espérance est une vertu fondamentale. Un chrétien se
doit d'espérer constamment le royaume de Dieu. Le christianisme mise
tout sur cette espérance que Dieu résoudra tous nos problèmes, si
pas dans cette vie, dans la prochaine. Cette espérance ne coule pas
de source : même Jésus, pourtant le fils de Dieu si on croit
la Bible, avait eu son gros moment de doute sur la Croix : « Ô
père, pourquoi m'as-tu abandonné ? »
Pourtant,
on retrouve cette critique de l'espoir même chez des philosophes
foncièrement chrétiens comme Blaise Pascal : « On ne
vit pas, on n'espère de vivre. Si bien que nous disposant toujours à
être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais ».
Dans le contexte chrétien, il faudrait peut-être distinguer
l'espoir humain de l'espérance en Dieu. L'espoir humain est l'espoir
que procure mon propre effort, mes talents et l'intervention du
hasard : j'espère réussir mes examens, j'espère que mon
commerce va prospérer, j'espère gagner ce match de football,
j'espère être célèbre, j'espère avoir du succès.... L'espérance
en Dieu est un abandon de sa volonté à Dieu. Le même Blaise Pascal
disait : « Il n'y a de bien en cette vie qu'en
l'espérance d'une autre vie ». Dieu seul décidera de
m'accorder sa grâce dans cette vie et dans la suivante.
Faut-il
encore que Dieu existe ! Si Dieu n'existe, tout cela n'a aucun
sens. Cette objection ne décontenançait pas Pascal puisqu'il avait
avancé l'idée un « pari ». Il faut parier sur
l'existence de Dieu : si je perds, je ne perds rien, si je
gagne, je gagne, car je gagne le paradis et une vie éternelle. Ce
pari me laisse quand même fortement dubitatif ! Transférer
l'espoir humain dans une espérance qui s'appuie sur une entité
hypothétique m'apparaît personnellement comme un saut dans le vide.
*****
Dans
la philosophie contemporaine, on va retrouver cette critique de
l'espoir chez un auteur comme Albert Camus. Dans le chapitre « L'été
à Alger » de « Noces », il écrit :
« De
la boîte de Pandore où grouillaient les maux de l'humanité, les
Grecs firent sortir l'espoir après tous les autres, comme le plus
terrible de tous. Je ne connais pas de symbole plus émouvant. Car
l'espoir, au contraire de ce qu'on croit, équivaut à la
résignation. Et vivre, c'est ne pas se résigner ».
On retrouve ce thème de l'inaction et de la passivité auxquelles
nous livre l'espérance.
Ce
thème est très présent aussi dans l’œuvre d'André
Comte-Sponville, notamment dans son premier livre « Le mythe
d'Icare » très explicitement sous-titré : « Traité
du désespoir et de la béatitude ». Reprenant les
philosophes antiques ainsi que Spinoza sur le caractère défectueux
de l'espoir, Comte-Sponville explique qu'il n'y a pas de sens à tout
le temps soupirer sur tout ce qui pourrait faire notre bonheur :
« Ah si j'avais de l'argent que je serais heureux... Ah si
Marguerite était amoureuse de moi, que je serais un homme comblé et
épanoui.... Ah si j'obtenais ce poste tant désiré, qu'elle serait
ma joie !.... Quand j'aurai obtenu le succès dans mon
entreprise, je serai enfin un homme heureux ». L'espoir renvoie
le bonheur dans un avenir hypothétique. Comte-Sponville cite souvent
Woody Allen : « Ah que je serais heureux si j'étais
heureux ! ». La solution pour lui est donc
d'abandonner cette quête stérile d'un bonheur futur et hypothétique
et d'entrer dans le désespoir. Paradoxalement ce désespoir est le
meilleur moyen d'être vraiment heureux ! C'est quand on renonce
à être heureux qu'on a une chance de le devenir !
*****
Voilà
cette critique philosophique de l'espérance comme une calamité qui
sommeille dans la boîte de Pandore. Je voudrais néanmoins suggérer
une troisième interprétation qui serait une synthèse des deux
premières. Cette troisième interprétation provient de ce que j'ai
moi-même essayé de me libérer de l'espoir et de retourner
continuellement à l'instant présent dans ma pratique de la
méditation. Or je ne suis jamais parvenu à considérer l'espérance
comme une force négative. Bien sûr, on pourrait attribuer cela à
mon manque de sagesse et d'accomplissement ; mais l'idée est
resté persistante en moi que l'espoir comporte en elle une force
positive. Je vois l'espérance comme ce que les Grecs appelait un
pharmakon. Ce mot est à l'origine des mots français
« pharmacie », « pharmacopée », etc... Et il
a deux traductions : le poison et le remède. Pour moi,
l'espérance a cette nature ambivalente qu'il faut bien prendre en
compte si l'on veut transformer sa vie vers plus de bonheur et de
sérénité.
Pour
Spinoza, l'espoir est intrinsèquement liée à la crainte. Mais il
la définit de la manière suivante : « L'espoir est
une joie inconstante née de l'idée d'une chose future ou passée de
l'issue de laquelle nous doutons en quelque mesure ».
L'espoir est une joie inconstante certes puisque nous ne savons pas
si ce que nous espérons va réellement se produire comme nous
l'espérons, et que cet espoir est arrimée à la crainte de ce que
la chose souhaitée ne se produise ; mais l'espoir est quand
même une joie, une passion joyeuse, tandis que la crainte est une
passion triste, une forme de tristesse. Et en cela, espoir et crainte
ne sont pas complètement symétriques.
Prenons
un exemple. Si j'ai l'espoir que les migrants trouvent une solution à
leur exil sans fin, je ne suis pas dans les mêmes dispositions
psychologiques que quelqu'un qui craint que les mêmes migrants
viennent nous envahir. Alors certes, quand j'ai de l'espoir pour les
migrants, j'ai aussi une certaine crainte que les choses ne
s'améliore pas pour eux et que cela entraîne des tensions et des
conflits ; et si j'ai la crainte que les migrants viennent nous
submerger, j'ai aussi l'espoir qu'ils repartent dans leur pays. Mais
ce n'est pas symétriques : l'espoir se produit pour
quelqu'un tandis que la crainte se manifeste contre. En cela,
il y a une dynamique positive : la volonté que les choses
s'arrangent ou s'améliorent.
L'espoir
n'est d'ailleurs pas qu'un sentiment égoïste. Je peux bien sûr
souhaiter réussir mes examens, gagner de l'argent pour me payer
l'automobile de mes rêves, réussir tout ce que j'entreprends et
récolter plein de gloire... Mais l'espoir peut aussi être un espoir
spirituel : j'espère progresser dans la méditation, gagner en
calme et en sagesse... Et l'espoir peut être aussi altruiste :
je peux espérer que mes amis et les membres de ma famille se portent
bien, je peux espérer un avenir meilleur pour la société et pour
le monde, je peux espérer que l'humanité trouve des solutions aux
réchauffement climatique et aux différents problèmes
environnementaux pour les générations futures puissent vivre, être
heureuses et prospérer sur cette Terre...
Pour
moi, l'espérance est indissociable de mon expérience de la joie. La
joie
est
une des quatre qualités incommensurables avec l'amour bienveillant,
la compassion et l'équanimité. La joie consiste à se réjouir des
qualités et des actes positifs de tous les êtres autour de soi :
quand une personne est belle, on s'en réjouit ; quand une
personne fait preuve d'intelligence, on s'en réjouit ; quand
une personne accomplit de belles et bonnes choses, on s'en réjouit.
Tout cela au lieu d'éprouver de la jalousie et de l'envie à
l'encontre des autres. On se réjouit pour tout ce qu'ils manifestent
de positif. La joie sacrée consiste à se réjouir de ce que tous
les êtres sensibles sont dotés de la « nature-de-Bouddha » :
tous les êtres sensibles ont la potentialité de s'éveiller et de
transformer leur être vers plus de sagesse, de lucidité et de
bienveillance. La méditation de la joie consiste à répandre ce
sentiment de joie envers tous les êtres dans toutes les directions
du monde, encore et encore. Quand on est dans cette disposition
d'esprit, on voit les ouvertures et les possibilités comme une
clarté pouvant illuminer le monde. De cette joie procède donc une
espérance nouvelle pour le bien de tous les êtres. On prend
conscience que les choses peuvent changer.
Bien
sûr, il ne faut pas être naïf : le fait que les choses
peuvent changer ne veut pas nécessairement dire qu'elles vont
changer. Bien sûr, le monde est enfermé dans sa négativité, et
tout cela est bien souvent désespérant. Néanmoins, il y a souvent
des évolutions souterraines qu'on ne voit pas, qui semblent
marginales, mais n'agissent pas moins. On dit souvent qu'un arbre qui
tombe fait plus de bruit qu'une forêt qui pousse.
Pour moi, il y a
un progrès qui est possible pour nous-mêmes, pour l'humanité et
l'ensemble des êtres sensibles comme les animaux. Il faut veiller à
ce que cette espérance soit une espérance consciente, je
veux dire par là que, quand on espère, on espère dans le moment
présent quelque chose qui devra se produire dans le futur (ou dont
on aura connaissance dans le futur), et on doit garder conscience de
ce moment présent, parce que c'est dans ce moment présent qu'on
trouvera des potentialités pour changer les choses, pas demain ou
après-demain. Et cette espérance se doit d'aller toujours vers plus
d'altruisme, de considération pour les autres. C'est comme cela que
l'espérance peut devenir un pharmakon, qui, utilisé à bon
escient, servira au plus grand nombre.
Odilon Redon, Pandore, 1914 (Metropolitan Museum de New-York) |
Voir également :
- Une cure d'extraordinaire
- Changer les choses
- La perspective de changer les choses
- Un autre monde est possible
John Gibson - Pandora - 1860 (Victorian & Albert Museum, Londres) |
Voir aussi :
- Un bien véritable (Spinoza)
- Carpe Diem
- Un conseil de Jigme Lingpa
- Vanité des vanités (L'Ecclésiaste)
- Carpe Diem
- Un conseil de Jigme Lingpa
- Vanité des vanités (L'Ecclésiaste)
- C'est beaucoup et c'est l'ombre d'un rêve (Jen Moréas)
- Si c'est le bonheur que tu cherches (Chengawa Lodrö Gyaltsen)
- Sans savoir pourquoi (Sōseki Natsume)
- En repos dans une chambre (Blaise Pascal)
Dante Gabriel Rossetti, Pandore, 1869. |
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Voir tous les articles et les essais du "Reflet de la lune" autour de la philosophie bouddhique ici.
Harry Bates - Pandore - 1891 (Tate Gallery, Londres) |
Harry Bates - Pandore - 1891 (Détail de la boîte) |
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